Année 1526
Un procès singulier : le porc de Nepvant
Les historiens qui ont relaté avec indignation le jugement d'un porc de
Nepvant en 1526 n'ont pas eux même bien jugé la situation à cette
époque.
Le porc en question avait dévoré un enfant au berceau. Le cas de ce
porc est identique à celui qui fut jugé en 1266 à Fontenay-aux-Roses
près de Paris et qui est en France le premier procès contre un animal.
Les juges savaient bien que l'animal n'était pas responsable et ne
pouvait être interrogé mais ils se trouvaient dans une situation
inextricable.
- Le propriétaire du cochon ne pouvait être condamné car les porcs
circulaient librement dans les rues qu'ils nettoyaient de tous les
résidus comestibles qu'on y jetait.
Interdire la libre circulation des porcs aurait indisposé toute la
population à commencer par les plus pauvres incapables autrement de
tuer le cochon en fin de saison. En 1539 on essaya de l'interdire à Paris
ou les porcs provoquaient de nombreux accidents avec les cavaliers et
on y parvint pas.
- On ne pouvait pas plus accabler les malheureux parents en les
accusant d'avoir manqué de prudence en laissant un enfant dans son
panier d'osier sans surveillance sur le pas de la porte.
- Si le porc n'était pas vite saisi on risquait des gestes de vengeance puis de représailles de la part de la famille.
Ajoutons que la saisie de la bête et les frais du jugement permettaient
déjà de punir le propriétaire, ce qui somme toute n'est pas tellement
sot dans la conjoncture si différente de la nôtre. On gardait tout
simplement le porc dont le procès et l'exécution risquait de coûter
cher.
A Nepvant le porc fut si rapidement saisi qu'il échoua à Chauvency au
lieu de Brouennes, résidence du seigneur justicier de Nepvant. D'où ce
conflit de juridiction sans lequel nous aurions ignoré l'incident.
Ce fait fut relaté par le chanoine
Vigneron, historien du nord meusien.
On en sait un peu plus sur ces seigneurs justiciers en lisant
"Les annales de l'institut archéologique du Luxembourg" , tome XLV
année 1910 page 38
"Le sieur de Romponcelle, président de la cour des comptes du
Barrois, siégeait aux assises de Bar le Duc, le 31 juillet 1526, à la
requête du procureur général, pour trancher un cas très original.
Un porc avait dévoré un enfant dans son berceau, à Nepvant-lez-Stenay.
Comme seigneur du lieu, Gilles de Sapogne fit arrêter et enfermer le meurtrier dans ses cachots.
Mais Georges de Lioncourt, son suzerain, seigneur de Brouennes,
revendiqua ce droit. De là conflit, rébellion, violences, ravages des
deux seigneuries. De Lioncourt en saisit la Cour supérieure du Barrois,
qui fit transférer le délinquant du cachot de Gilles à la geôle de
Stenay.
La Cour comprenait l'évêque de Toul, l'abbé de ste-Hoëlde, le grand
sénéchal du Barrois, le bailli de Bar, le sieur de Romponcelle et
autres gens de la Cour des comptes.
Ouï le réquisitoire du capitaine-prévôt de Stenay, elle confirma au
sire de Lioncourt son droit de haut justicier sur le dit porc." JM 430
On pourra lire dans la revue 'Histoire de la justice, des crimes et des
peines", l'article de Laurent Litzenburger, "Les procès d’animaux
en Lorraine (XIVe-XVIIIe siècles)" dont voici l'abstract :
"Les archives lorraines et barroises livrent, en l’état actuel de la
recherche, trente-quatre mentions de procès d’animaux et d’insectes, qui
s’inscrivent dans une fourchette chronologique assez large, débutant
vers le milieu du XIV
e siècle et s’achevant dans le premier tiers du XVIII
e siècle. De tels procès ont eu lieu dans tout l’Occident chrétien à partir du milieu du XIII
e
siècle. Les exemples sont toutefois rares, ce qui a longtemps fait dire
aux historiens que ces affaires ne sont que des épiphénomènes
trahissant certains archaïsmes judiciaires des sociétés anciennes. Pour
comprendre ce phénomène, il est nécessaire de s’interroger sur le
contexte culturel qui le rend possible. Celui-ci s’inscrit dans la
longue durée, de l’antiquité jusqu’au renouveau de la pensée humaniste
et à l’éclosion de l’esprit des Lumières. Comment expliquer que, pendant
toute cette période, les sociétés trouvèrent tout à fait raisonnable de
traduire animaux et insectes devant la justice ?"
Laurent Litzenburger est docteur en histoire médièvale (Université Nancy 2).
" Le roi (François 1er) est mis en liberté sous des conditions très
injustes qu'on lui propose et que les états du royaume improuvent. Le
dauphin et le duc d'Orléans sont amenés en Espagne échangés avec leur
père et menés en otage..." FR