Année 1636
"...au commencement de
l'année (1636) des troupes nombreuses de Polonais, Croates et Hongrois,
au service de l'empereur, ennemi de la France, et conduit par Fouréas
Jolyani et Colredo, arrivèrent dans les environs de Stenay s'arrêtèrent
à Juvigny, Loupy et dans les autres maisons fortes du voisinage,
faisant des ravages et des maux incroyables, prenant à rançon hommes,
femmes, filles et enfants sans exception ni de Lorrains ni de Français
qu'ils tourmentaient d'une manière cruelle et inouïe lorsqu'ils
refusaient de donner des rançons aussi fortes qu'ils le souhaitaient ou
qu'ils tardaient trop à les apporter, que la plupart mouraient peu de
temps après. Ils tuaient même tout ceux qui n'étaient pas dans le
pouvoir de leur donner de grosses rançons... " FR
On retrouve les mêmes faits chez Denain qui ajoute :
"...(en avril) Ils poussèrent jusqu'à Montfaucon où ils mirent le feu à
17 villages des environs et en obligèrent les gens de venir se réfugier
dans les fossés et demi lunes de Stenay, les portes leur ayant été
fermées..."
"... Au mois de février les châteaux de Brouennes et de Chauvency qui
avaient été pris l'année dernière par les Français furent repris par le
sieur d'Offlance" (FR) (en fait d'Auffance 08)
"...au mois de mars les ennemis passèrent auprès de Dun, brûlèrent
Brieulles-sur-Meuse, y défirent quelques soldats en petit nombre et
repassèrent incontinent.
Vers le milieu de mars, les Croates brûlèrent un village prés de Mouzon
sur la rive droite de la Meuse où ils prirent quelques femmes qu'ils
jetèrent dans le feu et les brûlèrent jusqu'au nombre de 10 ou 12.
Mais plus de 4000 de ces Croates échouèrent dans l'entreprise qu'ils
firent d'enlever le régiment de Querquois qui était à Stenay, pour être
sorti trop tôt de leur embuscade. Il n'enlevèrent que les moutons et un
gentilhomme avec quelques cavaliers.
Le 8 avril jour de Pâques, ils voulurent surprendre le régiment de
Querquois et de Chehery qui était logé à Laneuville proche Stenay et
les enlevèrent pendant qu'ils entendaient la messe du matin, mais ayant
été découvert de loin, les gens du roi eurent tout le loisir de se
mettre et remparer dans les maisons fortes du dit Laneuville où ils
tinrent bon nonobstant tous les efforts des Croates qui les voulaient
forcer et il fut tué dans cette affaire le fils du général qui voulait
malgré les arquebusades mettre le feu à la porte du sieur de Boulains.
Ses soldats l'emportèrent tout morts qu'il était. Ils y en eut encore
trois autres de tués qui demeurèrent sur la place. Ils attaquèrent
aussi par deux fois les habitants de Mouzay qui étaient retirés dans
leur église, mais ils furent contraints de quitter prise par la
vigoureuse résistance des dits habitants, en dépit de quoi ces barbares
mirent le feu au village et à l'église ou les cloches qui étaient des
plus belles du pays furent cassées et fondues.
Ensuite ils attaquèrent le bourg le Montfaucon et l'ayant pris ils le
brûlèrent et y saccagèrent tout. Dans un seul jour ils brûlèrent 17
villages dans les environs de ce bourg.
Dans ce même temps, ceux de Mouzon mieux armés que devant, vont piller
ceux d'Yvoix et des environs, ramenant grand butin et entre autres
choses 400 chèvres. Mais les Bourguignons eurent aussitôt leur
revanche, venant en course à Beaumont, ils emmenèrent 500 bestiaux.
Le comte de Soissons avait été envoyé du roi en notre frontière pour la
conserver. Il se logea à Grandpré avec son armée et aux environs, mais
comme les soldats étaient mal payés, ils pillaient où il pouvaient. Il
y en eut quelques-uns qui furent pendus à Mouzon comme voleurs.
Au mois de mai combat d'Yvoix ou Sachy, par Louis de bourbon, comte de
Soissons, dans lequel les Polonais perdirent leurs tymbales (espèce de tambour) , leurs
bagages et leur général...
Le 20 mai, le comte de Soissons arriva à Stenay. Le 21 il fit la revue
de son armée dans la prairie dudit lieu et le 26 il prit son quartier à
Mouzon, avec une partie de l'armée du roi qui pouvait se monter de 12 à
15 000 hommes. Et l'autre partie logea au village à deux lieues à la
ronde où elle resta jusqu'au cinq juin suivant, pendant lequel temps
toutes les herbes des prés, les ampouilles de froment et marsage des
dit villages furent pareillement mangés et ravagés par les chevaux de
la dite armée.
