vente bien émigrésLa vente des biens d'émigrés


Certains y ont fait fortune...


La vente des biens d'émigrés.

"L'an 1792 le 10 e jour du mois d'avril après midi l'an quatrième de la liberté à la requête de Mr le procureur général... la loi du 12 février autorise mon dit sieur le procureur général sus dit à faire tout actes conservatoires sur les revenus et biens des particuliers notoirement émigrés et en conséquence à faire saisir et arrêter tous loyers, fermages, canons, capitaux, recettes et généralement toutes redevances quelconques, lesquels demeurant saisis jusqu'à ce ce qu'il en soit autrement ordonné"
Le premier intéressé est Jean-Baptiste Adnesse, fermier du moulin et usines de Pouilly qui doit remettre en ses mains tous loyers, fermages etc. qu'il doit à monsieur de Pouilly, notoirement émigré."

Il y eut ensuite, et les archives nous en donne le détail, des visites pour faire l'inventaire complet. Les mesures de terrain, les valeurs de chaque objet, leur capital, tout est épluché.
On y trouve aussi les fermiers de M de Pouilly, avec le montant des baux. On y remarque que les baux étaient en argent et non en denrées ou mixtes.
Parmi ces fermiers à bail annuel on note :
Antoine Guichard, Vincent Fauvelet, François Launay, la Vve Savignac, Pierre Chauvency, Jean Chauvency, Claude Philippe, Jean Chauvency.
Un bail emphytéotique pour Jean Lambert.
Et sans bail pour :
Albert Saussette, Jean-Baptiste Saussette, Jean Chauvency, Jean-Baptiste Berlet.
Ces baux s'échelonnent de 32 à 50 livres.

Les sœurs Élisabeth et Barbe Normand, émigrées, avaient aussi leurs fermiers pour un bail courant du 03/04/1785 au 036/04/1786. Il s'agit de :
Jacques Bertrand, Charles Pierrard, la Vve Gaillard, Charles Pierrard, Vincent Tressée, Jean Baptiste Simon et (?) pour des baux de 6 à 11 livres.



Les biens du baron de Pouilly.

Le mobilier

L'inventaire de la maison du citoyen Pouilly "notoirement émigré" avait eu lieu les 03 et 04/05/1792. Sur 23 pages nous en avons le détail.
Le recollement des meubles et effets avec l'inventaire eut lieu le 30/12/1792. Ce sont 16 pages qui nous décrivent l'intérieur de la maison, chambres, placards, caves, greniers etc.

Tout ce mobilier fait l'objet d'une vente du 28/04/1793 au 13/05/1793.
La vente est orchestrée par Jean Baptiste Hodez, notaire à Dun et un certain Renart, à 9:00 du matin "...après l'avoir fait annoncer au son du tocsin dans toutes les rues du village..."
On trouve aux AC de Stenay le détail des frais de ces ventes.

On voit sur des dizaines de pages défiler les objets de tous les jours mais aussi le mobilier, voitures, literie, livres etc.
Le tout accumulé sans doute sur plusieurs générations. (On pourra à ce propos se reporter à l'inventaire fait lors du décès de Louis Joseph de Pouilly AD55 xxxx)
Parmi les acheteurs on trouve quelques habitants de Pouilly, mais beaucoup de l'extérieur, tel ce Gérard Evrard de Laneuville qui fait l'acquisition d'une quantité d'objets plus ou moins hétéroclites. On imagine la jubilation de ces acheteurs ou spectateurs de la dispersion de ces biens.
Les femmes ne sont pas les dernières à participer aux enchères.

Le 28/04/1793

La vente commence donc ce jour à 9:00 par un tas d'ustensiles ménagers, Casseroles, tourtières, hachoirs, hachettes, lanternes très vieilles, chandeliers, arrosoirs, boîte de bois, vieille poulie, chaudron, baquet etc.

Elle s'arrête à midi pour recommencer à "une heure de relevé" soit 13:00  jusque 7:00.
Ce sont des pots de grès qui partent en plusieurs lots pour 21 livres.

