travaux de voirieVoirie et assainissement.

Caniveaux, rues, chemins etc.



Voirie et assainissement.

La voirie est un sujet sensible dans un village.
Il faut dire que les rues de Pouilly avant les années 60 ressemblaient plus à des cloaques qu'à des voies de circulation.
Les rues non goudronnées étaient entaillées d'ornières. Je me souviens du bas de la rue de la Cure, où circuler avec un vélo relevait de l'exploit.
La bouse de vache était omniprésente puisque chaque troupeau rentrait le soir à l'étable. Les fumiers donnaient sur la rue et le purin coulait vers la Meuse au hasard des rues. Ce n'est pas exagéré de dire que dans la grande rue, la Ruelette, la rue du jardinier, il valait mieux circuler en bottes. Le ramassage des ordures n'existait pas et on les balançait un peu n'importe où.
Fumier, purin, eaux de vaisselles assuraient le coté olfactif de la promenade.

Le choléra de 1854 avait fait prendre conscience du danger d'une eau contaminée par tous ces facteurs. Mais on remarquera que dans l'étude d'assainissement de ..... il est dit que les fumiers auront toujours leur place devant les hauts-pavés.
Il faut bien reconnaître qu'il était plus facile de gerber une brouette de l'écurie jusqu'au fumier que de l'emmener en zone non habitée.
Les Allemands lors de l'occupation 14-18 ont bien tenté de réglementer cette pratique. Mais cela n'a pas duré.
Quand il fut question d'abandonner les puits en se dotant d'une adduction d'eau moderne, ce problème était connu, mais l'habitude était prise depuis des siècles.



Les routes.

Le 31/10/1827, le préfet approuve la classification des chemins traversant Pouilly.
Un tableau du 04/05/1827 nous en donne la description, y compris les longueurs et largeurs  :
- 1 Dessous de la cote du vignoble (route d'Inor)
- 2 Chemin d'Autreville (route de Moulins)
- 3 Chemin du châtillon qui mène à Soiry.
- 4 Chemin de Mouzon (via la ferme saint-Remy)
- 5 Chemin de Stenay traversant la prairie de la Wame jusqu'à la grande route de Beaumont.
- 6 Chemin du petit cerisier de la ferme de Prouilly, vers Luzy
- 7 Chemin de Letanne vis-à-vis du gué menant à Letanne.

Les routes et particulièrement quand il fallait s'entendre avec les villages voisins étaient sources de mésentente.
C'était bien sûr à qui ne prendrait pas part aux travaux. Cet état d'esprit est toujours d'actualité.

Un courrier du 18/07/1831 adressé au sous-préfet met l'accent sur ce manque de volonté.
"Pouilly compte toujours parmi le grand nombre de communes de votre arrondissement qui sont encore à produire leur travail pour l'entretien des chemins vicinaux en 1831. Et le reproche que mérite à cet égard l'autorité locale est d'autant plus fondé qu'il m'est parvenu que le chemin conduisant de ce village à Moulins est en très mauvais état"
Il est donc demandé instamment que les 3 commune concernées (Autreville en fait partie) s'entendent au plus vite pour réaliser les travaux nécessaires.



Chemin de Pouilly à Autreville

Ce chemin était donc en 1831 en très mauvais état.
Il faudra tout de même attendre 1855 pour remédier au problème.
Un rapport du 01/12/1855 nous donne l'avis de M Maillez, agent voyer :
"La pierre de pouilly est de mauvaise qualmité. Un M3 de cette pierre ne coûterait que 4 fr, mais il n'aurait qu'une durée de 2 ans au plus. Un M3 de cailloux, au con,traire coûterait 8 fr, mais il aurait une durée d'au moins 6 ans. Il y a donc économie de substituer les cailloux à la pierre pour entretien du chemin de Pouilly à Autreville. Le projet ci-joint a pour objet la fourniture de 170 M3 de cailloux sur le dit chemin. Il s'élève à la somme de 1360 fr qui sera prise sur les ressources vicinales disponibles montant à 1364,53 fr. La dépense excèdant 300 fr il y a lieu de mettre les travaux en adjudication".

