Les dégâts et les bouleversements.
Je ne sais si un siècle après ce cataclysme, on est en mesure de juger
des bouleversements qui en sont issus.
Au niveau mondial, ce sont 73 millions de mobilisés, 9,5 millions de
morts, et 21 millions de blessés.
L'histoire jusque là n'avait pas connu pareil conflit.
S'y sont mêlés, dans l'ordre des pertes humaines :
Russes, Français, Anglais, Italiens, Serbes, Roumains, Américains des
USA, Belges, Grecs, Portugais, Monténégrains, Japonais. Et pour les
puissances centrales, les Allemands, les soldats de l'Autriche-Hongrie,
les Turcs, les Bulgares. Sans oublier les pauvres bougres de nos
diverses colonies.
Ce conflit vit disparaître 4 empires et se créer 10 nouveaux pays. Ce
remaniement fut porteur des conflits qui suivront.
("Le suicide des empires" Alan Clark "Dossiers du XXe siècle"
1971)
En France
Il faut se représenter la France au début du XX ème siècle comme
essentiellement rurale.
En fait cette France a peu bougé depuis l'ancien régime, voire même
depuis le moyen âge.
On laboure encore avec les chevaux, les bœufs, on fait son vin, on
consomme les produits locaux.
On ne vit pas vraiment en autarcie, mais pour l'essentiel, sur les
ressources de la surface du canton.
Le plus grand déplacement de la plupart de nos ancêtres, c'est
Stenay, Sedan ou Verdun et voilà tout.
D'ailleurs pour aller où ? Paris, Sedan, Reims ? Certains y ont songé
et y sont même allés... Mais c'est loin.
On se marie encore souvent au plus proche; si pas dans sa rue, dans son
village et sinon dans le village d'à coté.
Ce 02/08/1914 à 16:00, le tocsin sonne dans toutes les communes. C'est
la mobilisation générale !
Beaucoup s'en doutaient et nos hussards noirs préparaient activement
les
enfants à la revanche.
L'Alsace et la Lorraine devaient rentrer au
bercail !
Alsace-Lorraine ? Française ou Allemande ?
L'histoire ne permet pas de trancher et remonte... au partage de
l'empire de Charlemagne. L'idée de nation n'existait pas alors.
Il suffit de lire ce monument de bêtise : "Poésies militaires" de Paul
Deroulède parue en 1896 pour se convaincre que l'envie d'en découdre
avec le Boche était dans la tête de nos ganaches, mais pas forcément
dans celle du paysan de Pouilly.
Et
puis on ne lisait pas Jaurès, assassiné le 31/07/1914. D'ailleurs
n'était il pas contre la guerre ? Quelqu'un donc de louche et fondateur
du journal "L'humanité" !
Alors nos soldats sont donc partis, le 02 août, à pied, en charrette ou
par
train rejoindre ce que le livret militaire leur imposait comme
destination.
Dire qu'ils sont partis "Nach Berlin" la fleur au fusil tient plus de
la propagande militaire que de la réalité.
Nombre de photos sur les quais de départ, ne montrent pas une joie
débordante et si il y en eut, ce fut sans doute pour se donner du
courage, par bravade ou pour la photo de "L'illustration". La presse a
savamment caché les mères, femmes, enfants en pleurs.
"Les notes prises par les instituteurs à la demande du ministre
de l'instruction publique sur les journées de mobilisation permettent
d'analyser l'attitude des populations rurales. La nouvelle de la guerre
n'a pas suscité l'enthousiasme souvent décrit. La tristesse, voire la
consternation et l'abattement l'emportent dans un premier temps.
Quelques jours plus tard, après le regroupement des mobilisés dans les
centres urbains, les premiers convois de troupes suscite un grand élan
patriotique et des manifestations bruyantes qui sont plus le fait des
citadins. Les allusions à la revanche et à l'Alsace-Lorraine sont
rares. L'opinion se rallie à l'idée que puisque la France est attaquée
il faut répondre à l'agression avec fermeté. Cette résolution est
renforcée par la conviction que la guerre sera courte, six mois tout au
plus". "Les paysans dans la société française" page 170 par Annie
Moulin Point Histoire Isbn 2-02-010260-9
Chacun avait à faire ce 02 août. Les travaux des champs par exemple, la
moisson, les vendanges un peu après.
Et le lendemain... Qui allait assurer le travail dans la ferme ? Dans
la boutique ?
On espérait une guerre rapide et revenir vite fait. Cruelle déception !
Le travail de la terre, il y en eut ! Mais à construire des
casemates, des tranchées et autres abris précaires pendant quatre ans,
pour les plus chanceux et des tombes de fortune pour les malchanceux.
Mais qui avait bien compris ce jour là, pour qui et par quel
engrenage d'alliances entre nations, il allait falloir se battre ?
