la wameLa Wame

Son histoire




L'histoire de La Wame


C'est une ancienne cense de franc-alleu qui fut donnée à l'abbaye de Mouzon par le chevalier Badolet de Nepvant, donation confirmée par Henri II comte de Bar en juillet 1269.
Le domaine de la Wame comprenait, outre les bâtiments, 182 arpents de terre, 152 arpents de bois, 40 fauchées de prés, et divers droits.
Le tout fut vendu comme bien national le 28/02/1791 pour 50 300 livres.
Au spirituel la Wame dépendait de Letanne. (Extrait du "Pouillé de Verdun", volume 4 par l'abbé Robinet).

Thiébaut, comte de Bar, notifie qu'Asselin de Bouconville, bailli de Saint-Mihiel, a échangé à :
Aubertin de Stenay, sergent du comté, tout ce qu'il avait acheté à l'abbé et au couvent de l'église de Mouzon, à savoir la maison de Wame (commune de Pouilly), avec toutes ses appartenances et dépendances, contre des biens sis à Brouennes ; le comte accorde qu'Aubertin ait ses aisements pour sa maison de Wame et pour sa maison de Pouilly dans les bois de Stenay ; il lui donne en outre 40 arpents dans les bois de Jaunet.
novembre 1271.  (Bibliothèque et archives du château de Chantilly 1 E 036).

Aubert et Thierry, clercs, fils de feu Aubert de Stenay, déclarent tenir du comte de Bar quatre muids de blé de rente annuelle sur les moulins de Mouzay et 24 livres de petits tournois sur les fours du même lieu, rente qu'ils ont reçue du comte en échange de leur maison de Wame et de ses dépendances ; 18 juillet 1291 {Lesort, CVIII). 
(Bibliothèque et archives du château de Chantilly 1 E 036).

Bertrand, abbé de Mouzon, reconnaît que toutes les possessions de son monastère à Cesse, Luzy, Wame, Autreville et Soupy sont sous la garde du comte Thiébaut II de Bar. 27 juin 1291.

En 1524, "...Gilmer abbé de Mouzon répare les bâtiments de la métairie de la Wame proche Lestanne en faveur de son monastère..." FR

Bornage séparatif des bois de Jaunel (Jaulnay) et de La Wame en 1573. (Bibliothèque et archives du château de Chantilly 1 E 036).
Le procès verbal d'arpentage nous apprend que le quart de réserve des bois de la Wame appartenant aux prieurs et religieux (de Mouzon) a une superficie de 130 arpents 86 perches. (Chantilly H171).

Le dénombrement des propriétaires de bétail réalisé sur l’'ensemble du bailliage de Saint-Mihiel en 1600.nous donne une idée de l' l'importance de cette ferme.

recensement bétail la Wame 1600



En août 1622, La Wame est brûlée par les troupes du comte de Mansfeld. FR.

" Le 22/07/1628, l'archevêque de Reims donne permission de bâtir une chapelle à la Wame pour y célébrer la messe". FR
La Wame ne faisait pas alors partie de Pouilly puisqu'en France.

Le 23/07/1644, le bien de la Wame est réuni à la mense (cense) conventuelle des R.P. bénédictins de Mouzon, qui la reconstruisirent. Elle fut alors louée 7 muids de froment, 7 d'avoine, 1 d'orge, 2 quartels de pois, 2 de lentilles, 300 pièces d'argent et 2 paires de chapon. René Dumont ne précise pas ses sources.

Déclaration par les religieux de Mouzon de leur cense de La Wame le 1er octobre 1663. (Bibliothèque et archives du château de Chantilly 1 E 036)

Le 25/01/1750, à la ferme de la Wame décède Henry Bazard, fils de Jean Bazard et Scholastique Lamoureux de la paroisse de Remonville (actuellement Tailly dans les Ardennes) âgé de 21 ans. Que faisait il dans cette ferme ? Commis ? Valet ? (AD55 1723-1759 168/267).

