les poilusLa première guerre

Les dégâts et les bouleversements...



Les dégâts et les bouleversements.

Je ne sais si un siècle après ce cataclysme, on est en mesure de juger des bouleversements qui en sont issus.
Au niveau mondial, ce sont 73 millions de mobilisés, 9,5 millions de morts, et 21 millions de blessés.
L'histoire jusque là n'avait pas connu pareil conflit.
S'y sont mêlés, dans l'ordre des pertes humaines :
Russes, Français, Anglais, Italiens, Serbes, Roumains, Américains des USA, Belges, Grecs, Portugais, Monténégrains, Japonais. Et pour les puissances centrales, les Allemands, les soldats de l'Autriche-Hongrie, les Turcs, les Bulgares. Sans oublier les pauvres bougres de nos diverses colonies.
Ce conflit vit disparaître 4 empires et se créer 10 nouveaux pays. Ce remaniement fut porteur des conflits qui suivront.
("Le suicide des empires" Alan Clark  "Dossiers du XXe siècle" 1971)



En France
Il faut se représenter la France au début du XX ème siècle comme essentiellement rurale.
En fait cette France a peu bougé depuis l'ancien régime, voire même depuis le moyen âge.
On laboure encore avec les chevaux, les bœufs, on fait son vin, on consomme les produits locaux.
On ne vit pas vraiment en autarcie, mais pour l'essentiel, sur les ressources de la surface du canton.
Le plus grand déplacement de la plupart de nos ancêtres, c'est  Stenay, Sedan ou Verdun et voilà tout.
D'ailleurs pour aller où ? Paris, Sedan, Reims ? Certains y ont songé et y sont même allés... Mais c'est loin.
On se marie encore souvent au plus proche; si pas dans sa rue, dans son village et sinon dans le village d'à coté.

Ce 02/08/1914 à 16:00, le tocsin sonne dans toutes les communes. C'est la mobilisation générale !
Beaucoup s'en doutaient et nos hussards noirs préparaient activement les enfants à la revanche.
L'Alsace et la Lorraine devaient rentrer au bercail !
Alsace-Lorraine ? Française ou Allemande ?  L'histoire  ne permet pas de trancher et remonte... au partage de l'empire de Charlemagne. L'idée de nation n'existait pas alors.
Il suffit de lire ce monument de bêtise : "Poésies militaires" de Paul Deroulède parue en 1896 pour se convaincre que l'envie d'en découdre avec le Boche était dans la tête de nos ganaches, mais pas forcément dans celle du paysan de Pouilly.
Et puis on ne lisait pas Jaurès, assassiné le 31/07/1914. D'ailleurs n'était il pas contre la guerre ? Quelqu'un donc de louche et fondateur du journal "L'humanité" !

Alors nos soldats sont donc partis, le 02 août, à pied, en charrette ou par train rejoindre ce que le livret militaire leur imposait comme destination.
Dire qu'ils sont partis "Nach Berlin" la fleur au fusil tient plus de la propagande militaire que de la réalité.
Nombre de photos sur les quais de départ, ne montrent pas une joie débordante et si il y en eut, ce fut sans doute pour se donner du courage, par bravade ou pour la photo de "L'illustration". La presse a savamment caché les mères, femmes, enfants en pleurs.

"Les notes prises par les instituteurs à la demande du ministre de l'instruction publique sur les journées de mobilisation permettent d'analyser l'attitude des populations rurales. La nouvelle de la guerre n'a pas suscité l'enthousiasme souvent décrit. La tristesse, voire la consternation et l'abattement l'emportent dans un premier temps. Quelques jours plus tard, après le regroupement des mobilisés dans les centres urbains, les premiers convois de troupes suscite un grand élan patriotique et des manifestations bruyantes qui sont plus le fait des citadins. Les allusions à la revanche et à l'Alsace-Lorraine sont rares. L'opinion se rallie à l'idée que puisque la France est attaquée il faut répondre à l'agression avec fermeté. Cette résolution est renforcée par la conviction que la guerre sera courte, six mois tout au plus". "Les paysans dans la société française" page 170 par Annie Moulin Point Histoire Isbn 2-02-010260-9


Chacun avait à faire ce 02 août. Les travaux des champs par exemple, la moisson, les vendanges un peu après.
Et le lendemain... Qui allait assurer le travail dans la ferme ? Dans la boutique ?
On espérait une guerre rapide et revenir vite fait. Cruelle déception !
Le travail de la terre, il y en eut ! Mais à construire des casemates, des tranchées et autres abris précaires pendant quatre ans, pour les plus chanceux et des tombes de fortune pour les malchanceux.

