tresor pouilly   Le Trésor de Pouilly


    Une réalité en 2006.


Le trésor de Pouilly. mythe et réalité.



Dans tous les villages, une légende raconte qu'un trésor est caché...Il faut bien entretenir l'espoir d'un jour meilleur.
A Pouilly déjà en 1792, on parlait d'un éventuel trésor.

Et ce fut une réalité pour un habitant de Pouilly, Jacques Gravières, qui le 11/11/2006, creusait son jardin pour installer une fosse septique.
Le jardin et la maison avait appartenu à Julien Lambert (1930-2001), près du petit pont.
Le maire de Pouilly, Daniel Guichard, en fut averti. Cette vaisselle était parait-il enveloppée dans du tissu qui ne fut pas conserevé. L'ananlyse au carbone 14 aurait sans doute permis de dater ctte enveloppe. De plus l'analyse de la terre qui forcément l'entourait aurait permis de savoir si ce trésor avait déjà fait l'objet d'un enfouissement au cours de l'itinérance de ses propriètaires.

Ce trésor d'une valeur considérable, au moins historiquement, faillit être dispersé par vente aux enchères, si le ministre de la culture d'alors, Frédéric Mitterand, ne s'en était inquiété.

Il fut déclaré trésor national. L'état usa de son droit de préemption et finalement l'acquit au profit du musée Lorrain de Nancy.
On eût apprécié qu'il reste en Meuse, mais "...c'est la ville de Nancy qui a fait les démarches..." justifie maladroitement en 2010, Véronique Noël, directrice des affaires culturelles de ... Nancy.
La somme assez rondelette ( 1.400.000 euros ) fut financée par l'état et la région pour 80 000 euros seulement. (Je ne sais si l' inventeur, remercia sa commune d'adoption pour cette soudaine richesse.)

L'histoire de ce trésor n'est pas entièrement connue.

Les détenteurs institutionnels des pièces ont fait des investigations. Une publication, cinq ans après, nous dévoile leurs cogitations, avec dés le début, une erreur intéressante, puisque Pouilly est situé dans le canton d' Etain...
Cette publication destinée à l'exposition dont le trésor fit l'objet, est fort intéressante, mais seules une vingtaine de pages sur plus de 120, le  concernent directement.
L'enquête a daté certaines pièces, identifié leur créateur à partir des poinçons et donné le nom du dernier possédant. Ce serait un Beschefer, dont les initiales et signatures sont gravées  sur certains objets.

Les historiens locaux n'ont pas été sollicités. (Pratique classique des fonctionnaires de l'histoire.)
Philippe Voluer, ancien archiviste de Stenay, a tout de même été consulté, pour savoir si d'aventure "quelques événements militaires" ne se seraient point passés à Pouilly.
Quand on sait que Pouilly, dans l'orbite de Stenay, du Barrois, du Clermontois etc. a vu passer toutes les troupes de guerre, de tous les conflits, la question ne manque pas de surprendre.




A qui appartenait il ?


L'église de Pouilly et sa logistique, la fabrique, tenaient une comptabilité de ses biens. On peut donc les écarter

La famille de Pouilly ? Peu probable.
Elle émigra en 1792., mais Louis Albert de Pouilly revint au village au moment de la bataille de Valmy et si ce trésor avait appartenu, à lui ou à sa famille, il l'eût récupéré. Sauf bien sûr à n'en pas connaître l'existence.
Car ce trésor aurait pu être enfoui par un de ses ancêtres, même si on imagine mal un baron de Pouilly, nuitamment et bêche à la main, s'adonner à cette besogne.
Par contre, il avait "ses gens" à disposition.
On connait par les documents concernant l'émigration, les propriétaires de la maison et du jardin au XVIII ème. Il s'agit des sœurs Normand, Barbe et Elisabeth.
 "Ces deux dernières filles Normand ont des propriétés sur le territoire de ce lieu, provenant des successions de leur père et mère et qui sont encore indivises et non partagées. A savoir une maison avec jardin à coté, située à Pouilly proche le petit pont". C'est bien celle qui nous concerne.
La famille Normand, sans être proche de celle des De Pouilly, ne leur était pas inconnue. Les filles y travaillaient et déjà le grand-père, Jean-François Tressée, était chef de cuisine au château.
L'arrière-grand-père, Jean Meunier, marié à Louise Du Gay, était garde dans les fermes du roi en 1695. Dans l'acte de naissance de sa fille Marie Elisabeth, le 19/11/1702 à Cesse, on apprend qu'il était  "garde ambulant dans les fermes du roy..."
Mais tout cela n'est qu'hypothése.