Et surtout se battre avec les moyens que l'intelligence humaine avait
développés pour mieux pourrir la vie de ses ennemis !
Les gaz, l'aviation, le lance-flamme et autres joyeusetés.
Les crimes de guerre, si ils ont toujours existés, ont pris cette fois
une ampleur insoupçonnée. Les civils, comme les militaires, en ont fait
les
frais. Par exemple, Magny dans les Ardennes sera le théâtre de 42
exécutions de civils. Les hordes allemandes s'étaient déjà fait la main
en Belgique.
On est maintenant entre gens modernes et on se fait une guerre moderne,
industrielle. Il faut bien enrichir les Krupp, Schneider, Renault et
cie. "On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels"
écrit Anatole France.
Charles Bruneau, cite cette inscription relevée dans un abri allemand
:"Wir
kämpfen nicht fur Vaterland, wir kämpfen nicht fur gott, wir kämpfen
nur fur Kapital, uns Armen schiesst man Tott" Ce qui veut dire : "
Nous ne nous battons pas pour la patrie. Nous ne nous battons pas pour
Dieu. Nous ne nous battons que pour le capital. On fusille nos
pauvres". (Ch. Bruneau, "Ma guerre 1914-1918" page 207. Edité par
Terres Ardennaise 2021.
Les changements dans notre société.
Le brassage de population, dans les tranchées, les évacuations, la
captivité pour certains,
la cohabitation avec l'ennemi, a mis à mal un certain nombre de
certitudes.
Tout d'abord, les femmes durent remplacer les hommes partis au front,
tant dans les travaux agricoles ou industriels que dans la
responsabilité du foyer.
Quand les soldats rentrèrent, ils découvrirent que leurs compagnes
avaient
assumé ces travaux et certains virent leur rôle de pater-familas
fortement remis en cause.
Les femmes ayant mené la barque pendant ces longues années, se
revendiquaient à juste titre égales aux hommes, d'où une demande
légitime
d'émancipation. N'oublions pas qu'à cette époque, elles dépendaient du
mari, ne votaient pas et devaient avoir son autorisation pour
travailler et gérer ses propres affaires.
Les gens se sont par la force des choses côtoyés et ont découvert que
notre univers était plus large que le canton ou le département.
Une forte incompréhension s'est aussi installée entre ceux du front et
ceux de l'arrière.
A part quelques épisodes de la grosse Bertha, Paris continuait à vivre
à moins de 100 kilomètres de l'enfer.
Une grande partie de la France n'a pas vu un "boche" car le front
s'est cantonné au nord et à l'est. On pouvait pontifier dans les cafés
et journaux, mais personne n'imaginait l'horreur des tranchées. Les
soldats au cours de leurs rares permissions n'en parlaient guère,
craignant de n'être pas crus.
Ce fossé entre civils et militaires, fut mal ressenti par ceux qui
étaient au front. Charles Bruneau en parle : "Le poilu en a assez de se
faire casser la figure pour des ouvriers qui gagnent 20 fr.par jour et
qui se fichent de lui quand il va en perm. Chose curieuse le poilu n'en
veut pas aux bourgeois. Ça semble lui être un peu égal que le bourgeois
jouisse à l'arrière. Mais ce qui le dégoûte, c'est de revoir son ancien
égal, l'ouvrier, qui non seulement ne se fait pas casser la figure,
mais gagne quatre fois plus qu'avant. Et puis ça dégoûte le poilu de se
battre pour sa femme qui le trompe, pour ses enfants qui l'oublient et
ne rêvent qu'au cinéma, pour les journalistes qui lui bourrent le crâne
etc." Suit toute une diatribe de la même veine et il conclue par : Si
il y des civils qui ne sont pas contents, qu'ils viennent prendre leur
place."
Seules
les familles dont un ou plusieurs fils étaient au "casse-pipe",
appréhendaient l'arrivée du maire ou des gendarmes leur annonçant le
décès d'un être cher. Et ils eurent fort à faire puisque le nombre des
tués pour la France est estimé à 1,4 millions pour 7,9 millions
de mobilisés.
Certains ne sont pas décédés au combat, mais en sont revenus
physiquement diminués.
Eugène Berthelemy, marié à Pouilly, en est un
exemple, parmi d'autres, puisqu'il fut gazé et décéda en 1921 des
suites de guerre.
Le nombre de blessés coté français est estimé à 4,3 millions.
La grippe espagnole (de type H1N1) fit aussi des ravages épouvantables
parmi une population déjà éprouvée par la guerre. On estime qu'en
France ce sont 240 000 décès qui lui sont imputables mais dans le monde
on compta 50 millions de victimes. Elle commença en mars 1918 et finit
en avril 1919. A Pouilly,
Irénée Elysée Guichard en fut victime.
Il y eut sans doute des victimes civiles. Je n'en ai pas trouvé
décédées à Pouilly.