Puis le mobilier est vendu. En voici quelques exemples :
6 fauteuils de satin vert à la citoyenne Creton de Mouzon pour 60 livres.
1 table à damiers 7 livres
1 écran 3 livres 10 sols
1 lit de plume à Marie Jeanne Simon d'Olizy etc.
Suivent des Traversins, oreillers, serviettes, nappes, taies, draps etc


vente bien émigrés
Le 29/04/1793 la vente commence à 8:00

Sont mises aux enchères des planches diverses par lots, dont l'un atteint 105 livres.
Et le gros morceau de la journée les quelques véhicules restants au château. (Il faut savoir qu'en 1792, Pouilly était revenu chercher une  grande partie de ses biens pour les emmener en exil.)

Un chariot monté adjugé après l'expiration des feux à Poncelet de Stenay pour 230 livres
Un cabriolet à Nicolas Bailly pour 225 livres
Une charrette montée à Jean André François de Liny pour 88 livres.
Un petit chariot à 4 roues à Jean Baptiste Guichard de Moulins.
Un tombereau à Guichard de Moulins pour 62 livres.
Un chariot à Jean Bestel de la Wame pour 185 livres.


La vente est suspendue quand le notaire souligne "...Et attendu qu'il est midi sonné, nous notaire etc."
Les voilà donc partis se restaurer avant de reprendre à une heure de relevé, par la vente de la cave du sieur Pouilly.

Deux pièces de vin vieux à Jean Baptiste Duprez à 260 livres chacune. (La pièce de Lorraine est de 180 litres.)
Deux pièces de vin vieux à Nicolas Brunaux de Stenay pour 265 livres et 260 livres.
Deux pièces à Darbour d' Inor pour 270 et 265 livres.
Trois pièces au citoyen Henry de Stenay pour 260 livres chacune plus deux à 270.
Une pièce à Jean Baptiste Bertholet de Liny pour 260 livres.
Une pièce au citoyen Ponsin le Jeune d' Inor pour 265 livres.

Puis sont vendues au citoyen Louis Courtois de Mouzon deux pièces de vin blanc pour 440 livres, mais la somme est ramenée à 330 car une des pièce n'est pas complète.
Même vente pour le citoyen Brunaux de Stenay. Une à  270 livres et une à 455 ramené à 341.

On passe ensuite au vin nouveau qui on le voit est moins prisé.
Une pièce  au citoyen Duclos de Stenay pour 71 livres
Deux pièces à Leclerc de Stenay pour 66 et 65 livres.

Si on récapitule cela représente
- 2340 litres de vin rouge (vieux)
-   720 litres de vin blanc (vieux)
-   540 litres de vin nouveau
Soit 3600 litres. Une belle cave !

Puis c'est du bois de chauffage vendu à la corde.
Et arrive sept heure sonnée de relevé... Arrêt des ventes jusqu'au lendemain 8:00

Le 30/04/1793, on commence par la vente de torchons, serviettes, essuies main, draps, assiettes, saucières et autre faïences etc.
Puis l'après midi des fauteuils, tables diverses.
Quelques objets qui sortent de l'ordinaire :
Un baromètre à 5 livres, un cadre doré, 3 livres, une paire de chenet 5 livres 10 sols.
Une tapisserie des Gobelins à 120 livres, un bois de lit avec le ciel garni en soie 195 livres, un "secrétaire ébénisterie" 130 livres

Catherine Collet, servante du sieur De Pouilly fait l'acquisition d'une boîte en carton pour 46 sols. Un souvenir sans doute.

Puis ce sont un tas d'objets  comme des huiliers, des malles, marteaux, serpes, balances jusque 7:00.

Le 01/05/1793 de 8:00 à 19:00
Miroirs, fourchettes, cuillers, "du vermissel avec un petit sac" pour 6 livres, 3 bouteilles de ratafia pour 26 sols, du fil en pelote etc.
L'après midi c'est de la toile qui est vendue, puis des fers à repasser, chaudrons, casseroles, chandeliers, cafetières et une quantité de tonneaux vides.