Alors à qui ?

Ce trésor dont l'unité de temps, de lieu, de facture a été infirmée par l'étude des poinçons, et donc des artisans qui en furent les créateurs, appartenait sans doute, au moins pour le premier propriétaire, à une famille aisée.
Ce sont en effet des ustensiles non d'apparat, mais d'usage qui ont été "collectionnés" sur plusieurs génerations du XV ème au XVI ème.

Le rapport des experts, suppose qu'il a appartenu à une famille Beschefer, peut être protestante, venant de la Marne.
(Il existe de nombreux Beschefer à Châlons, Sainte-Menehould, Vitry-le-François.)
Les initiales "NB" retrouvées sur certaines pièces peuvent accréditer cette hypothèse.
Cette famille aurait tenté de fuir les persécutions religieuses dont elle était l'objet.

C'est plausible. Mais pourquoi venir à Pouilly, qui a si peu d' accointances avec la religion prétendue réformée ?
De Châlons, pour rejoindre Sedan, ville éminemment protestante, il eût été plus facile d'emprunter la route de Suippes, Vouziers, Chehery.
Ou pour se rendre à Jametz, ville dépendant de Sedan, encore une fois, Pouilly n'était pas sur la route la plus courte...
Il suffisait de passer alors par Vienne-le-Château, Montfaucon, Vilosnes.

Francine Roze (directrice du musée lorrain de Nancy)  assure :
 " En tout cas, quelque part entre 1587 et 1591, donc au plus fort des guerres entre Charles III, allié des Guise et les troupes de protestants de Condé, s'est retrouvé là un Beschefer. Et il était à Pouilly, entre Stenay et Jametz, qui étaient en proie à des sièges violents à ce moment-là. Il a dû prendre peur. On suppose qu'il a caché ses biens précieux avant de partir.".
Oui...Mais Pouilly ne se trouve pas vraiment entre Stenay et Jametz !

Et pourquoi enterrer une pareille fortune dans un jardin de Pouilly ?
Pour le mettre à l'abri et venir le chercher dans des jours meilleurs bien sûr.
Mais comment ne pas se faire voir dans un village où la vie privée est en fait publique.
Le seigneur ou ses gens, le curé, les femmes, les enfants, tout ce petit monde commentait le moindre événement. L'arrivée d'un étranger ne pouvait passer inaperçue.
Une certaine complicité était donc nécessaire avec les propriétaires du terrain.
Sauf à penser qu'au cours des nombreux conflits qui ont ruiné notre région, Pouilly eût été déserté par ses habitants (même provisoirement).
Auquel cas, un Beschefer, un soldat ou un voleur quelconque aurait pu mettre ce trésor à l'abri des regards. Mais cette hypothèse ne se trouve confirmée par aucun texte.

Si un soldat partant au combat, ne pouvait s'encombrer de toute cette vaisselle, pourquoi un fuyard ou un voleur l'aurait-il abandonnée ?
Et pourquoi aussi ne pas imaginer un habitant dépouillant un soldat ou un quelconque voleur de ces objets et les enfouissant à son profit ?

Il reste sans doute des pistes à explorer.




Et quand ?