Mais qui avait bien compris ce jour là, pour qui et par quel engrenage d'alliances entre nations, il allait falloir se battre ?

Et surtout se battre avec les moyens que l'intelligence humaine avait développés pour mieux pourrir la vie de ses ennemis !
Les gaz, l'aviation, le lance-flamme et autres joyeusetés.
Les crimes de guerre, si ils ont toujours existés, ont pris cette fois une ampleur insoupçonnée. Les civils, comme les militaires, en ont fait les frais. Par exemple, Magny dans les Ardennes sera le théâtre de 42 exécutions de civils. Les hordes allemandes s'étaient déjà fait la main en Belgique.
On est maintenant entre gens modernes et on se fait une guerre moderne, industrielle. Il faut bien enrichir les Krupp, Schneider, Renault et cie. "On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels" écrit Anatole France.
Charles Bruneau, cite cette inscription relevée dans un abri allemand :"Wir kämpfen nicht fur Vaterland, wir kämpfen nicht fur gott, wir kämpfen nur fur Kapital, uns Armen schiesst man Tott" Ce qui veut dire : " Nous ne nous battons pas pour la patrie. Nous ne nous battons pas pour Dieu. Nous ne nous battons que pour le capital. On fusille nos pauvres". (Ch. Bruneau, "Ma guerre 1914-1918" page 207. Edité par Terres Ardennaise 2021.


Les changements dans notre société.

Le brassage de population, dans les tranchées, les évacuations, la captivité pour certains, la cohabitation avec l'ennemi, a mis à mal un certain nombre de certitudes.
Tout d'abord, les femmes durent remplacer les hommes partis au front, tant dans les travaux agricoles ou industriels que dans la responsabilité du foyer.
Quand les soldats rentrèrent, ils découvrirent que leurs compagnes avaient assumé ces travaux et certains virent leur rôle de pater-familas fortement remis en cause.
Les femmes ayant mené la barque pendant ces longues années, se revendiquaient à juste titre égales aux hommes, d'où une demande légitime d'émancipation. N'oublions pas qu'à cette époque, elles dépendaient du mari, ne votaient pas et devaient avoir son autorisation pour travailler et gérer ses propres affaires.

Les gens se sont par la force des choses côtoyés et ont découvert que notre univers était plus large que le canton ou le département.
Une forte incompréhension s'est aussi installée entre ceux du front et ceux de l'arrière.
A part quelques épisodes de la grosse Bertha, Paris continuait à vivre à moins de 100 kilomètres de l'enfer.
Une grande partie de la France n'a pas vu un "boche" car le front s'est cantonné au nord et à l'est. On pouvait pontifier dans les cafés et journaux, mais personne n'imaginait l'horreur des tranchées. Les soldats au cours de leurs rares permissions n'en parlaient guère, craignant de n'être pas crus.
Ce fossé entre civils et militaires, fut mal ressenti par ceux qui étaient au front. Charles Bruneau en parle : "Le poilu en a assez de se faire casser la figure pour des ouvriers qui gagnent 20 fr.par jour et qui se fichent de lui quand il va en perm. Chose curieuse le poilu n'en veut pas aux bourgeois. Ça semble lui être un peu égal que le bourgeois jouisse à l'arrière. Mais ce qui le dégoûte, c'est de revoir son ancien égal, l'ouvrier, qui non seulement ne se fait pas casser la figure, mais gagne quatre fois plus qu'avant. Et puis ça dégoûte le poilu de se battre pour sa femme qui le trompe, pour ses enfants qui l'oublient et ne rêvent qu'au cinéma, pour les journalistes qui lui bourrent le crâne etc." Suit toute une diatribe de la même veine et il conclue par : Si il y des civils qui ne sont pas contents, qu'ils viennent prendre leur place."