Le 10/05/1856 l'adjudication des travaux est passée au sieur Houzelot Jean-François entrepreneur à Donchery (08) moyennant 1360 francs, comprenant la fourniture des matériaux.
Le 25/05/1857 la dépense est liquidée après réception des travaux par le conseil et l'agent voyer le 15/04/1857. (AD55 8 O 589)



La route de Pouilly à Inor

Peu de renseignement concernant cette route. Ce fut de tout temps une voie de communication entre l'axe Mouzon-Stenay. De plus La cense de La Vignette se trouve sur cette route.
Le conseil municipal du 07/09/1902 fait état de réparation ou renforcement par l'apport de quartzite.
"Quartzite à charger aux Sangsues près de l'aqueduc et à transporter et à poser par tas de 1 mètre aux endroits indiqués etc.   sur le chemin d'Inor à partir de l'usine Pilard jusqu'à la Pierreuse..." C'est Jules Guichard qui est adjudicataire.




Le chemin de Pouilly à Luzy

Voilà un chemin qui a fait couler beaucoup d'encre !
Les communications entre Luzy et Pouilly, n'étaient pas jugées de première nécessité.

L'avant-projet date de 1874. Un plan daté du 04/11/1874 nous montre les possibilités de tracés pour ce chemin.

tracé chemin Py Luzy 1874


Une enquête est donc lancée quant à l'opportunité des travaux et la majorité des habitants s'y déclarent hostiles.
Le dossier comprend une trentaine de pages entre les délibérations du conseil, les récriminations de la population et les courriers de l'agent voyer.


Le 02/04/1883 du préfet de la Meuse écrit dans son rapport :
"Lors des enquêtes, l'avant-projet de construction du chemin vicinal ordinaire de Luzy à Pouilly, a rencontré dans la commune de Pouilly une vive opposition. Le conseil municipal poursuivait, en effet, le classement à titre d'intérêt commun du chemin de Laneuville à Mouzon, dont la ligne de Pouilly à Luzy est un tronçon, et se préoccupait en outre des travaux à entreprendre pour la traversée de la Meuse.
La dépense de construction d'une levée percée de travées de décharge, atteindrait le chiffre de 85 000 fr.
D'autre part il reste à éteindre une lacune de 1567 m de longueur, contigüe au territoire de Luzy. Estimation 12 607 fr.
Après de longues négociations, le conseil municipal de Pouilly a enfin reconnu qu'il y avait peu d'espoir d'obtenir le classement dans la catégorie des lignes d'intérêt commun, d'un chemin, dont la mise en état nécessiterait des travaux de cette importance. Sa nouvelle délibération du 03/01/1883, donne une pleine et entier adhésion aux dispositions de l'avant-projet présenté par le service vicinal, et crée les voies et moyens d'exécution. Le génie militaire déclare adhérer au projet etc."
Voilà donc une affaire qui se termine et le tracé est celui que nous connaissons maintenant.




La route sous le bois
On remarquera que le chemin sous le bois menant à la Wame n'est pas mentionné ci-dessus.
Par contre un plan de l'agent voyer du 18/05/1865 le signale.
Mais ce chemin sous le bois en 1936 n'en avait encore que le nom.
Le 25/03/1936, Jean Dumont propriétaire à la Wame écrit à André Beauguitte (1901-1986) sous-secrétaire d'État à l'intérieur : " Père de 5 enfants en bas âge dont 4 peuvent fréquenter l'école il me serait impossible vu le mauvais état des chemins l'hiver de conduire régulièrement en voiture ces enfants dans une école... Pour remédier à cet état de chose, j'avais demandé et obtenu depuis 2 ans du maire de Pouilly de faire mes prestations en nature et le rendre carrossable etc.".
En fait il fait des travaux de voirie de la Wame à la route de Beaumont, où ses enfants seront scolarisés. Mais cela ne plait pas à l'agent voyer de Stenay qui lui demande de récupérer son empierrement et de le mettre ailleurs. Ce que Dumont refuse. Il est finalement à l'amende et se demande si l'agent voyer n'outrepasse pas ses droits.
Le 27/04/1936 l'agent voyer répond que les travaux de Dumont n'ont été exécutés que dans son seul intérêt et qu'ils n'en présentent aucun pour les habitants de Pouilly.