Uranie Eugénie Graff.est née à
Pouilly le 03/05/1865 de Georges Graff (1836-1882) et d'Anne-Marie
Scholtaisse (1834-1886). Elle se marie à Glageon (56) le 29/02/1888 à
Joseph Louis Lagacy. Elle décède le 31/08/1917 à Novion-Porcien, où son
nom est inscrit au monument aux morts. Je n'ai pas encore trouvé la
raison de son décès.
Si certaines régions ne furent pas directement touchées par cette
guerre, tout le nord de la Meuse le fut de 1914 à 1918.
Les
destructions matérielles ont empêché certaines familles de revenir au
village. Ceux qui travaillaient à l'usine ont dû chercher ailleurs. La
reconstruction a favorisé un mouvement migratoire qu'on peut
constater sur la page
immigration
La natalité chuta et Pouilly ne retrouvera jamais sa population
d'avant-guerre.
Son déclin lié à l'arrêt de son activité industrielle, vient de cette
période et on le constate par les
recensements.
Parmi les victimes de ce drame,les enfants ne furent pas épargnés,
comme l'écrit le maire le 23/04/1920, à propos de la transformation en
école mixte des écoles de garçons et filles.
"Du fait de la guerre les enfants ont besoin de soins particuliers.
Quelques uns même, restés en pays occupés savent à peine lire et
écrire" .
Leur situation sanitaire ne devait pas être meilleure. La malnutrition,
le travail forcé, le manque de soin n'avait pas dû favoriser leur
développement.
L'évacuation des civils, la mobilisation des soldats a posé un gros
problème en 1919 pour rétablir des listes électorales. Les AD55
conservent de nombreuses fiches de demande de renseignement à ce sujet.
Elles nous éclairent sur les destinations et les destinées des
habitants.
Après la guerre les anciens combattants s'organisèrent en associations
pour perpétuer le souvenir de ceux tombés au combat.
Si l'aide aux familles, aux victimes et le souci de maintenir une
cohésion née des tranchées, faisaient partie des premières motivations,
certaines associations entre les deux guerres, basculèrent dans la
politique et furent à l'origine d'une extrême-droite dure,
ultra-catholique et nationaliste. La cagoule, les "Croix de feu" etc.
en
sont des illustrations. Ce sont souvent les mêmes qu'on retrouvera pour
soutenir Pétain et parfois collaborer avec les Allemands, ou à
l'inverse entrer dans la résistance.
Philippe Bourdrel dans son livre "La cagoule" p 27, résume bien
l'ambiance de l'entre-deux guerre :
"Pendant des années pour des centaines de milliers de Français (anciens
combattants, braves gens au sens vrai, petits bourgeois nationalistes,
cocardiers épris de propreté politique dans les scandales, avides
d'autorité dans le théâtre d'ombres parlementaires)... Le Français
d'avant-guerre aime volontiers se retrouver à travers un guide
politique, il se livre avec délices au culte de la personnalité.
Mystique du chef. Bras tendus et poings serrés. Rassemblements.
Meetings. Jeunesses de-ci et jeunesses de-là. Chemises d'une couleur et
chemises d'une autre. Insignes. Hymnes. Slogans."
La cagoule a pour véritable nom le CSAR (Comité secret d'action
révolutionnaire)
On retrouve donc là tous les ingrédients d'un fascisme latent, car à
part la cagoule, et ses attentats, aucun mouvement n'osera franchir le
Rubicon et se lancer dans un coup d'état.
Quand
je parle de fascisme latent c'est en le comparant à celui de l'Italie
et surtout celui de l'Allemagne. Deloncle se rapprochera d'ailleurs de
Mussolini et de Franco.
Le nationalisme, le retour à la royauté, l'antisémitisme,
l'anticommunisme... Autant d'idées qui ont malmené la politique de la
IIIe république. L'action française, la cagoule, les croix de feu, les
camelots du roi. Maurras, Deloncle, Daudet et j'en passe, autant de
noms
qui ont flétri la démocratie entre les deux guerres !
Et à lire les journaux de l'époque, on peut se réjouir de ceux
publiés actuellement ! L'injure, la médisance, les accusations
mensongères étaient à la une. Les interventions à la chambre des
députés frisaient le pugilat.
Certes les mouvements ouvriers ont enrayé cette montée d'extrême
droite. Le gouvernement de Léon Blum, les grèves de 36 ont peu à peu
amené un minimum de bien-être aux ouvriers.
Le parti communiste, honni depuis sa création et la révolution
"bolchévique" s'aligna sur la politique de Staline, oscillant entre
être et pour la guerre et finalement se lancer dans la résistance
qui les honorera.
Ce grand écart hélas continuera jusqu'à la fin du XXe avec le
"globalement positif" de Marchais !