Le 10/04/1785 par bail passé devant Me Jean Antoine Allaire, Jean Bestel et Marie Anne Georges loue la Wame aux religieux bénédictins de Mouzon. On y apprend sa composition : "la quelle ferme consiste en bâtiments, jardins, enclos chènevières; 185 arpents de terre labourable, y compris le terrain sur lequel est assise la maison qui est composée d'un manoir, grange, écuries cours et colombier, et 28 arpents 70 verges de prés, desquels il y en a 5 arpents et 40 verges sur le territoire de la municipalité de létanne, 4 arpents et 10 verges sur le ban de Pouilly, et 19 arpents et 20 verges sur le territoire de La Wame.
Nota : Il dépend de la même ferme un petit bois divisé en coupes réglées et en quart de réserve dont le fermier ne jouit pas mais qui est exploité au profit des religieux. (AD55)


ferme de la Wame 1725


La cense de la Wame en 1725



La famille Le Gardeur

Dans un dossier aux AC de Stenay, concernant "Le droit d'affouage et de paisson. Indemnité réclamée à la ville, par le sr Carré, propriétaire le 16/05/1847",  On peut lire :
"Jean-Baptiste Joseph Benjamin Carré, sous-inspecteur des forêts de SA Mgr le duc D'Aumale à Varennes.
Agissant tant en son nom qu'à celui de Mme Josephine Antoinette Le Gardeur, son épouse et de M. Louis Delphin Le Gardeur, son beau frère, rentier à Varennes.
A l'honneur de vous exposer :
Madame Carré (donc Mme Josephine Antoinette Le Gardeur) et M. Le Gardeur sont propriétaires comme héritiers de M. Jean-Baptiste Delphin Le Gardeur leur père, d'une terre appelée la Wasme sise terroir de Lestannes canton de Mouzon, en vertu d'une vente par adjudication du domaine national passée au district de Sedan le 22/02/1791.
Cette ferme dépendait de la mense abbatiale des bénédictins de Mouzon et elle était advenue à l'état par suite des lois qui ont réunis les biens du clergé à ceux du domaine public.
Au nombre des dépendances de cette ferme, se trouve un droit d'affouage et de paisson dans la forêt de Dieulet situé territoire de Beaufort et commun avec la ville de Stenay et autres communes voisines. Ce droit est constaté par un titre rédigé en langue latine de l'année 1259, portant confirmation par Henry comte de Bar de la donation faite à la ferme de la Wasme pour les comtes ses prédécesseurs, et il se trouve confirmé par une délibération du conseil souverain du prince de Condé, alors apanagiste du Clermontois, en date du 10/10/1663. Inscrite à la suite d'une déclaration foncière présentée le 1er du dit mois par le prieur de l'abbaye de Mouzon, en exécution d'une assignation donnée par les officiers dudit prince le 02/08/1663.
La possession de ces deux droits est justifiée par 5 baux des 27/06/1686, 30/12/1722, 10/04/1785, 24/09/1791 et 23/04/1796. etc."
Il est donc demandé à la ville de Stenay, une indemnité pour avoir aliéné les droits d'affouage et de pâturage de la ferme en question.

Mais ce qui est intéressant, plus que la suite donnée à cette réclamation, c'est l'origine des propriétés.

Jean-Baptiste Delphin Le Gardeur avait été secrétaire du roi en la chancellerie prés le parlement de Metz. (nommé le 28/12/1786). Il obtint en 1787 le régalement de ses armoiries : "D'argent à aigle éployée de sable, couronnée d'or, surmontée d'un croissant d'azur." (Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle - Tome 20 page 147 Gustave Chaix d'Est-Ange).
On sent manifestement le parvenu, car il était surtout fabricant de drap à Sedan.
En 1792, il avait été membre de cette municipalité, et fut à ce titre, accusé comme ses collègues d'être contre-révolutionnaire, complice de La Fayette etc. Il fut condamné à la guillotine le 15 prairial an II. (03/06/1794).
Ce sont donc les enfants, Josephine Antoinette Le Gardeur et Louis Delphin Le Gardeur, qui héritèrent de la ferme de la Wame.
Il y a tout de même quelque chose de curieux. Sur les bans de mariage de Jean-Baptiste Joseph Benjamin Carré et Josephine Antoinette Le Gardeur, (AD55 Varennes 467/494), elle est dite fille de feu François Delphin Le Gardeur et de Marie Antoinette Baillet.
L'acte de décès de Louis Delphin Le Gardeur, son frère, le 28/06/1854 à Varennes, célibataire et sans enfant, (AD55 Varennes 145/241), confirme cette filiation.
Jean-Baptiste Joseph Benjamin Carré s'est donc trompé en écrivant qu'ils ont hérité de leur père.

Il existait un autre fils, Gabriel Delphin Le Gardeur, qui est décédé à Bouillon le 15/08/1844 à l'âge de 72 ans. Son acte de décès nous apprend le nom de sa mère, Marie Alexis Charlotte Poulain.