Le 02/05/1793 de 8:00 à 19:00
Ce sont encore des ustensiles de cuisine.
Mais aussi 4 vieux fusils de chasse de 5 à 16 livres, des armoires de 25 à 50 livres et une "horloge avec la boîte de bois adjugée à Jean Baptiste Percebois de Letanne pour 105 lives"
L'après midi, deux pressoirs à 210 et 160 livres. harnachement de chevaux, pièges à renard etc.

Le 03/05/1793 de 8:00 à 19:00
Le bric à brac habituel. Le montant des ventes est faible.
On note tout de même quelques livres "Semaine sainte", "Office des morts", "Fable" de Boisard (1744-1833) , un livre de plein chant, "Pratique de prière", deux volumes intitulés "Mémoires de la guerre au militaire", un "Nouveau testament", un livre de prières, et un registre de papier blanc.
Une baignoire de cuivre à 210 livres et un fourneau de fonte pour 36

Les 4 , 5, 6 mai ce sont les mêmes ventes d'objets usuels de peu de valeur.

Le 07/05/1873
Vente de livres essentiellement religieux, souvent en multiples exemplaires mais aussi et c'est intéressant :
1 dictionnaire géographique
1 volume sur "Le système de la nature"
5 volumes intitulés "Voyage du jeune Anarcharsis en Grèce"
4 volumes d'œuvres de Virgile
5 volumes "Principe de la littérature"
2 volumes "Histoire d'Alexandre"
3 volumes "Examen sur les finances de la France"
4 volumes "Origine des dieux du paganisme et le sens des fables"
1 dictionnaire historique
2 volume de morale
1 ancien et 1 nouveau testament

Le 08/05/1793
Au milieu d'un tas d'objets divers, quelques livres :
1 livre "Sacré cœur de Jésus"
1 livre "Mœurs de chrétiens"
6 volumes "Spectacle de la nature"
1 "Dictionnaire du jardinage"
1 livre "Instruction pastorale"
1 livre "Histoire de la Bible"
1 livre "État militaire"
1 livre "Poème de Racine"
1 livre "Le jardinier"
1 grammaire
1 volume "Œuvre de Charles de saint Evremond"
3 "Catéchisme de Verdun"
1 "saint François Xavier"
1 volume "Exposition de la foi catholique"
10 volumes "Petites instructions"
5 volumes relatifs à la religion
Quelques autres que le notaire estime de peu de valeur et qui se vendent entre 3 sols et 1 livre.
Enfin d'autres ouvrages dont il ne cite même pas le titre. On approchait de midi peut être...

L'après midi, c'est mieux.
9 volumes d'encyclopédie (Diderot ?)
4 volumes "Sermon du père Élisée"
6 volumes d'auteur Anglais (?)
2 volumes "Système de guerre"

"L'encyclopédie" adjugée après l'extinction des feux au citoyen Creusot demeurant à Stenay, pour 315 livres. Il s'agit sans doute de celle de Diderot.

12 volumes "Sermons de Mabillon"
16 volumes "Ouvrages de Bourdaloue"
6 volumes "Année chrétienne"
5 volumes "Lois civiles"
1 ouvrage "Nouvelle pratique civile criminelle nouveau praticien françois" par Lange 1731
1 grand catéchisme
1 "Conférences ecclésiastiques du diocèse d'Angers"
2 ouvrages latin
1 rituel
1 volume intitulé "Concordance"
40 volumes bibliothèque de romans (romains ?)
1 volume relatif à la maladie des chevaux
1 volume encyclopédie
8 volume "La vie des saints"
1 volume "Histoire du régiment de Monsieur" 1774
1 "La coutume de saint Mihiel"
2 volumes "Histoire de la milice de France" 1723
3 volumes "La Bible"
2 volumes "Fêtes mobiles"
3 volumes "Introduction au saint ministère"
4 volumes "Théologie nouvelle"
3 volumes "Traité sur les dispenses"
3 volumes "Annonces dominicales"
2 volumes "Abrégé de l'histoire romaine"
Encore quelques livres religieux sans grande portée.
1 ouvrage "Avis au peuple sur sa santé" par Tissot
2 volumes "Histoire de Guillaume le conquérant"
2 volumes "Les leçons de la sagesse"

On ne sait si Pouilly avait lu tous ces ouvrages, mais on peut lui reconnaître un certain éclectisme.
On pourra faire le rapprochement avec la bibilothéque de son pére connue par l'inventaire de 1755

En mobilier, un bois de lit, ciel, rideaux, vergette et un pan de tapisserie camelot, rayé blanc et vert, adjugé à 310 livres à Ramponneaux de Stenay.