Il fut enfoui après 1567.
En effet les deux gobelets emboîtables à couvercle (les pièces les plus récentes), portent le poinçon de Dietrich Brey (né à Liège vers 1528 et décédé à Francfort-sur-le-Main le 27/03/1598) orfèvre qui œuvra à Strasbourg entre 1560 et 1578.
On le connait aussi sous le nom de Theodor de Bry ou Dirk de Bry.
La famille de Bry était calviniste et originaire de Liège. Mais cela n'exclue pas qu'il ait pu exercer ses talents auparavant.

Et pourquoi pas après 1685 ?
La révocation de l'édit de Nantes, par l'édit de Fontainebleau le 18/10/1685 a mis sur les routes de l'émigration bien des protestants et il existait encore des Beschefer en Champagne.
Par contre ce trésor présente une certaine unité. Pourquoi n'y aurait-il pas des pièces plus récentes ?




Ce qui a sauvé ce trésor d'une dispersion mercantile.

Cet ensemble de 31 pièces devait être vendu en plusieurs lots par Sotheby's Paris le 09/11/2009


JORF n°0111 du 14 mai 2009 page 8124
texte n° 106

AVIS
Avis n° 2009-02 de la Commission consultative des trésors nationaux

NOR: MCCF0908620V

Saisie par la ministre de la culture et de la communication en application de l'article 7 du décret n° 93-124 du 29 janvier 1993 modifié relatif aux biens culturels soumis à certaines restrictions de circulation,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2 et L. 111-4 ;
Vu le décret n° 93-124 du 29 janvier 1993 modifié relatif aux biens culturels soumis à certaines restrictions de circulation, notamment son article 7 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 26 janvier 2009 relative à un ensemble de pièces d'orfèvrerie civile du xvie siècle, découvert en Lorraine, dit Trésor de Pouilly-sur-Meuse,
La Commission, régulièrement convoquée et constituée, réunie le 8 avril 2009,
Après en avoir délibéré :
Considérant que les biens pour lesquels le certificat d'exportation est demandé forment un ensemble exceptionnel, découvert récemment à Pouilly-sur-Meuse, composé de pièces d'orfèvrerie civile en argent, parfois partiellement doré, ayant pour certaines reçu un décor estampé, ciselé, gravé ou encore d'émaux ; que ce lot comporte des objets dont la datation s'étend de la fin du xve siècle, comme une aiguière, jusqu'aux années 1560-1567, ainsi que le prouvent deux gobelets portant le poinçon de jurande de Strasbourg en usage jusqu'à 1567 et de Dietrich Brey, orfèvre reçu maître en 1560 ; que cet ensemble d'orfèvrerie de table, demeuré dans un état de conservation remarquable, a été constitué sur plusieurs générations et appartenait vraisemblablement à la même famille, peut-être celle de Pouilly, sur le domaine de laquelle il a été retrouvé, enfoui de manière très ordonnée et soignée, entre 1570 et 1580, pour des raisons inconnues ; que les pièces d'orfèvrerie civile de cette époque, telles les séries de cuillers, sont d'une extrême rareté, la plupart des objets en métal précieux ayant disparu en raison notamment des fontes massives ordonnées par le roi de France à partir du milieu du xvi e siècle et des conséquences de la guerre de Trente Ans ; que cette vaisselle, qui témoigne, par l'unité de sa provenance, des usages de la table dans une famille de gentilshommes lorrains à la Renaissance, revêt un intérêt historique remarquable ; qu'il apparaît important de retenir sur le territoire national cet ensemble, qui doit être préservé de la dispersion et s'avère susceptible de combler les lacunes des collections publiques nationales dans ce domaine ;
Qu'en conséquence cet ensemble d'œuvres présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considéré comme un trésor national,
Emet un avis favorable au refus de certificat d'exportation demandé.

Exposition

Le trésor fut bien sûr visible chez Sotheby's Paris où il devait être vendu.
Puis il fut exposé au "Musée national de la renaissance" à Ecouen du 03/04 au 09/07/2012
Il vint à Stenay au "Musée de la bière" du 15/09/2012 au 11/11/2012 et regagna le Musée Lorrain à Nancy.