La lettre à Beauguitte a -elle fait effet ?
Toujours est il qu'un courrier du 02/05/1936 du ministère de l'intérieur signale : " Le ministre de la guerre a été informé que le département de la Meuse envisageait l'élargissement (à 4 m) et la mise en état d'un chemin allant de Pont Gaudron à Pouilly... cet aménagement présentant un très réel intérêt du point de vue militaire, mon collègue m'a demandé de vouloir bien ...faire hâter l'exécution des travaux etc."
Le 18/05/1936, l'ingénieur en chef des ponts et chaussées écrit au préfet que l'élargissement du chemin de Pouilly à Pont-Gaudron peut être envisagé pour une voie. La réalisation d'une route à deux voies souhaitée par l'armée, ne pourrait se faire qu'aux frais de cette dernière. Il signale également que "la section comprise entre Pont-Gaudron et la ferme de la Wame, d'une longueur de 920 m, ne comporte même aucun empierrement et n'existe qu'à l'état de sentier.






L'assainissement en plusieurs étapes.


Pour ne pas rester sur une note négative, il faut reconnaître que la municipalité s'est inquiétée de l'hygiène de sa population et a pris les décisions qu'il fallait. Décisions qui seraient maintenant retoquées pour n'être pas aux normes.
Mais elles étaient alors de bon sens.

Le 12/11/1862 le président expose au conseil municipal :
"Trois rues du village, rue conduisant au pont, rue du moulin et ruelette sont dans un état de dégradation qu'il est impossible de laisser plus longtemps sans y établir des caniveaux.
La longueur ensemble sera de 160m environ à 4 fr le mètre."
Il est donc demandé un rapport à l'agent voyer de Stenay.
Celui-ci constate :
1- Rue du pont. Cette rue d'une largeur variant de 5 à 7 m donne écoulement à une partie des eaux provenant de la Grande Rue, au moyen d'un fossé longeant le bâtiment Gobert-Malot, mais comme ce dernier est très souventremplis par les immondices du village, il est urgent pour assurer en tous temps un écoulement aux eaux précitées, de le remplacer par un caniveau pavé de 76 m de longueur qui prendrait naissance à l'angle SE du bâtiment sus dit et se terminerait à l'angle NE de la même maison etc.
2 - Rue du Moulin. Sur la rive gauche de la rue du moulin se trouve établi un fossé qui donne écoulement aux eaux assez considérables provenant du chemin d'Autreville, mais ce fossé irrégulier est également très souvent rempli et il est nécessaire de le remplacer par un caniveau pavé de 1,50 m de largeur et 77 m le long."
Il commencerait à l'extrémité de la Grande Rue et se terminerait en se déversant dans le canal en traversant la route au moyen d'un cassis pavé de 2 m de largeur
Le tout est estimé à 850,00 fr.

Le 12/06/1863, l'agent voyer auxiliaire de Stenay avait établi un projet comprenant les travaux de construction de caniveaux dans deux rues du village, sur une longueur de 153 m.
Le conseil avait alors approuvé le projet et demandé que les travaux soient mis en adjudication dans la commune.
La modicité des travaux estimés à 804,12 et la commune ayant alors en caisse 22 567,82 fr rien n'empêchait la maire à procéder lui même à l'adjudication. (courrier du 17/07/1863).

Le 16/12/1863 l'adjudication des travaux est prononcée au profit de Grégoire Dupuis, entrepreneur à Luzy pour un montant de 762,48 fr.
On note qu'il avait pour concurrents, François Pognon de Luzy, Jean François Houzelot de Saulmory et Joseph Macquet d'Inor.
Et enfin le 10/06/1864 la réception des travaux a lieu. (AD55 8 O 589)