Le 09/05/1793
On continue le bric à brac.
Quelques vêtements, mauvaises bottes.
Mais aussi des bois de lit, tapisseries façon Gobelins, rideaux, traversins.
Un bois de lit avec ciel à double tour en damas jaune et tapisserie de chambre pareille, est entre autres adjugée à Cirier de Dun pour 400 livres.
Un autre avec ciel et rideaux en toile à carreaux bleu et vert est acheté par Bruno de Stenay pour 150 livres.
Puis viennent des plantes... Mirthes, jasmins, cerisiers, lauriers et du matériel de jardinage, cloches, pots de terre, caisses de bois.

Sont aussi vendus à Louis Pierre Durlet de Pouilly, neuf tableaux de la famille de Pouilly pour 45 sols. Pourquoi et que sont ils devenus ?
Puis "plusieurs coquillages de poisson de mer" à ce même Durlet.

Le 10/051793
En plus du lot habituel
Un petit violon à Gobert de Pouilly (Lequel ?) pour 25 sols
Un transparent de lanterne magique 6 livres.
Cinq cartes de géographie pour 5 livres.
Un lit en plume et un traversin pour 85 livres.

Une centaine de "petits volumes de divers ouvrage" dont on a pas le titre, pour la plupart achetés par Millet de Stenay et Henriet, Aubry et Maurice de Pouilly.
Des planches de chêne et peuplier pour 258 et 41 livres pour Guichard de Moulins.

Le 11/05/1793
Encore des planches, du bois et des bricoles.
Un tas de hautons de blé et un autre d'orge. (Le hauton est la paille dans laquelle il reste encore du menu grain après le vannage)

Le 12/05/1793
Salières, verres, cruches cuillers, carafons, brocs, entonnoirs etc.
Mais aussi deux pots de nuit adjugés à la veuve Balland pour 15 sols.
Une quantité de pots de terre, deux échelles.
Des restants de vin vieux et nouveaux. Du "bas vin et de la lit (sic) de vin" sans doute pour faire du vinaigre.
Deux tonneaux dans l'un desquels il y a de la choucroute.
606 boisseaux d'orge, mesure de Bar.

Ce même jour, "...l'orangerie ayant été mise à prix et personne ne s'étant présenté pour acquérir les orangers, ni en tas ni en détail non plus que les autres plantes qui s'y trouvent et détaillées au recollement des 30 et 31 décembre des biens d'émigrés, exceptés les 3 lauriers qui en ont été sortis et vendus etc." ,  "...le dit citoyen les a laissé à la charge et garde du citoyen Pierre François Buisson, jardinier demeurant à Pouilly..."

Le 13/05/1793
Il se vend encore quelques rogatons sans grande valeur.




Voilà donc une vente qui aura duré 16 jours.
Qu'en conclure ?
Déjà on est étonné par la quantité de lots vendus. Ils sont consignés sur une soixantaine de pages doubles.
On ne connait pas ce que la famille De Pouilly a emmené dans son exil. On peut légitimement penser qu'ils ne sont pas partis les mains vides. Ainsi on ne trouve aucun bijoux, archives, vêtements autres que ceux de tous les jours.
Les biens précieux ont pris le chemin de l'exil. En septembre 1792 le baron de Pouilly emmène avec lui "dans l'empire autrichien, trois voitures de meubles et effets".
On ne sait si les affaires du curé Duhoux, stockées au château par prudence...ont été vendues dans la foulée.

Si certains articles sont partis à des sommes importantes comme le matériel, le vin, certains bois de lit, quelques ouvrages, il faut bien admettre que la plupart ont été bradés.

