crue de janvier 2018Dégâts des eaux.

Crues et noyades diverses...



Les dégâts des eaux


Les crues

Les crues de Meuse jusqu'au début du XX ème siècle n'étaient dues qu'à l'abondance de précipitations, accompagnées au printemps de la fonte des neiges.

crue janvier 2018Nos crues actuelles ont les mêmes origines mais sont aggravées par des facteurs anthropiques :
La "bétonisation" des villes, la compacité des terres labourées trop profondément, l'utilisation massive de produits phytosanitaires qui dépeuplent la terre de surface, et la suppression intensive des haies, ralentisseur naturel de l'écoulement des eaux.
La fonte précoce des neiges vosgiennes liée au réchauffement climatique, aggravent encore cette situation.

Jean Pierre Penisson (Société d'histoire naturelle des Ardennes, SHNA) dans une lettre du 07/01/1991 au maire de Bogny-sur-Meuse (08), avec copie au préfet des Ardennes expliquait déjà ces phénomènes. En voici un résumé :
"La première explication est l'absence ou presque de dragage de la Meuse... même si la rentabilité de l'opération est loin d'atteindre celle de l'extraction de sable de ballastière.
La deuxième est la conséquence du drainage des terres en amont, de la suppression des haies, des coupes à blanc.
La troisième est l'anarchie des modifications de la plaine alluviale."
Remblais, goudronnage, bétonisation à outrance, mise en culture irraisonnée par les remembrements.
Un centimètre de précipitation sur un parking d'un hectare, (100 m sur 100 m) engendre 100 litres d'eau de ruissellement.
Les affluents de la Meuse n'ont pas changé, mais le nettoyage sauvage des berges a accéléré la vitesse d'écoulement. Chaque  riverain  préférant  léguer le trop-plein à son voisin d'aval.




crue janvier 2018Une commission d'enquête de l'assemblée nationale, suite aux trop nombreuses inondations en France a accouché du rapport no 1641 "Inondations : une réflexion pour demain" sous la houlette de Philippe Mathot, président et Thierry Mariani rapporteur.
Notre région a bien sûr fait l'objet de leur attention. Leurs conclusions rejoignent celles évoquées ci-dessus.


On pourra se référer à l'ouvrage de Maurice Champion (1824-1878) : "Les inondations en France du VI ème siècle à nos jours" Tome V.
Les crues de  1245,1302,1333,1639,1711,1734,1740,1758,1778, 1784,1814,1836,1840,1854, 1876 sont les plus notables.
Plus prés de nous celles de 1880,1910, 1920, 1926, 1941, 1947, 1955, 1983,1984, 1991, 1993,1995, n'ont rien à leur envier.

D 'après les observations de M. l'ingénieur en chef de Mardigny sur les effets des inondations de la Meuse et son régime en France on peut rajouter :
Débordements de la Meuse ou de ses affluents en : 1118, 1068, 1142, 1225, 1230, 1237. Forte crue de la Meuse, en 1333. Grandes crues de la Meuse, en 1639, 1697, 1734, 1740, 1758, 1774, 1784. - Hauteurs extraordinaires des eaux de ce fleuve, en 1814, 1836, 1840, 1844, 1845, 1846, 1850, 1854, 1861, 1862.

crue années 70



D'autres crues nous sont connues par les annales de la ville de Liège.
Elles font mention aux XV ème et XVI ème siècles de quelques grandes inondations de la Meuse, dont on ne retrouve aucune trace sur le cours supérieur du fleuve, appartenant aujourd'hui à la France. Cependant, il n'est pas invraisemblable de croire qu'elles aient pu s'y faire sentir, et c'est pourquoi nous croyons (dixit Maurice Champion) devoir rapporter les extraits suivants d'un historien de Liège, Bouillé, "Hist. de la ville et pays de Liège" 3 vol. in-f°, Liège, 1725, t. II, p. 74, 345, 414 et 452".