Le cadastre de 1829 nous apprend que les héritiers de François Delphin Legardeur sont propriétaires de la Wame (parcelles 262/1168 à 1874 terres, vergers, maisons)



Les Vassinhac

"A l'aube du XIX ème, elle appartient à une dame Noircarme d'Huss (?), puis par mariage au comte Vossinac d'Innécourt, enfin à la princesse de Hohenlohe-Eschingen. Celle-ci cède ses 76 ha en 1901 pour 56500 francs, qui sont versés directement à une rentière de Bar le Duc, à qui la princesse devait 285000 francs etc.".
René Dumont, l'auteur de ces lignes, se trompe en écrivant " comte Vossinac d'Innécourt". Il s'agit bien sûr de Vassinhac d'Imécourt.
L'annonce de la vente ou location était parue dans le Petit Ardennais des 25 et 26/03/1900. "A vendre ou à louer la ferme de LA Wame sise territoire de Pouilly et Laneuville et Létanne d'une contenance de 77,5 ha, en terres et prés. Beaux bâtiment d'exploitation. Jouissance au 23/04/1901. appartenant à M. le prince de Hoenlohe-Oeringen, d'Imécourt"
Le 30/09/1900 nouvelle annonce dans le Petit Ardennais pour cette fois la vente aux enchères, qui sera faite par Me Munsch de Stenay, le 08/10/1901

Il existe une Albertine Constance Philippine Josèphine de Sainte Aldegonde de Noircarmes, mariée à Charles Gedèon Théodore de Vassinhac d'Imécourt en janvier 1808 à Paris.
Ils ont Charles Louis Xavier, qui se marie le 28/06/1847 à Marguerite Josèphine Marie Louise de Gallifet de Martigues. Elle est la sœur du sinistre Gallifet, "le fusilleur de la commune" en 1871. De cette alliance nait Marguerite Marie Madeleine Nativité de Vassinhac d' Imécourt.
Quant aux Hohenlohe-Eschingen, il s'agirait plutôt de la famille Hohenhole Oeringen, dont un rejeton Victor Hugo Kraft Friedrich Wilheim Moritz, qui avait le titre de prince, né le 19/01/1861 à Mayence, et décédé le 11/09/1939 à Enns en Autriche, s'était marié le 10/10/1885 à Paris, avec Marguerite Marie Madeleine Nativité de Vassinhac d' Imécourt, née le 25/12/1863 à Paris et décédée le 05/01/1924 à Braunschweig en Allemagne.
Leur union se termine par un divorce avant le 05/11/1901, date de son remariage avec Juilius Freiherr von Wangenheim.
Vraisemblablement elle a eu en partage lors du divorce, la ferme de la Wame et a conservé le titre de princesse.

La ferme de la Wame est d'ailleurs mise en adjudication le 01/05/1889,  comme on le constate sur "Le Gaulois littéraire et politique" des 17/03, 28/03, 20/04 etc. Mais aussi dans "L'indépendant rémois" du 26/03/1889 page 4, "Le Soleil" du 29/04/1889, "Paris" du 22/03/1889 page 4, "Le Figaro" du 01/05/1889 page 8  etc. La vente semble difficile...


vente de la Wame 1887


En 1908 la ferme est louée 2800 francs par an, ce qui à 23 francs le quintal correspond à un rendement de 1.6 quintaux à l'hectare.

En 1918, la ferme sert de QG aux troupes Américaines avant l'assaut et la libération de Pouilly.



La famille Dumont

En 1923 la Wame est achetée par M. Remi Dumont, professeur d'agriculture, (et père de René Dumont) pour 107500 francs.
Voici une photo ce cette époque :


ferme de la Wame


M. Jean Dumont (1903-1977) et son épouse Germaine de Valicourt de Seranvillers (1902-1990), puis leur fils Alexandre Dumont continuent l'exploitation.

Cette ferme est détruite au début de la deuxième guerre.
Le 09/06/1940, de nombreux avions d'observation allemands survolent les positions Françaises dans le secteur de Beaumont, laissant présager une attaque ennemie.
Elle débute le 9 par de violents tirs d’artillerie finissant par des fumigènes. L’ennemi cherche à percer vers Laneuville et Beaufort, mais il se heurte à une forte résistance. De furieux combats se déroulent autour de la ferme de La Wame. Le 3ème RIC est enfoncé par endroit et notamment aux alentours de la Wame. Des renforts, dont le 3 ème bataillon du 14 ème RTS permettent de rétablir la situation.
Le 10/06 un ordre de repli arrive vers 22:00, les Allemands ayant percé l'Aisne près de Rethel.

