pêche à la ligne   La pêche


De métier elle devint loisir.


La pêche, un loisir


Avant de devenir un loisir, la pêche était d'abord un métier, mais aussi un moyen de subsistance.
Quand à la révolution furent supprimés les privilèges de la noblesse, la pêche (comme la chasse) devint libre et pratiquée par tous.
Cette liberté nouvelle mit assez vite la faune à plumes, poils ou écailles en péril.
Si la fonction alimentaire de ces pratiques, était évidente à l'origine, elle se perdit peu à peu en devenant loisir à partir du XX ème siècle.

Heureusement son activité fut vite réglementée avec des lois, des normes, des droits et des obligations etc.
La taille du poisson, les périodes d'ouverture, le nombre de gaules, les nasses, la pêche en barque, la carte etc. firent l'objet de règlements contraignants mais nécessaires.
Des gardes-pêche assermentés aidés parfois par les hirondelles (les gendarmes à vélo), traquèrent le contrevenant.
Il faut bien reconnaître que certains abusaient. La pêche de nuit était fréquente, la taille pas toujours respectée.
Mais l'amende pouvait être lourde. Ainsi François Jules Tribut (1859-1922) se voit condamner le 08/12/1903 par le tribunal correctionnel de Montmédy, à 60 francs d'amende pour pêche de nuit dans une partie de la Meuse réservée à la reproduction. (AD08 Petit Ardennais 11/12/1903 2/4)
Le 21/07/1929, "...vers 21:30, le garde des eaux Gini est parvenu à surprendre le nommé L... au moment où il jetait l'épervier. Apercevant le garde qui en deux bonds, l'avait rejoint, il laissa couler l'engin contenant un brochet ; des recherches sont faites pour le retrouver. La barque a été saisie et procès-verbal a été dressé". (AD08 PA 25/07/1929 4/6)
Le 30/10/1931 le tribunal de Montmédy condamne Albert Lanique.Il pêchait à la ligne de fond. Lanique Albert, retraité à Pouilly, le 24 juillet se livrait à la pêche dans la Meuse, la ligne possédait un gros plomb, qui maintenait la ligne immobile. Lanique est condamné à 25 francs d'amende" (AD08 PA 05/11/1931 4/6)

Mais le poisson était bien plus abondant que maintenant et surtout propre à la consommation.
Pour rêver un peu...
Dans certains contrat de travail où il était stipulé que le patron devait nourrir son ouvrier, il était  dit qu'il ne servirait pas plus de  trois fois du saumon à la semaine.
Sans autres précisions, le journal "L'indépendant rémois du 10/01/1885 page 3/4, signale : "A Pouilly, en un seul jour, dans une réserve, 200 kilos de brochets ont été pris"
Et à Pouilly d'après "Le Petit Journal" du 08/01/1910 page 2/6, Louis Gobert (Mais lequel ?) a sorti à la ligne un brochet pesant 13 kilos et mesurant 1,13 m.


concours de pêcheLa photo ci-contre d'un concours de pêche date d'avant la 2 ème guerre, (Le pont de la gare n'est pas encore construit en 1923).
En 1913, dans "Annuaire administratif, commercial et industriel de la Meuse", page 381, La société "La Rossette" est signalée. Elle a son siège social au café du chemin de fer, 15 rue Thiers à Mohon (08). Elle a 90 membres.
Elle apparait ensuite en 1914, mais n'a plus que 58 membres.
Un document faisant office de statuts et intitulé : "Syndicat des pêcheurs à la ligne de Pouilly" daté des années 1920, faisait de la société de Pouilly une des plus anciennes du département avec Verdun. Ce document existait dans les archives de la "Rossette", mais n'a pu être retrouvé, malgré les efforts de Christian Pommet, ancien trésorier.
En 1936 son siège social est toujours à Mohon, ce qui crée des tensions avec le Comité de l'Amicale des Pêcheurs de Mézières-Mohon. Quelques noms d'oiseaux sont échangés et le Petit Ardennais en fait état le 29/03/1936. (AD08 PA 29/03/1936 2/8)
La Rossette reçoit son agrément le 14/09/1946, sous le no 136 AD 10. Le siège social était au café "Bière de Sedan" (baptisé ensuite café des pêcheurs).
Cette société en plus de la gestion du milieu halieutique, organisait des concours qui attiraient nombre de participants.
La fanfare de Raucourt (08) exprimait ses "talents", faisant marcher au pas des bataillons de pêcheurs, gaules à l'épaule. 
Par tirage au sort l'emplacement était assigné à chaque participant et pendant un temps donné, l'œil rivé au bouchon, chacun avec ses recettes s'évertuait à sortir du poisson.
La pesée, surveillée de prés, rendait son verdict. Les commentaires allaient bon train !
Quelques marchands de boissons apéritives, comme Suze, sponsorisaient l'évènement et consolaient des bredouilles et du mauvais classement.

Cette société prospéra jusque dans les années 2000. Sa dissolution date du 22/12/2010.
(Déclaration à la sous-préfecture de Verdun. Association la Rossette de Pouilly sur Meuse pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique. Siège social : Mairie, 1, place de la mairie, 55700 Pouilly-sur-Meuse.).
Elle se trouve désormais regroupée avec celle de Stenay. "AAPPMA Stenay-Pouilly les Goujons - la Rossette".