1463 "Il arriva une inondation prodigieuse. Le faubourg de Sainte-Marguerite regorgeait si prodigieusement d'eaux boueuses, qu'après qu'elles furent retirées, elles laissèrent un limon de la hauteur d'un homme ; de là, étant venues avec furie dans la cité, elles gagnèrent le maître-autel de l'église Saint-Séverin, puis entraînant tout ce qui se trouvait sur leur passage, elles portèrent la désolation jusqu'à l'extrémité de la ville. ".

1541 " Au mois d'avril, les eaux vinrent fondre dans la ville, d'une telle furie, que depuis la porte Sainte-Marguerite jusqu'à la rue du Pont, c'était ni plus ni moins qu'une rivière navigable ; les eaux qui descendaient de Pierreuse, comme des torrents, ayant gagné le palais, furent inonder la cathédrale, levèrent le pavé de marbre, et les eaux poussèrent jusqu'au maître-autel. ".

1560 " Cette année fut très affligeante pour le pays, à raison des fréquentes inondations causées par des pluies continuelles, qui désolèrent si généralement les villes et les campagnes, que l'évêque, considérant que c'était la troisième année de stérilité de vin, obligea les créanciers de remettre une partie des cens à leurs vignerons. ".

1571 " L'hiver fut si âpre, depuis la fin du mois de novembre, que les rivières furent comme pétrifiées. Cette gelée fut suivie, au printemps suivant, d'une espèce de déluge, dans la cité et les lieux circonvoisins, qui fut causée par les débordements de la Meuse, de l'Ourthe et de la Vesdre ; elles vinrent fondre d'une telle furie, qu'elles entraînèrent le pont d' Amercœur : on voyait les maisons et les chapelles marcher, pour ainsi dire, sur ce corps fluide ; la ville était si inondée de toutes parts que quantité de familles furent contraintes de gagner les toits des maisons, de sorte qu'on leur faisait passer de quoi manger au moyen de longues piques. ".


L'abbé Arnauld constate, dans ses mémoires, qu'en 1639, en moins de six heures, une effroyable inondation de la Meuse, à Verdun, emporta presque tous les ponts et une grande partie des maisons d'une rue proche de la rivière.
Pendant l'été de 1697, l'abondance des pluies fit déborder la Meuse, qui, suivant le docteur Fuster, grossit de 7 pieds en une seule nuit.
Au commencement du mois de juillet 1734, les pluies firent déborder la Meuse, dit encore, sans autre détail, le même auteur. "Des changements dans le climat de la France, p. 342 et p 350".

Une lettre de Charleville, datée du 21 octobre 1740, et insérée dans une gazette, s'exprime en ces termes:
" La Meuse grossit à vue d'œil et charria toute sorte d'effets, des grains en gerbes, des chanvres, des fumiers, des meubles de toute espèce et jusqu'à des bois de lit tout montés, sans qu'on sache encore la cause de ce désastre. Il n'y a pas de doute que cette cause ne provienne, soit d'une inondation de la Meuse, puisqu'il est tombé à Charleville de grandes pluies, et qu'il doit en être tombé beaucoup plus sur la Haute-Meuse ; les débordements de cette rivière sont les plus considérables qu'on ait jamais vus. Toute la ville basse de Verdun a été inondée. " Journal historique, décembre 1740, p.461 et février 1741, p. 154.

En 1758, selon M. Henri Lepage, la Meuse resta débordée les 8 et 9 août.