Le nombre de livres vendus nous dévoile une bibliothèque assez importante pour des nobles de campagne.
L'encyclopédie, des cartes de géographie, des livres d'histoire laisse supposer une certaine curiosité et érudition chez les de Pouilly.
Le nombre important de livres pieux nous confirme si besoin était leur attachement à la religion.

Et que sont devenus tous ces objets ? Le mobilier, les tableaux ?
Mme Lamotte D'Argy, née Marguerite Marie Émilie Druy, m'avait dit qu'elle possédait des meubles provenant du château de Pouilly ? Mais par quel moyens ?
Il faudrait remonter jusqu'à Gilles Bigot, son ancêtre, si bien sûr ce mobilier s'est transmis héréditairement.
Ce Gilles Bigot, vigneron, né à Pouilly le 30/04/1764 et décédé le 25/01/1831, a participé à la vente des biens des De Pouilly.
Mais on ne le voit acheter qu'une fourche à 15 sols, un vieux fusil à 13 livres 10 sols, un bois de lit à 5 livres 5 sols, donc de bien pauvres lots.

Quant au patronyme "d'Argy", ce n'est que récemment que les Lamotte se le sont approprié. Louis Lamotte, né le 16/06/1882 à Tournes (08) et Charles Lamotte, né le 11/04/1909 à Daigny (08), ce dernier pour lui et ses enfants mineurs, demandent le 24/06/1947 l'autorisation de joindre légalement à leur nom celui de d'Argy. Même demande, le 23/12/1961 de Pierre Jules Marie Théophile Lamotte, né le 29/07/1892 à Sedan. Le nom à particule faisait toujours rêver...
Dominique Labarre de Raillicourt disait que la famille noble d'Argy se serait éteinte en 1870 avec le colonel Charles d'Argy. Selon le "Dictionnaire de la noblesse française", cette famille d'Argy subsisterait, alors qu'une autre famille originaire de Touraine et appartenant à la noblesse de Bretagne, se serait éteinte en 1900 avec Marie Charles d'Argy, jésuite.
A priori tout cela ne concerne pas nos Bigot de Pouilly.

Concernant le patronyme D'Argy, j'ai retrouvé cette famille à Tournes (08)
Marguerite Marie Emilie Druy avait épousé Pierre Marie Jules Théophile Lamotte (1892-1965) le 21/03/1917 à Vichy.
La mère de ce Lamotte était Marie Louise Elisabeth Depoix dont la mère était Rosalie Adèle D'Argy, descendante d'une lignée D'Argy, notables de la région de Tournes, Haudrecy etc.
La relation est donc bien lointaine et tenue, et n'explique en tout cas pas la présence éventuelle de meubles en provenance de Pouilly.



La vente du bétail et des herbages

Le 19/01/1793 "...en vertu d'une commission à moi donnée envoyé par le directoire du district de Montmédy, pour me rendre dans la maison d'Albert Louis Pouilly, de Pouilly, en qualité d'expert pour différencier la valeur de chaque nature de bestiaux qui pourront se trouver dans ladite maison en présence d'Henry Gobert, maire de Pouilly..."

L'expert Renaud Martin visite donc les écuries :
- 9 vaches estimées entre 32 et 86 livres et un veau à 25 livres. Le tout représente 565 livres.
- 7 bœufs malle (sic) et veaux de 26 à 100 livres pour une somme estimée à 370 livres.
- 76 moutons à 9 livres chaque, soit 684 livres
- Brebis, agneaux, moutons et empenois (jeunes moutons) estimé à 5 livres l'un soit 1380 livres pour 276 têtes.

Le total du cheptel est donc estimé à 2999 livres.

La vente a lieu le 03 et le 04/03/1793 par Jean Baptiste Hodez notaire en la prévôté et châtellenie de Dun.
Deux taureaux partent à 315 et 320 livres, les vaches aux alentours de 100/120 livres.
66 moutons à 43 livres la paire soit 1419 livres (drôle de compte !)
On remarque que pas un seul habitant de pouilly ne se porte acquéreur.
Par contre le foin (qu'il faut transporter) et les vignes (à exploiter sur place) reviennent majoritairement aux gens du village.