Seules les familles dont un ou plusieurs fils étaient au "casse-pipe", appréhendaient l'arrivée du maire ou des gendarmes leur annonçant le décès d'un être cher. Et ils eurent fort à faire puisque le nombre des tués pour la France est estimé à 1,4 millions pour 7,9 millions de mobilisés.
Certains ne sont pas décédés au combat, mais en sont revenus physiquement diminués.
Eugène Berthelemy, marié à Pouilly, en est un exemple, parmi d'autres, puisqu'il fut gazé et décéda en 1921 des suites de guerre.
Le nombre de blessés coté français est estimé à 4,3 millions.
La grippe espagnole (de type H1N1) fit aussi des ravages épouvantables parmi une population déjà éprouvée par la guerre. On estime qu'en France ce sont 240 000 décès qui lui sont imputables mais dans le monde on compta 50 millions de victimes. Elle commença en mars 1918 et finit en avril 1919. A Pouilly, Irénée Elysée Guichard en fut victime.

Il y eut sans doute des victimes civiles. Je n'en ai pas trouvé décédées à Pouilly.
Uranie Eugénie Graff.est née à Pouilly le 03/05/1865 de Georges Graff (1836-1882) et d'Anne-Marie Scholtaisse (1834-1886). Elle se marie à Glageon (56) le 29/02/1888 à Joseph Louis Lagacy. Elle décède le 31/08/1917 à Novion-Porcien, où son nom est inscrit au monument aux morts. Je n'ai pas encore trouvé la raison de son décès.

Si certaines régions ne furent pas directement touchées par cette guerre, tout le nord de la Meuse le fut de 1914 à 1918.

Les destructions matérielles ont empêché certaines familles de revenir au village. Ceux qui travaillaient à l'usine ont dû chercher ailleurs. La reconstruction a favorisé un mouvement migratoire qu'on peut constater sur la page immigration

La natalité chuta et Pouilly ne retrouvera jamais sa population d'avant-guerre.
Son déclin lié à l'arrêt de son activité industrielle, vient de cette période et on le constate par les recensements.
Parmi les victimes de ce drame,les enfants ne furent pas épargnés, comme l'écrit le maire le 23/04/1920, à propos de la transformation en école mixte des écoles de garçons et filles.
"Du fait de la guerre les enfants ont besoin de soins particuliers. Quelques uns même, restés en pays occupés savent à peine lire et écrire" .
Leur situation sanitaire ne devait pas être meilleure. La malnutrition, le travail forcé, le manque de soin n'avait pas dû favoriser leur développement.

L'évacuation des civils, la mobilisation des soldats a posé un gros problème en 1919 pour rétablir des listes électorales. Les AD55 conservent de nombreuses fiches de demande de renseignement à ce sujet. Elles nous éclairent sur les destinations et les destinées des habitants.

Après la guerre les anciens combattants s'organisèrent en associations pour perpétuer le souvenir de ceux tombés au combat.
Si l'aide aux familles, aux victimes et le souci de maintenir une cohésion née des tranchées, faisaient partie des premières motivations, certaines associations entre les deux guerres, basculèrent dans la politique et furent à l'origine d'une extrême-droite dure, ultra-catholique et nationaliste. La cagoule, les "Croix de feu" etc. en sont des illustrations. Ce sont souvent les mêmes qu'on retrouvera pour soutenir Pétain et parfois collaborer avec les Allemands, ou à l'inverse entrer dans la résistance.

Philippe Bourdrel dans son livre "La cagoule" p 27, résume bien l'ambiance de l'entre-deux guerre :
"Pendant des années pour des centaines de milliers de Français (anciens combattants, braves gens au sens vrai, petits bourgeois nationalistes, cocardiers épris de propreté politique dans les scandales, avides d'autorité dans le théâtre d'ombres parlementaires)... Le Français d'avant-guerre aime volontiers se retrouver à travers un guide politique, il se livre avec délices au culte de la personnalité. Mystique du chef. Bras tendus et poings serrés. Rassemblements. Meetings. Jeunesses de-ci et jeunesses de-là. Chemises d'une couleur et chemises d'une autre. Insignes. Hymnes. Slogans."
La cagoule a pour véritable nom le CSAR (Comité secret d'action révolutionnaire)

