Les conséquences de la guerre de 1870.
Les premières conséquences furent un afflux de blessés aux ambulances de Pouilly.
Ce fut aussi comme le rappelle le maire Louis Balland (1806-1883), lors d'une réunion du conseil
le 11/10/1873, "... notre village se trouve à 2 km du champ de bataille
de Beaumont, et que le jour de la bataille et le lendemain, notre
localité a été livrée au pillage...".
Réquisitions prussiennes.
Dés le 31/08/1870 (le lendemain de la bataille de Beaumont) un état des réquisitions, basés sur des bons prussiens est établi.
Sans entrer dans le détail, assez répétitif, on notera tout de même quelques cas :
Le premier à
en pâtir est Nicolas Martinet qui doit donner 2 tonneaux de vin rouge
au 1er bataillon du 4ème régiment de la garde, régiment de la reine.
Le bon est signé Geffen, sergent-major de la compagnie. Ensuite ce sont
des bœufs, de la paille, du foin, du lard etc.
Chez la veuve Evrard ce sont 70 litres de vins, 4 bouteilles de
champagne, 4 de cognac, 24 livres de sucre et 12 bougies. Puis ce sont
200 litres de bière, 40 litres d'eau de vie et 12 livres de sel.
Il s'agit sans doute de Marie Alexisse Arnould (1799-1815), veuve d'Antoine Evrard (1787-1860) qui était aubergiste et épicier.
Charles Halbutier (1843-1917) doit laisser 270 fromages. Il en était vendeur.
Jean-Baptiste Dupront (1823-1892) est aubergiste, il se fait prendre
100 litres de vin et 100 litres d'eau de vie, du chocolat, du pain, du
beurre etc.
Une dame Stevenot en est pour 100 litres de bière et 200 litres de vin.
De la viande et du pain sont aussi requis pour l'ambulance néerlandaise
de La vignette. 155 francs ont été payés à Vivier et Evrard.
Ce ne sont pas moins de 32 réquisitions auxquelles les particuliers et la commune ont dû répondre.
Une est particulière... Il s'agit de M Lamarle Eugène (ancien notaire) qui a dû fournir
1000 litres de vin pour 450 00 francs mais qui a perdu les bons de
réquisition. Le maire vient heureusement à la rescousse et assure avoir
vu ces bons.
Réquisitions du maire pour les Prussiens
Aux réquisitions directes s'ajoutent celles que le maire doit faire au
nom des Prussiens. On imagine les problèmes les pressions diverses et
les cas de conscience que subit alors le pauvre maire, pris entre l'arbre
et l'écorce !
Ainsi il réclame à Raymond Vivier, 9 quintaux d'avoine, 10 kilos de viande.
A la veuve Evrard, 7 quintaux de farine "pour faire du pain aux hommes
qui sont arrivés le jour de la bataille de Beaumont". Mais aussi "...15
litres de vin pour souper à 12 hommes de garde..."
Pour d'autres, c'est une vache, du foin et parfois c'est l'ensemble des habitants qui est mis à contribution.
Le 10/08/1871 Louis Balland estime à 2 851,00 francs le montant de ces
réquisitions sans compter 4 883,35 francs de réquisitions allemandes.
En novembre 1870 il écrivait : "...les nombreuses réquisitions qui ont
été faites à la communauté des habitants de Pouilly et auxquelles il a
fallu satisfaire, tant pour le compte des armées françaises que pour
celles de nos ennemis, indépendamment de tout ce qui a été pillé par
celles-ci qui se rendaient maîtresse des habitants de par le droit de
leur force brutale."
Il ajoute : "...l'état voisin de la misère dans lequel se trouve
plongée la plus grande partie des habitants surtout ceux dont la
profession est la culture des terres ou la production alimentaire et
l'élevage des bestiaux et dont l'avenir se trouve compromis faute de
ressources actuelles.".
Louis Balland signale également : "...ces malheureux fournisseurs dont
la position malheureuse est encore aggravée depuis par suite de la
perte bovine qui s'est déclarée à la suite du passage de l'armée
prussienne, perte qui a fait périr presque tout le bétail qui était
leur dernière ressource". (AD55 8 R 160)
En conséquence et de son initiative, il indemnise sur les fonds propres
de la commune, ceux qui ont dû fournir à l'armée française des
marchandises ou des denrées.