Le 09/02/1892 le président du conseil municipal expose que :
"...certaines rues dans le village sont complètement impraticables à la suite de chaque pluie ou dégel, par suite du manque absolu d'écoulement des eaux et que les autres sont complètement ravinées par suite de leur trop grande pente.
Que dans les premières, il se forme des cloaques infects qui par temps d'épidémie peuvent devenir des foyers d'infection et que des infiltrations se produisent en gâtant les puits, seuls ressource en eaux du pays.
Que d'un autre coté plusieurs cassis assez profonds traversent la grande rue et sont une gêne pour la circulation.
En conséquence il propose pour remédier à ces inconvénients de construire des caniveaux et aqueducs dans les rues principales du village".
Suit le descriptif des travaux envisagés :
- Caniveaux en pavés de Vireux dans la Grande Rue sur 440 m
- Caniveaux en pavés de Pouilly sur 50 m dans la Grande Rue, 200 m rue de la Cure, 75 à la Ruelette et 25 rue Rouju.
- 9 m d'aqueduc sous la Grande Rue, en face de la rue de la Cure, 8 m en face de la mairie, 9 m en face de la Ruelette.
- Fourniture et emploi de pierre cassée pour rectifier le profil des rues sur 200 m. La pierre sera prise dans les carrières de Pouilly au lieu dit Clarette.
Le tout est estimé à 7 000,00 fr, financé par en premier lieu par la vente du coupon de réserve et en cas d'insuffisance par les fonds libres de la commune.

Le 02/04/1892, Guilmard conducteur des ponts et chaussées de Stenay expose au préfet les travaux à réaliser pour la voirie de Pouilly.
Le conseil municipal dans sa séance du 09/02/1892 a voté la somme de 7 000,00 fr pour construction de caniveaux et d'aqueducs dans les rues du village.
Ce travail comprend :
1 - La construction de caniveaux dans la Grande Rue, la Ruelette, la Ruelle de la Cure et la rue Rouju.
2 - La construction de trois aqueducs en remplacement des cassis existant actuellement dans la Grande Rue, en face la Cure, la mairie et la Ruelette.
3 - Enfin la fourniture et l'emploi de pierres cassées pour ramener les chaussées à un bombement normal.

La Grande Rue sera élargie à 5,50 m sans que l'emplacement destiné aux fumiers n'en pâtisse. Suivent tous les détails techniques concernant les pentes, l'utilisation de pierres non gélives etc.
A propos de pierre c'est celle de Vireux qui sera utilisée dans les zones de stagnation ou de faible pente. Sinon de la pierre de Chauvency, plus dure que celle de Pouilly pour les autres portions à forte pente.
Les aqueducs (en fait les tuyaux) seront en "béton comprimé ingélif avec bouches en maçonnerie". Il est signalé : "Ces aqueducs, quoique d'un type et d'une matière encore neufs ont déjà fait leurs preuves notamment dans les Ardennes... Ils sont également employés au chemin stratégique de Dun à Sassey".
La Ruelette, voie étroite, sera dotée de deux caniveaux.
La rue de la Cure conservera sa largeur de 5 m entre axes des caniveaux qui seront prolongés jusqu'à la prairie.
"La rue Rouju par son profil et son peu de largeur en certains points est presque impraticable. Mais par suite de la difficulté et des dangers qu'offre le chemin d'Inor à la gare, cette rue est assez fréquentée. Sa rectification s'impose dans un avenir peu éloigné pour y faire passer le chemin ci-dessus. Alors en même temps qu'on l'élargira, on sera amené à modifier complètement son profil. Aussi les travaux que nous y projetons, sauf l'aqueduc présentent-ils un caractère précaire et nous nous sommes bornés à assurer l'évacuation des eaux".
"On a prévu le répandage d'une couche de 0,05 d'épaisseur de pierre calcaire la plus dure du territoire sur toute la surface des chaussées modifiées. Cette couche est doublée dans les parties où le profil en long est rectifié".

Le rapport se termine par l'estimation des travaux à 7 300,00 fr.

Le 18/09/1892 le conseil municipal adopte le rapport de M Guilmart et vote les 300,00 fr de supplément.

Le maire M Damery, fait passer une annonce dans le Petit Ardennais du 06/05/1893. Elle informe que "...le mardi 9 mai prochain, à 10:00 il sera procédé dans une des salles de la sous-préfecture de Montmédy, à l'adjudication de caniveaux dans les rues du village dont la plus grande partie en pierre de Vireux. Estimation 7 000 francs"  (AD08 Petit Ardennais 06/05/1893)
Tout n'a pas dû être fait car le conseil municipal du 22/03/1903 adjuge à Pierre Pognon la construction de caniveaux derrière la maison de Jules Tribut.
Lui est aussi adjugée la réparation des caniveaux de la Ruelette.