On retrouve donc là tous les ingrédients d'un fascisme latent, car à part la cagoule, et ses attentats, aucun mouvement n'osera franchir le Rubicon et se lancer dans un coup d'état.
Quand je parle de fascisme latent c'est en le comparant à celui de l'Italie et surtout celui de l'Allemagne. Deloncle se rapprochera d'ailleurs de Mussolini et de Franco.
Le nationalisme, le retour à la royauté, l'antisémitisme, l'anticommunisme... Autant d'idées qui ont malmené la politique de la IIIe république. L'action française, la cagoule, les croix de feu, les camelots du roi. Maurras, Deloncle, Daudet et j'en passe, autant de noms qui ont flétri la démocratie entre les deux guerres !
Et à lire les journaux de l'époque, on peut se réjouir de ceux publiés actuellement ! L'injure, la médisance, les accusations mensongères étaient à la une. Les interventions à la chambre des députés frisaient le pugilat.

Certes les mouvements ouvriers ont enrayé cette montée d'extrême droite. Le gouvernement de Léon Blum, les grèves de 36 ont peu à peu amené un minimum de bien-être aux ouvriers.
Le parti communiste, honni depuis sa création et la révolution "bolchévique" s'aligna sur la politique de Staline, oscillant entre être  et pour la guerre et finalement se lancer dans la résistance qui les honorera.
Ce grand écart hélas continuera jusqu'à la fin du XXe avec le "globalement positif" de Marchais !

Dans cette tourmente politique, Pouilly ne fut pas à l'abri de dérives, mais ces faits sont trop proches pour être évoqués librement. Les conversations de café et l'appel à ne pas se battre contre l'Allemagne étaient encore dans le souvenir des gens de Pouilly...



État des dégâts physiques à Pouilly.

Dés mai 1919 le maire Édouard Gobert expose au conseil que la situation financière de la commune par suite de l'occupation allemande et des contributions de guerre qu'elle a entrainées est désastreuse, que des travaux très urgents de réparation aux bâtiments communaux restés debout et dégradés par le bombardement des derniers jours de guerre, entraineront des dépenses assez élevées : Réparation aux écoles, installation d'une mairie, achat ou fabrication de mobilier scolaire, réparations aux fontaines etc. et que pour faire face à ces dépenses, un seul moyen se présente, c'est de demander une avance à l'état à valoir sur les dommages de guerre auxquels peut prétendre la commune.
Le conseil demande donc au préfet une avance de 10000 francs imputables sur ses dommages de guerre.
Le 06/07/1919 en séance extraordinaire, le conseil désigne messieurs Thintoin, Brumant et Braun, architectes à La Neuville, pour établir les devis et projets de reconstruction ou réparation des bâtiments communaux.
Le 13/07/1919, le conseil autorise l'état à procéder aux déblaiements des immeubles détruits par faits de guerre dans la commune de Pouilly.
Le 01/10/1920 en session extraordinaire, le maire expose au conseil l'état dans lequel se trouvent par faits de guerre, les bâtiments communaux suivants :
1 - La mairie, bâtiment comprenant, la mairie, l'école, le logement de l'instituteur, la remise à pompes, le corps de garde
2 - L'école des filles, y compris le logement de l'institutrice.
3 - Le presbytère
4 - L'église
5 - Le lavoir public.
Tous ces bâtiments doivent être réparés sauf la mairie à reconstruire entièrement. (Elle a brûlé en 1917). Le conseil demande une avance de 500 000 francs. Il désigne M. Mazery, architecte à Stenay, pour s'occuper des choix d'entreprises et surveillance des travaux.
Le 18/01/1921 le conseil demande l'autorisation pour la commune, d'entrer dans la coopérative de reconstruction, de confier les travaux de tous les bâtiments communaux à l'entrepreneur de la dite coopérative.

baraquement bois Condé




Pour compenser les destructions, il fut construit des baraquements en bois et toit de tôle.
Le 10/03/1917, il est question d'un lieu dit "Les baraquements", lors du décès d'un prisonnier civil Belge, Charles Depuydt. Il s'agit sans doute des baraquements où les prisonniers ou réfugiés étaient logés.
Au décès de Gustave Demartelare, le 18/03/1917 il est précisé "Les Baraquements, route d'Inor".