Il s'agissait de fournitures pour l'armée du Rhin.
Aux voituriers Guichard, Grattepin et Tribut sont alloués la somme de 26,50 fr.
Notre région a ensuite été occupée jusqu'en 1873 par les Prussiens. Ceux-ci ont bien sûr vécu "sur le pays".
Le 13/08/1872, le maire Louis Balland dresse un état indiquant les passages des troupes allemandes dans la commune.
On imagine facilement les dégâts que 7 000 hommes en pays conquis ont
pu occasionner, d'autant que l'entretien de ces troupes revenait à 1 fr
par homme et 2 fr par cheval.
L'état a plus ou moins dédommagé les habitants pour les pertes qu'ils avaient subies.
On s'aperçoit que l'altruisme avait ses limites, quand certains
demandent à être remboursés des frais de transport des blessés de la
bataille de Beaumont.
Voici un tableau récapitulatif des réquisitions subies par les habitants de Pouilly.
On remarquera que certaines sont dites justifiées, ce sont celles de
l'armée française, puis les pillages prussiens et les amendes et
contributions.
Le village avait alors 553 habitants. On constate que le total des
sommes engagées pendant cette guerre et cette occupation, représente un
effort non négligeable !
Aux AD55 dossier 8 R 160, on trouve un état par habitant et par nature de ce que la guerre a coûté.
Certains ont été "taxés" plus que d'autres. Ce sont surtout ceux qui
par leur activité agricole ou marchande possédaient le plus de
marchandises. La proximité géographique a pu jouer. Ainsi la Wame sur
le passage des troupes a perdu beaucoup.
Même le curé Alfred Gilles y a perdu 350 litres de vin et pour 1000 francs d'argenterie.
On remarque que certains font l'objet d'une demande de renseignements
sur le bien-fondé de leurs dédommagements. Au passage le montant
approximatif de leur fortune nous est fourni.
Famille Gobert-Gofflot. En fait
Jean-Baptiste Gobert (1802-1875) et Jeanne Marie Gofflot (1803-1884)
réclament 55 francs pour des voyages pour l'ambulance. Ils ont 4
enfants majeurs, tous mariés et 50 000 francs de fortune. (ils sont à
l'origine de la famille Noël).
Le conseil municipal sans pour autant considère que la demande est
exagérée, s'étonne que la demande de remboursement n'ait pas été
présentée plus tôt au président de l'ambulance.
Il expose en outre, par courrier au préfet le 05/06/1873 "...qu'il a
acheté trois chevaux à une vente à l'enchère que les Prussiens
faisaient à Pouru-Saint-Remy, le 12/09/1870 et dont j'ai tiré un mot
d'écrit que je peux présenter. Après avoir rétabli ces chevaux, on nous
les a estimés 570 francs. Cette somme nous a été retranchée sur la
perte que nous avons fait et qui s'élevait à 4 160 francs. Je réclame
aussi pour avoir été rechercher les blessés avec deux chevaux sur le
champ de bataille de Beaumont et avoir été aux convois plusieurs jours,
cela commandé par M. le maire et dont je n'ai aucun paiement, même pour
un cheval qui a été parti 3 semaines conduire les Prussiens...".
Jean Lequy, sabotier à Inor,
réclame le 30/05/1873, 110 francs pour les dégâts dans ses vignes sur
le territoire de Pouilly. Mais le conseil municipal fait observer
qu'aucun vigneron n'a eu de dégât et en conséquence rejette les
prétentions du dit Lequy.
Il s'agit sans doute de Jean-Baptiste Lequy, décédé à Inor le 15/02/1881 à 52 ans.
Adolphe Raulin (1823-1884)
réclame le 25/16/1873, 66 francs. il a 3 enfants, une mariée, l'autre
de 20 ans et la troisième de 5 ans. Il a 8000 francs de fortune
estimée. C'était le grand-père de René Colard.