Le 2 juin des soldat allèrent aux village d'Artaise (08) et de Vivier (08) pour
les piller, mais les habitants se défendirent si vaillamment qu'ils
tuèrent un soldat et en blessèrent quelques autres.
Le six du même mois, le comte de Soissons retourna à Stenay et le sept
après souper il partit avec son armée pour aller attaquer les Croates
qui n'osèrent l'attendre ni accepter le combat. Ce qui fut cause que la
dite armée se retira après les avoir été chercher à Loupy et Juvigny et
les Croates quittèrent le pays peu de temps après." FR
La peste s'installe.
"... après le départ de la dite armée (croate) la peste fut à Mouzon
et presque partout le pays, et y dura avec toutes les rigueurs qu'on
peut imaginer, jusqu'au mois de février 1637, pendant lequel temps il
est mort à Mouzon au moins 2000 personnes.."
"... il y eut 600 personnes qui moururent à Beaumont et 1600 sur les terres de Mouzon..." FR
Denain en fait également état.
"...à tous ces maux et embarras vint se joindre le fléau de la peste
qui commença à pulluler dans Stenay et aux environs le 20 juillet et
s'était déjà annoncé quatre ans auparavant comme il paraît par un
règlement de police en date du 2 septembre 1632 mais elle avait duré
très peu.
Cette dernière plus mauvaise et plus longue attaqua le 20 juillet
Didier Mousai, bourgeois de Stenay et de chez lui d'autres dans la ville
et ailleurs. En cinq mois elle enleva plus de 10 000 âmes et n'épargna
même pas les animaux domestiques..."
Dom Ganneron écrit : "On compte 20 000 personnes mortes depuis Sedan
jusqu'à Verdun, c'est à dire 12 lieues environ de pays". Il ajoute que
la contagion fit une "belle brèche" dans la garnison de Stenay, mais
aussi "Il semble que Dieu ait décoché tous ses fléaux à la fois sur son
pauvre peuple"
Parmi les victimes on trouve Simon de Pouilly, Nicolas Pognon, curé de Stenay.
Mais pendant la peste la guerre continue...
...le 18 juillet, les Bourguignons au nombre de 1000 à 1200 chevaux et
deux ou 300 hommes de pied conduits par le comte d'Isambourg, se
présentèrent devant Beaumont à la pointe du jour avec des pétards et
des échelles pour prendre cette place de haute lutte.
La moitié des fantassins avec quelques cavaliers qui avaient mis
pied-à-terre, vinrent tête baissée avec des haches et des pétards, mais
une grêle de balles de la place qui les faisaient tomber les uns sur
les autres, les contraignirent d'abandonner leurs instruments et de fuir
honteusement.
Pendant le temps que dura l'escarmouche, les autre Fantassins qui
étaient du côté de Létanne, s'approchèrent avec des échelles au pied de
la muraille au coin de la porte de Létanne et les autres qui étaient
derrière des haies, faisaient feu sur tout ce qui était sur les
murailles.
Mais leurs échelles ne purent atteindre que le milieu des dites murailles, joint au grand feu qu'on faisait sur eux.
Ils furent contraints de repasser le fossé où il y avait trois ou
quatre pieds d'eau, après avoir perdu trois ou quatre des leurs qu'ils
laissèrent dans les fossés avec le tambour qui avait battu l'assaut.
Les autres qui attendaient l'effet des pétards, n'avaient approché la
ville que de 200 pas, lorsqu'un tambour qui était au-dessus des
fourches, c'est-à-dire sur la petite montagne devant la ville battit la
chamade. (C'est le signal, qu'’une trêve des hostilités est demandée)
Le 4 octobre, la garnison d' Yvoix et de La Ferté dont le pays était
espagnol, vint courir jusqu'à Mouzon, mais ils ne prirent que deux
chevaux de charrue, le sieur de Bandeville qui en était gouverneur ne
leur ayant donné le loisirs de faire autre butin.
D'autres vinrent aux environs de Stenay pour vendanger et avaient avec
eux paniers, tonneaux, balonges (tonneau en bois cerclé) et charrettes avec quantité de paysans,
mais le sieur Thibaut gouverneur de Stenay ayant amassé un gros de
cavalerie sous la conduite du sieur de Saint-Amand, il leur donna la
chasse.
Et comme ils voulurent se retirer à Yvoix, les Français qui s'étaient
emparé du pont les y attendirent et comme il fallut se chamailler, 50 des
ennemis y furent noyés et 62 de tués, entre lesquels il y avait un
capitaine.
Un seul Français fit 10 prisonniers les autres Français en firent aussi nombre dont on eut rançon, mais Saint-Amand y fut tué.
En cette année les ennemis brûlèrent la basse-cour de l'abbaye de Belval une grande galerie de l'église proche le jardin... FR
De 1636 à 1639 la disette s'installe.