La vente du château, terrains et vignes

Afin d'établir un état des biens vendus, ayant appartenu à Louis Albert de Pouilly, je me suis basé sur les bordereaux établis après la loi du 27/04/1825, dite "loi du milliard". (AD55 Q553). A voir aussi (AD55 Q1134  )
Ne sont notés ci-dessous que les biens à Pouilly, car il en existaient quantités d'autres à Luzy, Villosnes, Thierville, Quincy, Nepvant, Autreville etc. pour ce qui est de la Meuse.


Bien vendu date d'aliénation Prix de la vente revenu 1790
Un moulin avec ses bâtiments et usine, un jour de terre et deux fauchées de prés, aliéné le 28 messidor an IV. 16/07/1796 3181.00 1,662.00
Une pièce de terre dite la terre du pré le taureau contenant 250 verges 05/08/1796 1001.00 45.50
13 verges de terrain incultes appellés les Fossés de la grosse tour 14/08/1796 50.60 2.30
82 arpents 80 verges de prés en plusieurs piéces 10/02/1797 12241.24 556.42
Un corps de gagnage composé de 74 arpents 8 verges de terre et 16 fauchées de pré 28/08/1797 25850.00 1,175.00
Une ferme composée de 74 arpents 12 arpents de pré 11/03/1798 94348.80 1,400.00
Un corps de ferme consistant en 76 arpents 80 verges de terre, 13 arpents 60 verges de pré 17/04/1798 95626.35 1,400.00
un jardin potager à 3 terrasses vis à vis l'ancien château 17/04/1798 3727.67 25.00
Le château, bâtiments,orangerie et jardins indépendant 17/04/1798 50843.08 1,500.00
Jardin verger et potager de 57 toises de longuer et 53 de largeur 02/05/1798 20988.50 300.00
Corps de ferme composé de 75 arpents 75 vergesde terre, 10 arpents 32 verges de pré 02/05/1798 89871.98 1,400.00
Corps de ferme, maison jardin verger et potager. 74 arpents 12 verges de terre et 12 arpents 27 verges de pré 21/05/1798 84720.48 1,425.00
La maison blanche et jardin 21/05/1798 6429.22 45.00
Maison et jardin dit la Grosse tour et 15 ares 76 centiares de jardin revendue le 15/03/1803 16/07/1799 199.00 45.00
447 verges de vignes en 12 lots et 25 verges de vignes au dessus de la côte 20/03/1794 3393.00 8,800.00


Le château, jardins, potagers et verger furent achetés par Nicolas François Chenin habitant Clermont-en-Argonne. C'est ce qu'il apparait sur un écrit du 15 floréal an XII

Mais tout n'avait pas été vendu.
Une pétition de Marie Louise Elisabeth de Pouilly (~1734-1803) en date du 02/11/1796 demande que toutes ventes soient suspendues puisqu'elle est héritière de la moitié des biens de Pouilly, lequel, émigré laisse de ce fait l'autre part à l'état. (AD55 Q 959)
En 1806 la main levée est accordée sur les 4/7ème des biens non vendus et le droit de l'intégration de la propriété échoue aux héritiers. (AD55 Dossier Pouilly Q 959)
C'est Adèle de Pouilly qui joua le rôle principal dans le combat de la famille pour la récupération de ces biens. Le directeur des domaines de la Meuse propose de fixer l'indemnité à un principal de 239.881 francs 35 centimes.



Mais on remarquera que la vente des biens nationaux a surtout profité à la nouvelle bourgeoisie.

Les AD55 conservent les soumissions faites par ces nouveaux riches, anciens bourgeois ou vignerons et laboureurs aisés
Sans entrer dans le détail de leurs soumissions, on verra qu'ils n'étaient pas dans le besoin...