Il a conduit 2 hectolitres de vin à Létanne pour 2 francs et a fait un
voyage de 4 jours avec des chevaux, pour emmener des blessés de
l'ambulance de Pouilly, à Clermont, soit 64 francs. Le conseil trouve
la note exagérée et accorde 28 francs.
Jean Ravigneaux (1815-1880)
demande le 03/06/1873 96 francs pour avoir été chercher des blessés à
Beaumont,à Beaulieu (la ferme prés de Beaumont) etc. Il s'est aussi
fait enlever par les Prussiens 14 quintaux préparés pour l'armée
française, et se demande si cette perte doit être considérée comme
pillage ou réquisition.
Le conseil lui accorde 60 francs. Il est célibataire et possède 25 000 francs de fortune.
Jean-Baptiste Tribut (1827-1877) demande 52 francs. La municipalité trouve la somme exagérée et lui accorde 49 francs !
Il a fait un voyage à Beaumont d'une journée et deux chevaux pour 12
francs, et a passé "...5 journées pour conduire 3 chefs dans les
Ardennes..." pour 40 francs.
Il a 10 000 francs de fortune et une petite fille de 5 ans.
Pierre Tribut, frère du
précédent, demande 40 francs, réduits par la municipalité à 15 francs.
Il a été chercher des blessés et conduit des employés de l'ambulance à
Mouzon.
Il a 10 000 francs de fortune et deux enfants de 14 et 3 ans.
Certains semblent à la limite de l'escroquerie...
Ambroise Gobert se plaint
directement au préfet le 03/03/1872 en ces termes : "...je vous demande
la permission de protester contre elle (la liste des fermiers
nécessiteux établie par la municipalité) . Je déclare être plus chargé
de famille, éprouvé par la guerre aussi et être plus pauvre que
ceux que le conseil municipal parait vouloir favoriser...".
Le 19/05/1872 le conseil répond au préfet qu'Ambroise Gobert a 3
enfants, une fortune de 20 000 francs et qu'il réclame 1 500 francs de
dommage et qu'il a déjà touché 382,50 francs alors que d'autres plus
défavorisés n'ont encore rien touché. Il ajoute : "Le conseil n'est pas
étonné de la réclamation du sieur Gobert, car seul il prétendait avoir
droit à tout ce que l'administration pourra accorder...".
Parmi les plus touchés par les conséquences de la guerre le conseil signale au préfet :
M. Bestel Isidore, fermier de la Wame, tout prés des confins du champ de bataille de Beaumont, ayant perdu 8 000 francs.
M. Martinet Thomas Pierre, ayant perdu tous ses chevaux et une partie de son mobilier (valeurs de 4793 francs)
Les décisions du conseil ne devaient pas être faciles à prendre et on imagine les ressentiments qu'elles ont dû engendrer.
Le 23/09/1873 un récapitulatif par habitant donne le chiffre exact des
indemnisations. Chiffre contrôlés et évalués par le conseil municipal,
puis par la commission cantonale, enfin par la commission
départementale.
Parmi toute la grisaille de ces réclamations on trouve tout de même un écrit réconfortant daté du 12/03/1872 :
"Une personne charitable de Raucourt, Ardennes a envoyé au maire de
Pouilly une somme de 300 francs pour être distribuée aux ouvriers
malheureux qui avaient fait des journées dans les ambulances, soit pour
soigner les blessés soit pour les porter en civière de Pouilly à Mouzon
et Beaumont à Mouzon.
Cette somme a été versée à 68 ouvriers ainsi qu'il est constaté par
leurs reçus inscrit au registre de délibération le 31/03/1872 etc."
Parmi les habitants de Pouilly "montés" à Paris, on trouve
Guichard Antoine Auguste.
Il est né à
Pouilly le 07/10/1837 de Jean-Baptiste Guichard (1805-1841) et de Marie
Catherine Lequy (1806- ). En 1871 il habite à Paris, 9, rue de Léonie
dans le quartier Saint Georges, où il est cocher. Il participe à la
commune, mais je n'ai pas trouvé son dossier. Il décède à Paris le
10/10/1905 après s'être marié trois fois.