Le nettoyage des rues du village faisait l'objet d'une adjudication.
Ainsi le conseil municipal du 06/12/1906 confie le ramassage des boues à Victor Pognon pour 10 Fr. Ce sera fait tous les quinze jours.



Les projets d'alignement des chemins vicinaux


Le 31/03/1897 une enquête ordonnée par décision préfectorale concernant le projet d'alignement des chemins vicinaux ordinaires aboutit aux projet suivant le 04/03/1897 :
"Le village de Pouilly est traversé par les trois chemins vicinaux ordinaires no 1,2 et 4 de cette localité à Autreville, Inor et Beaumont, prenant naissance au centre de ce village où ils forment carrefour.
Les rues empruntées par ces chemins sont généralement bien ouvertes, mais la propriété les bordant présentent des alignements peu réguliers. Le projet ci-joint est présenté en vue de fixer les limites de ces voies et de régulariser les propriétés riveraines lors des constructions nouvelles ou des reconstructions"
Son projet touche donc sur
- Le chemin no 1 d'Autreville, rive gauche, l'angle de la maison no1 à Ravignaux, Félix, veuve.
Rive droite : l'ancien cimetière no 20, à la commune de Pouilly, les potagers no 28 et 30 à Gobert-Gillet et Jaisson François et le jardin no 32 à Lambert-Bertrand.
- Le chemin no 2 d'Inor, rive gauche les immeubles no 3 et 5 à Evrard Philogène, veuve. Le potager no 29 à Arnould Henry, un angle de l'écurie no 41 et le potager no 43 à Grattepin-Falala.
Sous la chaussée, les sous-sols voûtés à l'usage d'écuries des no 11,13,15 et 17à Pognon Athalie, Jaisson-Lecomte, Maingot Gustave et Chauvency Ambroise.
Rive droite : la remise no 16 et les jardins no 18 et 22 à Grattepin-Falala et à Halbutier César et légèrement partie du mur de façade de la maison no 36 à Pilard Alfred.
- Chemin no 4 de Beaumont, rive gauche, les immeubles no 3 et 5 à Gobert-Malot et Tribut Jacques.
Rive droite la maison no 4 à Gobert-Malot.

On voit que le plan d'alignement est d'importance. Ce document est intéressant car il donne un état nominal des propriétés riveraines et un plan détaillé du village.

plan d'alignement 1
plan d'alignement 2


Mais ce beau projet ne faisait pas que des heureux...
On imagine bien que la perte d'un terrain, la destruction d'un angle ou d'une façade de maison ne pouvait s'accepter sans contestation.
Et ce fut le cas à travers de courriers plus ou moins argumentés, mais qui aboutiront le 27/05/1897 à  la décision du conseil  de demander l'annulation du plan.
Le 07/07/1897 le résultat de l'enquête nous fait connaître les contestataires :
- La veuve Evrard Philogène qui accepte le plan sous réserve d'avoir le droit de continuer à entretenir les façades des dites maisons et d'y faire les modifications d'ouverture etc.
- M Pilard Alfred (maire de Pouilly) proteste contre l'alignement alléguant que les dimensions des machines de grande valeur existantes dans la feutrerie ne permettent pas de les reculer vers l'intérieur du bâtiment etc.
- M Gobert Fernand (conseiller municipal) qui refuse le projet car il ne pourra plus faire de réparations aux parties frappées de reculement.
- M Chauvency Ambroise (conseiller municipal) possède une des écuries sous la route ( caves prés de la forge Maingot, aujourd'hui rebouchées) dit ne plus pouvoir faire de réparation à la voûte, d'où une dépréciation de son bien.
- M Maingot Gustave, même motif.
Une 6 ème réclamation arrivée après clôture de l'enquête émane de M Grattepin-Falala qui prétend qu'après le ré-alignement ses maisons perdront de leur valeur.