Les archives de la Rossette ont malheureusement été dispersées. Quelques éléments cependant permettent d'identifier la provenance des pêcheurs des années 1979 et 1980.
On remarquera que nos voisins Belges et Luxembourgeois étaient largement représentés.
Ardennes et Meurthe-et-Moselle, de par leur proximité font également bonne figure.
On trouve des pêcheurs d'autres départements, mais de manière marginale. Ce sont généralement des gens venus en vacances dans une famille à Pouilly ou en camping/location.







provenance pêche 1979


provenance pecheurs 1980



Quelques Belges finalement élurent domicile à Pouilly soit au camping, soit en location ou par achat de maisons. Mais des Français également, un comptable de Sedan, M. Colas, un garagiste de Balan, M. Deville. D'autres louaient la gare désafectée comme la famille Carpentier de Charleville.
Cette activité fit le bonheur des deux cafés du village, Conrard puis Remy et Mme Granger.
Puis l'activité déclina doucement.
La pollution et son corollaire la disparition du poisson, le départ de M. Remy, le camping peu engageant, sont surement à l'origine de ce déclin.
Christian Pommet, acteur majeur de la pêche en Meuse, complète cet avis :
"Les raisons du déclin de la pêche associative sont en réalité multiples. Certes la dégradation des milieux et par voie de conséquence la raréfaction des espèces piscicoles est un facteur majeur. Mais pas le seul. La pêche à la ligne concurrencée par d'autres activités n'est plus un loisir social. De plus, le bénévolat associatif n'est plus un apostolat, miné qu'il est par l'individualisme, l'exode rural, mais aussi par des missions statutaires régaliennes trop complexes pour les humbles dirigeants de terrain.".

Il existe toujours des concours de pêche, mais qui n'ont plus ce coté folklorique et bon enfant que nous avons connus.

Aujourd'hui on voit encore quelques pêcheurs mais assez peu de barques.
Les barques étaient soumises à une inscription avec un numèro et bien sur les taxes qui vont avec.
Cela donnait le droit de s'amarrer, de pêcher avec, de passer l'écluse etc. Ce qui ne veut pas dire que toutes les barques étaient inscrites... Avec un copain d'enfance, Patrick Simon, nous avions récupéré une barque qui avait sauté le deversoir, sans doute détachée en amont... Ne connaissant pas le propriétaire, puisque non numérotée, nous nous l'étions appropriée et réparée. Nous nous en sommes servi pendant plusieurs années. Nous l'avions affublée d'un mat et d'une voile, mais sans quille la navigation était périlleuse...



D'autres pêches se pratiquaient à Pouilly :

Celles des grenouilles.
Parfaitement interdite à la ramasse, elle était tout de même pratiquée le soir, en bottes, sac de jute sur l'épaule et à la lampe électrique.
En période de crue, la Meuse envahissait la prairie et février/mars voyaient quelques "lucioles de braconniers" entre le canal et la gare.
La maréchaussée hésitait à s'aventurer plus loin que l'écluse ou le halage et il suffisait d'attendre patiemment son départ.
Si la pêche clandestine avait son attrait, la préparation des grenouilles n'était pas des plus réjouissante, particulièrement pour le pauvre batracien, coupé à la serpe et déculotté. Ceux qui ont connu cette époque comprendront...

Les écrevisses. Elles furent nombreuses quand la Meuse était propre. Elles se pêchaient au fagot en dépit des règlements. Quelques tripailles de poulet ou autres viandes dans un fagot lesté et les "équarrisseurs naturels" y venaient faire ripaille.
Il suffisait alors de relever le fagot et ses charognards.
Le journal "Le guetteur de Saint Quentin et de l'Aisne" du 20/09/1896 page 8, posait déjà la question de la disparition des écrevisses :
"D'où viennent les écrevisses qu'on consomme dans tous les pays du monde, puisque la Meuse n'en fournit plus et qu'un peu partout se dépeuplent les rivières, où abondait jadis ce savoureux crustacé ? Une revue de Saint-Petersbourg éclaircit le mystère. Les écrevisses actuelles viennent presque toutes de Finlande, où elles abondent et d'où on les exporte par cargaisons énormes etc. "
En même temps que les écrevisses, sont aussi disparues ces énormes moules d'eau douce, l'anodonte pouvant atteindre 20 à 25 centimètres. Si une eau eutrophisée lui convenait pour son apport en nourriture, la présence de produits chimiques, lui fut fatale.

Les anguilles essentiellement pêchées à la nasse. Elles ont disparu comme les écrevisses, les moules etc. quand la Meuse s'est transformée en égout. De plus l'introduction de leur collègues américaines a quasiment anéanti notre espèce d'écrevisse locale.

Et pour finir, mais ce n'est pas de la pêche : les escargots. On en trouvait au Châtillon en abondance. Pas d'anneau de contrôle. On prenait les plus gros. Les engrais, les pesticides, les feux accidentels ou non, les ont décimés. La re-forestation naturelle des côtes du châtillon ont peut être permis de stopper leur élimination, mais il n'est plus possible d'y pénétrer.