 




L'enquête de 1921



Devant l'ampleur des dégâts une socièté coopérative de reconstruction est constituée à Pouilly le 15/03/1921.
Ci-dessous, l'article de La Croix Meusienne du 16/04/1921.

cooperative de reconstruction
Une enquête de 1921 sous forme d'un questionnaire,  fait l'état des lieux. C'est le maire Édouard Gobert qui y répond.

Nombre de propriétés bâties 149
Immeubles entièrement détruits 12
Immeubles réparables 125
Immeubles intacts 12

Nombre d'habitants en 1914, 316 et en novembre 1918, 110
Nombre d'habitants rentrés 295

Sage femme oui

Ecoles publiques 2
17 garçons en 1914   20 en 1921
20 filles       en 1914   21 en 1921

La commune est adoptée par le département de la Seine mais n'a bénéficié d'aucun don.
La commune souhaite "... amélioration aux conditions de vie locale, de manière à se rapprocher de la vie normale. eaux éclairage. Travaux d'adduction d'eau, éclairage des rues et des bâtiments communaux. Création d'une cour de récréation avec préau, water closets, le tout fermé..."

La commune est rurale et exploitait avant guerre 500 hectares
La presque totalité, 480 ha, est remise  en culture "... les cultivateurs se sont acharnés au travail..."
Il n'existe pas de coopérative agricole.
Il y avait 3 fermes avant la guerre et les 3 sont remises en exploitation. (Ce chiffre de 3 me semble bien fantaisiste...)

Il n'y a plus d'industrie locale.
Avant la guerre existait une fabrique de pâte à papier (pâte de bois)
Quelques ouvriers, une douzaine travaillaient à l'usine, le reste de la population aux travaux des champs.

L'école de garçons a reçu un don de 198 francs de l'école de Châteaugiron en Ile-et-Vilaine, qui a été affecté à l'achat des livres les plus urgents.
L'école de filles a reçu du matériel par l'école du terrage à Paris.
Le mobilier est un mobilier de fortune fait par des prisonniers de guerre etc.

La mairie est détruite.
L'église est bien endommagée. Voûtes, piliers, toiture etc. ont reçu des obus.
Le presbytère est au 3/4 détruit.
Le cimetière n'a rien.
L'école des garçons est détruite et celle des filles endommagée.

Il y avait une canalisation d'eau. Une éolienne actionnait des pompes refoulant l'eau dans un réservoir.
Les bornes fontaines sont détruites.
Le lavoir n'est pas détruit, mais le système d'amenée d'eau, oui. Seuls les murs subsistent ainsi que le gros œuvre de la toiture.

Il n'y avait pas d'éclairage électrique ni au gaz, mais au pétrole. Les lampes sont détruites.
Il y avait un matériel incendie.

De tout ce qui précède, le réservoir à eau subsiste, les conduites également mais elles demandent à être vérifiées.
Les bornes fontaines (3) subsistent mais sont hors d'usage.
Le matériel d'incendie n'est pas complet. La commune a pu le rendre susceptible de parer aux dangers les plus pressants. Elle a pour cela reçu 4500 francs à valoir sur les dommages de guerre.

Les archives sont détruites. (Elles étaient dans la mairie)
L'état civil est détruit.
Le bureau de bienfaisance a repris normalement.
La police est exercée par un garde champêtre.
Les épiciers ont repris.
Les tueries particulières (2) privées de leurs abattoirs ont disparues.
La renaissance du petit commerce fait face aux besoins locaux "... jusque dans une certaine mesure. Le complément provenant de l'extérieur.
Il n'y a ni foire ni marché.

La situation financière de la commune est précaire pour cette année en raison d'une dette d'avant guerre relative aux travaux d'adduction d'eau. Cette dette de 25000 francs doit être portée au budget mais nous ne pourrons le faire.
Le budget ordinaire est pour les  recettes de 15000 francs et autant pour les dépenses.

Les chemins vicinaux et ruraux ont été l'objet de réparations urgentes. Dans la suite leur réfection totale s'impose.