M le commissaire enquêteur émet l'avis à la date du 25/04/1897 que les réclamations ont lieu dans un intérêt personnel, que le plan d'alignement parait bien dressé et qu'en présence du petit nombre de réclamants, il y a lieu de soumettre ce projet à l'approbation.
Le conseil municipal du 23/05/1897 expose que le projet n'a pas été suffisamment étudié, qu'un conseiller municipal qui l'avait demandé le repousse actuellement par une déposition écrite
Le maire de Pouilly lui émet l'avis le 28/05/1897 que le projet ne soit pas mis en vigueur.
Le commissaire estime que les réclamations ne sont pas susceptibles d'être prises en compte et que l'ajournement du projet n'a d'autre but que de ménager les intérêts privés des réclamants sans se soucier des avantages qui résulteraient de ma réalisation des alignements envisagés. Il remarque que sur 7 conseillers municipaux qui ont signé la délibération du 23 mai, 3 ont formulé une réclamation à l'enquête.
Mais le commissaire constate que le plan d'alignement doit entrainer une dépense de la municipalité et que de ce fait le consentement du conseil municipal s'avère nécèdssaire.
Il termine par : " Dans ces conditions le soussigné ne peut que regretter la demande d'abandon et proposer l'ajournement des plans d'alignement présentés". et c'est signé du 03/07/1897. (AD 55 8 O 589)

Je n'ai pas trouvé la suite de ce projet. Il semble qu'il ait tout de même abouti, mais je ne sais en quelle année.





Contestations diverses

Les travaux de voirie ne sont pas toujours perçus comme d'intérêt général, mais trop souvent comme privilégiant des particuliers, voire une corporation. Les chemins détériorés par les agriculteurs en sont l'exemple le plus flagrant et toujours d'actualité.
Les travaux ne correspondent pas aux attentes, ne vont pas assez vite, sauf bien sûr chez le voisin...
Le passage de véhicules devant sa porte est vécu comme une agression, une nuisance etc.

Les réclamations et les conflits afférents ne manquent pas aux archives. Sans les citer tous en voici quelques exemples, entre particuliers et entre mairie et administration.

L'affaire Hubert.
La ruelle du jardinier (la rue qui part du petit pont jusqu'à la grand-rue) était dans sa partie haute très étroite.
Il fut donc question de l'élargir. Mais il fallait pour ce faire, exproprier Antoine Hubert et détruire une partie de sa maison.
On conçoit aisément que ce ne fut pas simple et l'administration tenta un passage en force.

maison Hubert

Un courrier de l'agent voyer de Stenay, M Maillez, daté du 15/03/1846 au sous-préfet nous apprend :
"Le classement du 31/12/1827 des chemins vicinaux de la commune de Pouilly, s'exprime en ces termes au sujet du chemin de Beaumont. Le chemin de Stenay conduisant sous le bois à droite sert pour l'utilité de la commune et des communes voisines, se dirige du coté de Stenay, de la ferme de la Wame et de la grande route de Beaumont, sert principalement pour l'exploitation des bois et des terres. Sa largeur est de 3 m et sa longueur de 680 m. Il est de 3 ème classe.
Jamais classement n'a renfermé dans sa rédaction tant de faussetés ni de légèreté que celui de Pouilly. Car la largeur du chemin de Beaumont est plutôt de 7 m que de 3. Sa longueur est de 3000 m. Il mérite d'être considéré comme chemin vicinal de 1ère classe, témoin la tentative qui a eu lieu pour l'élever au rang des chemins vicinaux de grande communication afin de faciliter l'importation des vins de Martincourt, Inor, Pouilly, Autreville et Moulins dans les Ardennes du coté de Beaumont. Le classement est en outre muet sur l'origine du chemin de Beaumont, il est naturel de le faire naître à l'extrémité nord du pont du canal.
La rue du jardinier, sur laquelle est sise la maison du sieur Antoine Hubert, conserve toujours son caractère de rue, vu le rejet de la demande tendant à ériger le chemin de Beaumont en chemin de grande communication; mais elle offre un intérêt bien supérieur aux autres rues parallèles presque impraticables, soit par la rapidité de leur pente, soit par l'exiguïté de leur largeur, car elle sert à relier le chemin de Beaumont à celui de Moulins, à l'aide de la grande rue.
C'est un fait en effet bien constant que les voitures venant du coté de Beaumont suivent deux rues :
Celle du jardinier ou celle du Rouju, selon qu'elles se dirigent vers Moulins ou vers Inor. L'une est plus fréquentée que l'autre en raison de l'immensité des produits de la filature de Pouilly expédiés sur Sedan. La largeur à donner à ces deux rues doit répondre à leur importance et ce n'est pas être exigent que de la vouloir telle que deux voitures chargées puissent s'y croiser avec aisance. Le minimum de la largeur qui est de nature à remplir cette condition est de 6 m. Celle de 4,50 m proposée par le conseil municipal est insuffisante pour deux voies et trop grande pour une seule".
Il est donc préconisé de modifier "...la maison du sieur Hubert en reculant son angle sud de 2,70 m et l'angle nord, avancé de 1,70 m. Alors la maison conservant presque la même étendue affecterait une forme trapézoïde dont les cotés parallèles seraient de 3,08 et 7,10 m.
Il est bien entendu que, quoique le mur écroulé soit contigu à un jardin, il doive être reconstruit suivant alignement étant compris dans la largeur de la rue et que la commune ne sera tenue qu'au paiement de la partie du jardin et de l'emplacement de la maison incorporé au chemin et non de la maison tombée en ruines".