A propos de la crue de 1770 en plein été, le curé de Létanne écrit : "Le 28/07/1770 la riviere de Meuse est enflée et a débordée la nuit du dimnche au lundi 29 au point que l'eau est entrée dans le jardin du presbytère de Lestanne de près d'un pied de haut a enlevé garnde quantité de foin de la prairie de Stenay et des prairies vers Verdun et par labas du partage, a enlevé quantité de bois et a été sur les prés jusqu'au 6 eme jour d'aoüt".(AD08 Letanne 1770-1792 4/154)

La crue de 1778 à Pouilly, nous est connue par un acte de courage relaté dans le journal politique la Gazette de cette année là :
"Le débordement de la Meuse a donné lieu à un trait de courage et de sang-froid qui mérite d'être connu.
Le 28 octobre, vers les 3:00 de l'après-midi, on fut surpris au village de Pouilly, près de Mouzon, par une crue d'eau si considérable et si rapide, que la Meuse, qui était encore dans son lit, se répandit en moins d'une heure dans toutes les prairies, et qu'avant la nuit, ses eaux s'étaient élevées de plus de quatre pieds. (en gros 1,20 mètre)
Les chevaux des laboureurs étaient alors en pâture de l'autre côté de la rivière.
Parmi les domestiques qui s'empressèrent de les ramener, Marie-Françoise Nanin, servante de Pierre Gouverneur, âgée de 14 ans, étant revenu chez son maître pour y prendre un cheval plus doux que celui qu'elle montait, trouva l'eau extrêmement augmentée à son retour au-delà des ponts.
Le danger ne l'arrêta point.
Elle noue sa coiffe sous le menton, attache à un de ses bras le licol du cheval et le pousse en avant ; un instant après, la jeune villageoise est engloutie avec sa monture, et entraînée par la violence du courant à environ 150 toises. Quoique submergée, elle essaie de remonter sur son cheval, qui étant à la nage, la culbute autant de fois et la renverse sous lui.
Enfin le cheval touchant à la rive, la fille avertie par le mouvement qu'il faisait pour sortir de l'eau, le retire, elle s'élance dessus et échappe ainsi au péril imminent qui la menaçait.
Cette enfant fut ensuite recueillie par Jean-Baptiste Normand, batelier et conduite chez M. Duhoux, curé de Pouilly, qui la fit réchauffer et saigner.
Le lendemain, elle n'avait aucun ressentiment de son accident."

L'hiver de 1814, au mois de janvier, il y eut un débordement considérable de la Meuse. Le 11 décembre, les eaux parvinrent à 3 m10, et submergèrent le quartier de cavalerie, que l'on fut obligé d'évacuer.

En 1840, deux fois le niveau du fleuve, dans la même ville, atteignit la cote de 3m, le 29 janvier et le 1er novembre.
Les comptes de la mairie de Pouilly précisent qu'un secours aux inondés de 20,35 fr a été voté.

Le 27 février 1844, la Meuse s'éleva, à Verdun, à 3.20 m
Aux mois de décembre 1845 et janvier 1846, de fortes crues de la Meuse se manifestèrent.
Une lettre de Liège disait :
" La Meuse, dont la crue avait paru cesser, a recommencé à monter de nouveau pendant la nuit. Cette inondation est la plus forte que l'on ait éprouvée depuis 1784 ; mais elle est encore restée 0m75 au-dessous de celle de 1740. "
Cette crue se fit sentir à Sedan, d'où l'on écrivait :
" La Meuse a franchi son lit et a fait irruption dans la ville avec une abondance qu'on ne lui avait point encore connue jusqu'à ce jour. Dans certains quartiers, les caves et les rues sont inondées ; la circulation est interceptée sur plusieurs points, quelques maisons sont cernées par les eaux et les habitants sont bloqués dans leurs logements. " Moniteur du 2 février 1846"

En 1854, durant l'été, la Meuse subit une forte crue, dont la hauteur maximale fut, le 8 juin, de 2m47, à Verdun.
Elle présenta, sur tous les points de son cours, en France, les plus hautes eaux connues, dans cette saison.

La crue qui se manifesta, en 1856, à la même époque, doit être également considérée comme exceptionnelle ; elle ne fut, à Verdun, que de 0m,09 inférieure à celle de 1854, et resta partout en contre-bas de celle-ci dans les mêmes proportions.