La commune est desservie  par un bureau de poste et par un facteur receveur.
La gare est sur la ligne Sedan-Lerouville.

Ce qui intéresse la commune actuellement est son adduction d'eau. Le système adopté avant guerre (éolienne) ne donnant pas satisfaction et l'éolienne étant jusque là hors d'usage, la commune essaie d'obtenir l'eau d'une source.
Elle compte qu'elle sera secourue dans cette œuvre indispensable et de premier ordre.
Les puits étant mauvais et les puits particuliers en partie contaminés ayant été transformés en fosse d'aisance par l'ennemi.

La commune serait heureuse si elle pouvait obtenir les fonds nécessaires à la création d'une cour de recréation et d'un préau. Les enfants, petits et grands devant jouer dans la rue assez fréquentée par voitures, camions, autos etc.

Toutes ces réponses sont certifiées exactes par le maire Édouard Gobert, le 15/06/1921.


Pour faire face à tous ces besoins, de nombreuses communes de la Meuse furent adoptées par des organisations de bienfaisance. Pouilly le fut par la croix rouge américaine. ("Reconstitution du département de la Meuse" 1928 page 24)



La servitude sous le joug allemand

Si beaucoup de nos aïeux ont pris le chemin de l'exode, d'autres sont restés à Pouilly.
De 1914 à 1918, ils furent obligés de travailler pour l'occupant, et le 15/03/1921 un état des jours travaillés fut demandé à la mairie.
Il est intéressant car on y apprend le nom de ceux et celles qui restèrent au village.
Ce furent 40 hommes et 14 femmes qui durent travailler pour les "Boches" comme inscrit sur le document émanant de la mairie.
Quant aux enfants, ils devaient être considérés comme aidant des parents et n'apparaissent pas dans les états.
On remarque aussi que le taux journalier était diffèrent entre les hommes payés 2 francs la journée et les femmes 1,50.
Ceux qui travaillaient toute l'année durent le faire à raison de 280 jours. On peut donc supposer que le dimanche et certaines fêtes (?) étaient "chômées".
Quoiqu'il en soit ce travail forcé représente pour les hommes 35688 journées et pour les femmes 8316 soit un total de 44004 jours consacrés à l'occupant.


travaux forcés pour l'ennemi en 1914-1918


A ce travail forcé, il faut ajouter la confiscation des terres, emblavées par les Allemands.
A Pouilly, ce sont 28 propriétaires qui réclament des indemnités et le maire rappelle au préfet le 29/12/1921 qu'ils n'ont toujours rien reçu.
Parmi les demandeurs, on peut citer Louis Adolphe Gobert pour une superficie de 20 Ha 51 a 99 ca, Camille Vivier, Irénée Georges, Vital Garin, Édouard Gobert etc.

reclamation pour terrain cultivé par l'occupant.

On remarquera le "cultivés par les boches"
(Boche, vert de gris, doryphore, schleuh, Fritz autant de noms délicats pour stigmatiser l'ennemi.)

La commune dut aussi payer des contributions de guerre et faute de moyens emprunter à des particuliers.
Ainsi un certain M. Tinot de Pouilly prête 2000 francs le 18/06/1915 au taux de 6%. Il est remboursé du capital le 30/09/1919, mais il devra attendre une résolution du conseil du 28/01/1925 pour toucher les 514 francs d'intérêts.
Le 16/07/1919 La commune certifie que Joseph Ravenel a prêté 300 francs les 22/06/1915 et 24/07/1916 et se dit débitrice des intérêts au taux de 5%
Le 22/02/1925 le conseil reconnait que le sieur Demissy de Mouzon a prêté le 17/06/1915 500 francs et 1200 francs le 17/06/1916. On lui doit des intérêts à 6 %

Auguste Stevenot est dans le même cas, mais pour 100 francs. Le conseil approuve le paiement de ses intérêts, 21,25 francs le 19/03/1925. (Il s'agit sans doute de François Augustin Stevenot 1840-1921)




Les secours temporaires

Parmi ceux restés ou revenus à Pouilly, certains n'avaient plus de ressources. Des secours temporaires, en exécution des instructions ministérielles du 09/07/1917, furent accordées ou refusées.
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Parmi les refus on peut citer ceux d' Appoline Lemoine, 27 ans,  "pour cause d'immoralité."
Ou celui d' Augustine Marie Zietzling , 51 ans, "Rejet (car) doit se suffire par le travail. Inconduite notoire au cours des hostilités par relation avec les soldats allemands".
Mais en général c'est la situation financière des demandeurs qui justifie l'acceptation ou le rejet.