On imagine sans peine la tête du sieur Hubert, perdant son jardin et se faisant reconstruire une maison en trapèze !
Comment l'administration espérait elle faire passer un pareil projet ?

Heureusement le fonctionnaire continue ses cogitations et propose :
"Une seule rue suffirait pour rattacher le pont du canal (en fait le petit pont) à la grande rue. Celle du Jardinier peut à l'aide d'améliorations jouer un rôle aussi important... Les améliorations nécessaires seraient le règlement de la pente à 3 ou 4 cm par mètre et l'incorporation du jardin et l'emplacement tout entier de la maison du sieur Antoine Hubert, à la rue du jardinier, afin que le raccordement des deux rues s'opérât à l'est au moyen d'un rayon de 19 mètres."

Donc on exproprierait le sieur Hubert...

Mais le 21/03/1846 le conseil municipal ne l'entend pas de cette oreille et rejette les propositions du voyer.
" Vu le rapport fait par le grand voyer, le plan par lui dressé etc. il engage la commune à acheter la maison du dit Hubert. Vu aussi l'état financier de la commune, considérant que non seulement la commune serait obligée d'acheter la maison mais encore d'entrer pour moitié dans la réparation d'un pignon et de deux angles appartenant pour moitié à la maison au levant, ce qui serait pour Pouilly une dépense trop onéreuse. Que de plus le rétrécissement du chemin ne s'étend que sur une longueur de 3 m environ, qu'aux deux extrémités de cette longueur la largeur du chemin est plus que suffisante et que les voitures arrivant d'un coté ou d'un autre pourront facilement s'éviter etc."
En résumé la commune repousse le projet de l'agent voyer, mais propose d'acheter le petit jardin.

Le 28/03/1846 le sous-préfet donne son autorisation d'achat du jardin et l'autorisation d'élargir la rue à 4,50 m.
Il regrette cependant la décision du conseil et le fait savoir le 09/04/1846
"Je ne puis réellement applaudir à la mesure que prend le conseil municipal de ne pas de suite faire la dépense nécessaire pour élargir la rue convenablement en achetant toute la maison du sieur Hubert. Assurément il aurait mieux valu faire cette dépense et économiser quelque peu sur la maison d'école dont on a acheté l'emplacement à si chers deniers...". Voir école (AD55 3 O 821)
Il préconise finalement d'indemniser Hubert d'une somme de 300 francs.
Le 20/10/1846 le tribunal statue sur l'expropriation d'Hubert et le 09/02/1847 le sous-préfet déclare l'affaire résolue en donnant ses dernières directives à la commune.

Dans cette affaire, plusieurs éléments sont intéressants.
On y voit l'existence d'un chemin sous le bois allant vers la Wame, chemin sous-évalué comme le signale l'agent voyer.
On y constate aussi l'existence de la rue du Rouju. Cette rue va du petit pont via la forge Maingot jusque l'actuelle rue des carrières.
Enfin on voit qu'entre administrations les relations n'étaient pas toujours au beau fixe.