En voici quelques uns ayant acheté à Pouilly ou aux environs. La liste n'est pas exhaustive :
Pierre Ponsin, marchand et administrateur du district de Montmédy demeurant à Inor.
Jean-Baptiste Jodin, avocat en parlement, procureur syndic du district de Montmédy. (un corps de ferme pour 13 200 livres). C'est un ascendant de la famille La Marle.
Michel Louis Marie Dumailly, chevalier de Saint-Louis de Pré-Le-long.
Étienne Nicolas Evrard, homme de loi à Marville.
François Guichard, notaire à Stenay.
Remy Arnould Bechet, ancien officier de la garde du corps du roi de Pologne.
Thomas Guiche marchand et juge de paix à Stenay.
Claude François Agapithe La Fite de Pelleport de Servizy, pour un corps de ferme. (D'Hozier de Serigny dans les procés verbaux de la noblesse, écrit la Fitte de Pelleporc et le dit né le 19/08/1759 à Stenay)
Jacques Dupront d'Autreville se dit acquéreur pour 1 200 livres de 250 verges de terres labourables et 480 verges de pré en 3 piéces, le tout situé à Autreville et provenant de l'abbaye de Mouzon en dépendance de la ferme de Saint-Remy. Il s'agit sans doute de Jacques Dupront (16/06/1743-17/10/1813) marié à Anne Ballan.

Mais aussi des curés sans scrupules. Après tout la révolution doit profiter à tout le monde !
M. de Salgues, curé de Jametz offre pour une ferme située à Jametz, de 7 000 à 10 000 livres
Jean Legendre, curé de Thonne-la-Long.
Jean Bourret, curé de Marville.

Et plus curieux un ci-devant noble :
Nicolas Albert de Pouilly de Ginvry. Il se dit intéressé par la vente d'une "... ferme consistant en une maison de laboureur et environ 50 jours de terre aux trois saisons, trois fauches de prés et un jour de chènevière etc."
On apprend que c'est le prêtre d'Erque (?) qui est usufruitier de ces terres en sa qualité de bénéficiaire pourvu de la chapelle notre Dame de Luzy, de laquelle chapelle dépend la dite ferme etc.

Tout ce beau monde achète sans état d'âme les biens de ceux devant qui ils se courbaient quelques temps auparavant.
On comprend l'amertume du paysan qui ne fait que changer de maître. (AD55 Q207)



Les biens d'autres émigrés.

Il n'y a pas que les nobles qui choisirent l'exil. Certains partirent avec leurs "maîtres", d'autres par conviction, attachement à la royauté ou par peur.
Leurs biens furent aussi confisqués et vendus.



Quelques dates des textes de lois sur la vente des biens nationaux :

19 et 21/12/1789 Mise en vente des biens du clergé et du domaine de la couronne, jusqu'à la limite de 400 millions de livres.
19/12/1789 Création de l'assignat gagé sur les biens nationaux.
14/05/1790 Décret sur les modalité de vente des biens nationaux. Ils sont vendus aux enchères tenues dans les chefs-lieu de district. Le prix de vente est payable en 12 ans. Le morcellement des biens est préconisé.
25/06/1790 Décret étendant la limite des ventes au delà des 400 millions.
15/08/1790 Décret pour accélérer la vente des biens nationaux.
2 et 17/11/1791 Changement. Les biens doivent être vendus par domaine entier, voire en favorisant les regroupements. Ces décrets favorisent la bourgeoisie.
30/03/1792 Confiscation des biens des émigrés ayant quitté la France depuis le 01/07/1789
27/07/1792 Vente des biens d'émigrés. Le décret du 14/08/1792 fixe la taille des lots entre 2 et 4 arpents et payables par une rente perpétuelle. Cependant l'acheteur pouvant racheter cette rente est préféré, ce qui avantage une nouvelle fois les plus fortunés.
11/11/1792 Suspension des ventes des biens nationaux.
24/04/1793 Les coalitions d'acheteurs sont interdites.
28/12/1793 Mise à disposition de la nation des biens mobiliers et immobiliers confisqués aux individus considérés comme ennemis de la révolution (émigrés, fugitifs, prêtres réfractaires, déportés et détenus condamnés à mort, étrangers ressortissants de pays ennemis).
("Curieux Vouzinois" Janvier 2020 Christian Camuzeaux)