En juin 1919 on compte 22 personnes secourues, dont le curé Adolphe Bontemps.



La récupération des corps et des armes.

Concernant les corps des tués à la bataille de Cesse-Luzy, dans la forêt de Jaulnay, on sait peu de choses.
Les Allemands ont exploité le bois et on peut supposer qu'ils ont récupéré et enterré les corps.

Pour les soldats tués sur d'autres fronts, la récupération des corps n'a pas été facile. En effet trois mois après le début des hostilités, Joffre interdit dans les zones des armées, l'exhumation et le transport des soldats tués. En plus des difficultés inhérentes aux combats, il arguait du fait que ces cérémonies risquaient de nuire au moral des troupes. Il souhaitait également une égalité de traitement entre familles aisées et plus modestes, car ces opérations étaient à la charge des familles.
Par contre les Etats-Unis obtinrent l'autorisation de rapatrier les corps de leurs soldats. Le gouvernement français dut en faire autant devant le mécontentement des familles et de nombreux parlementaires.
Mais beaucoup de parents durent attendre jusque 1920 pour récupérer la dépouille de leurs proches.
Cette attente sans pouvoir faire le "travail de deuil" a souvent été mal ressentie par les familles. De plus des tombes parfaitement identifiées ont pu disparaître au cours des évènements qui ont suivis sur les champs de bataille. Ces soldats sont devenus des  disparus.

Concernant le matériel de guerre dans le bois de Jaulnay, les Allemands l'ont sans doute en grande partie nettoyé avant de l'exploiter.

Cependant le chef artificier de Stenay, par courrier du 10/11/1920, demande aux habitants de ne pas circuler le 16 du même mois en raison de la destruction de différents engins signalés sur le territoire de Pouilly.
Une note du 14/04/1921 fait état d'armes récupérées. A savoir 8 fusils et carabines, 1 sabre, 1 revolver et 2000 cartouches étrangères.
Des engins dangereux sont ensuite consignés mais dans un état non daté. Un obus aux Côtes (vignes de Pouilly) signalé par M. Crepin d'Inor, 6 grenades à cuiller, dans la coupe no 12 de la forêt communale, signalement de M. Hamlin garde forestier à Laneuville.
Une note du 01/04/1923 informe le maire qu'il existe chez M. Collard des obus et cartouches chargées.
Une autre de M. E. Ouvrard (?) du 31/05/1925, fait état "d'un certain nombre de fusils de guerre déposés chez lui faute de place à la mairie et prie M. le maire de vouloir lui les faire enlever aussitôt...".



Une agriculture modifiée ?

L'armée allemande, on l'a vu, a vécu sur le terrain. Mais on ne sait pas à Pouilly quelles furent les conséquences de leur "séjour".
La proximité de l'Alsace-Lorraine, de l'Allemagne elle-même, n'était pas source de nouveautés.
Les chevaux principaux vecteurs de ces nouvelles implantations, étaient nourris en Allemagne comme en France. L'outillage d'alors était à peine plus évolué outre-Rhin.
Le passage des Américains en novembre 1918 a été rapide mais a peut être laissé quelques souvenirs botaniques : ces fameuses plantes obsidionales. Ils avaient pris en effet la précaution de transporter leur fourrage en 1917.

Il existe des études sur ces plantes d'importation. François Vernier est l'auteur de "Plantes obsidionales. L'étonnante histoire des espèces propagées par les armées". Editions "Vent d'est" à Strasbourg. Je n'ai pas cet ouvrage et n'en dirai donc pas plus.

Si l'armée d'occupation avait par mesure d'hygiène, interdit les tas de fumier sur les usoirs, cette interdiction fut vite oubliée et ils réapparurent aussitôt ne disparaissant en fait que dans le dernier quart du XX ème.