Mais qui est cet Antoine Hubert ?
Antoine Hubert est né le 25/06/1799. Il est cordonnier, marié le 10/07/1827 à Anne Catherine Sauvage (1797-1862) dont il a 3 enfants. Deux d'entre eux, Jean-Baptiste et Charles décèdent en bas âge. Le troisième, Jean-Baptiste est né le 05/04/1834. Il est donc mineur au moment des faits. Il décèdera 08/01/1857 à 22 ans.

L'histoire se répète parfois, puisque 170 ans plus tard, c'est la maison d'Octave Bestel, située sensiblement au même endroit qui fera les frais d'un plan d'alignement.



L'affaire Tribut
"Par pétition... du 22/06/1906, M Tribut (François Jules 1859-1922) hôtelier à Pouilly, se plaint de l'écoulement des eaux du chemin vicinal ordinaire n°4 et demande que le caniveau existant le long de sa maison d'habitation soit prolongé à l'amont sur 30 m afin d'empêcher le purin d'une place à fumier de contaminer l'eau de son puits".
Le rapport de l'agent voyer signale par courrier du 15/09/1906 : "A 3 m environ en avant de la maison Tribut, contre la maison Gobert-Gillet, il existe une mare de purin de 1 m2 mais profonde seulement de 20 cm qui pourrait gâter le puits Tribut. Il conviendrait que cette mare fut comblée.
Le relèvement de la rive de la chaussée, la régularisation de la rigole et le comblement de la petite mare, travaux demandés par M Tribut, devaient d'après la décision prise par le conseil municipal être exécutés après les moissons... mais la question d'établissement de caniveaux a été ajournée. L'écoulement des eaux devant être parfaitement assuré avec l'aide d'une rigole empierrée, la construction d'un caniveau ne s'impose pas immédiatement.".
Finalement les travaux auront lieu le 25/09/1906. (AD55 8 O 589)


affaire tribut




L'affaire Gobert-Gillet.
Le 28/01/1930 M Gobert adresse une lettre au préfet.
"...depuis quelques années les camions automobiles amenant les marchandises chez le boulanger se permettent de passer sur le trottoir. Il y a trois mois, le mur de soutènement s'est effondré sous le poids du camion... J'ai signalé le fait à M le maire qui ne s'en occupe pas. Le plus grave, c'est que le poids et la trépidation de ces lourds camions font lézarder ma maison..." .
Le 03/02/1930 le maire écrit au préfet :
"Après enquête faite au sujet de l'affaire de M Adolphe Gobert, j'ai l'honneur de vous informer que depuis très longtemps, même des siècles, gros et petits véhicules ont toujours passé sur la chaussée. On ne peut donc interdire le passage.
En plus de cela ce n'est pas sous le poids du gros camion que le mur s'est effondré, mais au passage d'une camionnette qui a voulu éviter un tas de betteraves qui se trouvait devant la porte de M Gobert, dont la roue en passant trop sur le bord a fait céder le mur etc."
Le 05/03/1930, l'ingénieur adjoint du service vicinal de Stenay donne tort à Gobert.
Il faut noter que sa maison est toujours debout. Elle se trouve au coin de la grande rue devant la mairie et à coté de l'ancienne boulangerie.
Louis Adolphe Gobert était né à Pouilly le 18/08/1853. Il est cultivateur, puis rentier en 1914. Son fils Louis Léon devint médecin militaire. (AD558 O 589)



L'affaire La Marle-Dewatte

Voilà une affaire qui a duré des années.
Mais c'est plus une querelle entre particuliers retors et procéduriers.
Jean-Baptiste Dewatte, propriétaire de la ferme de Prouilly, et Pierre La Marle (1856-1842), propriétaire de La Vignette, par courriers interposés se sont fait la guerre pour un droit de passage.
A travers les dizaines de pages ils exposent leurs griefs parfois de manière fallacieuse.
Et finalement en 1819, La Marle a gain de cause. (AD55 8 O 589).

On voit à travers ces quelques exemples que la gestion d'un village n'est pas chose aisée, face à la mauvaise foi, les intérêts particuliers, les contraintes familiales ou de voisinage et une administration parfois peu compréhensive.