Le 12/06/1966 à Pont-Gaudron, le ministre des armées Mesmer, inaugure un monument en souvenir de ces combats.


La Wame sera reconstruite avec les dommages de guerre.


plan de reconstruction de la Wame


René Dumont donne son appréciation sur la reconstruction de la ferme par les dommages de guerre  page 205 :
"En 1949-1951 la collectivité française paie aussi sa reconstruction. Le grand bâtiment (étable-grange-silo, de conception heureuse) coute en 1950 18 millions pour 1100 mètres carrés couverts. L'agriculture ne peut plus amortir ses bâtiments (cf annales I N A, chapitre premier) ; drame dont on ne voit pas encore toutes les conséquences. On aurait pu faire plus léger et moins cher ; mais à Martintcourt on a fait bien plus coûteux et moins commode. La reconstruction aurait dû forcer les architectes à faire pratique et économique. Il est inadmissible que la collectivité finance des dépenses somptuaires, parfois génératrices d'élévation des prix de revient ; que récoltes et  animaux soient luxueusement logés, quand tant d'humains restaent  entassés en d'innombrables taudis. On évoque les colons algériens, qui traitent mieux leur cheptel que leur personnel."


Elle a donc été exploitée par la famille Dumont pendant prés de 80 ans.
La maison d'habitation est maintenant abandonnée et seules les dépendances et terrains sont utilisés.

la wame actuelle 2012


Le frère de Jean Dumont, René Dumont,  dans son ouvrage "Voyage en France d'un agronome" paru en 1951, (Librairie de Médicis édition M Th Genin) a fait l'étude de la ferme de la Wame et des fermes de Pouilly en général. (page 194 à 206).
Cet ouvrage devenu rare est plus technique que celui de son prédécesseur Arthur Young, "Voyages en France pendant les années 1787-1790".
Mais il est intéressant car son auteur explique l'évolution et le rendement des fermes de notre village.
Il pressent que l'existence des petites exploitations est menacée à court terme, par la concentration de surfaces, la pénurie de  moyens etc.
A propos de La Wame actuelle voici ce qu'il écrit :
"En 1938, l'emploi des engrais avait permis d'y accroître d'un tiers la population bovine, qui dépassait alors une tête à l'hectare (80 bovins, 18 laitières), avec forte proportion de jeunes élèves. Sur ces 62 ha de pâture et prés (dont 12 fauchés) et 4 ha de fourrages cultivés, la ferme nourrit, en 1950, 70 bovins, dont 23 vaches laitières. Celles-ci rendent, au contrôle laitier une moyenne de 4600 l de lait par lactation (jeune compris) avec 35 g de matières grasses par litre. On vend chaque année 6 à 10 taurillons reproducteurs, et céde quelques génisses pleines, des vaches de six ans (si elles ne donnent pas satisfaction) et des réformées de 12 à 13 ans ; en tout 7 à 8 femelles, le troupeau étant en léger accroissement continu. On achète aussi 5 à 10 bovins maigres, âgés de 18 mois à deux ans, revendus pour la boucherie.
La ferme qui avait 6 juments n'en a plus que 4 depuis l'arrivée en 1948 du tracteur Fergusson. Si les poulains ne se vendent plus, elle pourra se contenter d'une jument. Elle emploie 3 hommes en permanence et 1 saisonnier ; plus une femme et 1/2 pour le ménage et le lait. Soit une moyenne de 5 travailleurs, un pour 16 hectares. Ses 20 ha de terres labourables sont ainsi emblavées en 1950 :
6,5 de blé
3,5 d'avoine
1,5 d'escourgeon
3 d'orge
1, 5 de luzerne
1 de féveroles
1,5 de pommes de terre et betterave fouragères
1,5 de ray-grass à ensiler."

Ce que René Dumont écrit à propos de la Wame ne s'applique pas aux autres fermes. Il s'agit là d'une exploitation "moderne".
Celle de Jean Vanderesse par exemple à la même époque n'avait que 27 ha au total et seulement 2 chevaux.
Les Guichard de la Ruelette comme ceux d'en haut n'en possédaient guère plus.

Le remembrement accentuera le regroupement des surfaces et des exploitants sous forme de Gaec, à l'avenir plus ou moins heureux.
A Pouilly en 2014 il n'existe plus que 5 fermes. Intra muros seules deux subsistent en 2017.


A noter qu'un incendie eut lieu en août 1972 mais qui ne toucha pas l'habitation.