Une lettre de Dun, du 10 janvier 1861, disait :
" Avant hier matin, les habitants ont trouvé l'eau de la Meuse, qui déjà était grosse, élevée de plus d'un mètre et demi ; elle envahissait toutes les parties basses de la ville et n'a cessé de croître jusqu'à 11 heures du soir, moment où elle a atteint la limite de 4 mètres. Moniteur du 14/01/1861.

On lisait dans les journaux des premiers jours de février 1862 :
" Les départements du Nord et de l' Est de la France et la vallée de la Meuse (Belgique), ont été désolés, le 30 janvier et les jours suivants, par des inondations que faisaient pressentir les pluies de la semaine dernière.  Courrier du Nord (Moniteur du 6 février 1862).

A en croire l'ingénieur en chef Mardigny,  les inondations de la Meuse, en France, ne présentent pas, en réalité, un caractère bien calamiteux. ".
Elles sont de deux sortes, dit il :
"Les inondations d'hiver, qui ne sont jamais nuisibles, et qu'il faudrait bien se garder de supprimer, le limon déposé par les eaux étant éminemment fertilisant.
Les inondations d'été, généralement beaucoup moins considérables (1856 a fait exception) que celles d' hiver . Elles causent de grands dommages aux foins et aux regains. Dans aucun cas, les habitants n'ont à souffrir des inondations ; partout les villages et les maisons d'habitation sont en contre-haut des plus hautes eaux ; par cela même que les habitants ne souffrent pas des grandes crues, on se préoccupe assez peu des inondations d'hiver, qui, comme je l'ai dit, sont les plus fortes. ".

Comme complément à ces observations, ajoutons les détails donnés par M. Armand Buvignier, sur le régime de la Meuse française :

" Dans les hautes eaux, dit-il, le volume de la Meuse s'est élevé, à Verdun, à 799 m3. Les berges de ce fleuve sont généralement basses. Elles s'élèvent quelquefois à 1 m ou à 1 m 50, rarement à 2 m au-dessus de l'étiage. La prairie étant très large, les crues ont peu de hauteur ; elles atteignent 1m20 ou 1 m 25, à Tilly ; 2 m à Stenay ; à Troussey, les eaux s'élèvent, en amont du pont-canal, à 3 m au-dessus de l'étiage et à 1m au-dessus de la prairie. Dans la traverse de Verdun, où la rivière est plus resserrée, elles vont quelquefois jusqu'à 3 m 56. La Meuse croît très rapidement, mais elle décroît avec plus de lenteur. Elle est souvent 10 ou 12 jours avant d'être rentrée dans son lit. Les eaux généralement limpides se troublent dans les débordements. Ceux-ci sont assez fréquents du mois d'octobre au mois d'avril, mais dans cette saison, ils causent peu de dommages. Il n'en est pas de même de ceux qui surviennent quelquefois au mois de juin. Un limon fétide, qui, versé plus tôt sur la prairie, eût été pour elle un riche engrais, s'attache aux plantes et les rend tout à fait impropres à la nourriture des animaux. D'autres fois, ces crues survenant au moment de la fenaison, entraînent le fourrage déjà coupé ou y développent une fermentation putride. " Statistique géologique, minéralogique, etc. du département de la Meuse, 1852, in-8, p. 27.


Pouilly a connu toutes ces crues.

En 1991/1992 un projet farfelu contre les inondations voit le jour. C'est le barrage sur la Wame. Une levée de boucliers le fera heureusement capoter.
En 2006 un organisme l' EPAMA, créé en 1996, engage des travaux pour atténuer l'importance des crues. Voir cette page EPAMA.
En janvier 2018, une crue met à l'épreuve les protections de l'EPAMA. Si le mur fait son office, les clapets anti-retour ne semblent pas fonctionner correctement. L'eau envahit le bas de la rue de la cure.
Les résultats sont donc peu probants, tout au moins à Pouilly, qui se sent sacrifié par la protection de l'aval.




Les noyades

On peut les ranger parmi les dégâts des eaux. Elles furent si nombreuses qu'une page noyades leur est consacrée.