Dans cette tourmente politique, Pouilly ne fut pas à l'abri de dérives,
mais ces faits sont trop proches pour être évoqués librement. Les
conversations de café et l'appel à ne pas se battre contre l'Allemagne
étaient encore dans le souvenir des gens de Pouilly...
État des dégâts physiques à Pouilly.
Dés mai 1919 le maire
Édouard Gobert
expose au conseil que la situation
financière de la commune par suite de l'occupation allemande et des
contributions de guerre qu'elle a entrainées est désastreuse, que des
travaux très urgents de réparation aux bâtiments communaux restés
debout et dégradés par le bombardement des derniers jours de guerre,
entraineront des dépenses assez élevées : Réparation aux écoles,
installation d'une mairie, achat ou fabrication de mobilier scolaire,
réparations aux fontaines etc. et que pour faire face à ces dépenses,
un
seul moyen se présente, c'est de demander une avance à l'état à valoir
sur les dommages de guerre auxquels peut prétendre la commune.
Le
conseil demande donc au préfet une avance de 10000 francs imputables
sur ses dommages de guerre.
Le 06/07/1919 en séance extraordinaire, le conseil désigne messieurs
Thintoin, Brumant et Braun, architectes à La Neuville, pour établir les
devis et projets de reconstruction ou réparation des bâtiments
communaux.
Le 13/07/1919, le conseil autorise l'état à procéder aux déblaiements
des immeubles détruits par faits de guerre dans la commune de Pouilly.
Le 01/10/1920 en session extraordinaire, le maire expose au conseil
l'état dans lequel se trouvent par faits de guerre, les bâtiments
communaux suivants :
1 - La mairie, bâtiment comprenant, la mairie, l'école, le logement de
l'instituteur, la remise à pompes, le corps de garde
2 - L'école des filles, y compris le logement de l'institutrice.
3 - Le presbytère
4 - L'église
5 - Le lavoir public.
Tous ces bâtiments doivent être réparés sauf la mairie à reconstruire
entièrement. (Elle a brûlé en 1917). Le conseil demande une avance de
500 000 francs. Il
désigne M. Mazery, architecte à Stenay, pour s'occuper des choix
d'entreprises et surveillance des travaux.
Le 18/01/1921 le conseil demande l'autorisation pour la commune,
d'entrer dans la coopérative de reconstruction, de confier les travaux
de tous les bâtiments communaux à l'entrepreneur de la dite coopérative.
Pour compenser les destructions, il fut construit des baraquements en
bois et toit de tôle.
Le 10/03/1917, il est question d'un lieu dit
"Les baraquements",
lors du décès d'un prisonnier civil Belge, Charles Depuydt. Il s'agit
sans doute des baraquements où les prisonniers ou réfugiés étaient
logés.
Au décès de Gustave Demartelare, le 18/03/1917 il est précisé "Les
Baraquements, route d'Inor"
.
L'enquête de 1921
Devant l'ampleur des dégâts une socièté coopérative de reconstruction
est constituée à Pouilly le 15/03/1921.
Ci-dessous, l'article de La Croix Meusienne du 16/04/1921.
Une
enquête de 1921 sous forme d'un questionnaire, fait l'état des
lieux. C'est le maire Édouard Gobert qui y répond.
Nombre de propriétés bâties 149
Immeubles entièrement détruits 12
Immeubles réparables 125
Immeubles intacts 12
Nombre d'habitants en 1914, 316 et en novembre 1918, 110
Nombre d'habitants rentrés 295
Sage femme oui
Ecoles publiques 2
17 garçons en 1914 20 en 1921
20 filles en 1914 21 en
1921
La commune est adoptée par le département de la Seine mais n'a
bénéficié d'aucun don.
La commune souhaite "... amélioration aux conditions de vie locale, de
manière à se rapprocher de la vie normale. eaux éclairage. Travaux
d'adduction d'eau, éclairage des rues et des bâtiments communaux.
Création d'une cour de récréation avec préau, water closets, le tout
fermé..."
La commune est rurale et exploitait avant guerre 500 hectares
La presque totalité, 480 ha, est remise en culture "... les
cultivateurs se sont acharnés au travail..."
Il n'existe pas de coopérative agricole.
Il y avait 3 fermes avant la guerre et les 3 sont remises en
exploitation. (Ce chiffre de 3 me semble bien fantaisiste...)
Il n'y a plus d'industrie locale.
Avant la guerre existait une fabrique de pâte à papier (pâte de bois)
Quelques ouvriers, une douzaine travaillaient à l'usine, le reste de la
population aux travaux des champs.
L'école de garçons a reçu un don de 198 francs de l'école de
Châteaugiron en Ile-et-Vilaine, qui a été affecté à l'achat des livres
les plus urgents.
L'école de filles a reçu du matériel par l'école du terrage à Paris.
Le mobilier est un mobilier de fortune fait par des prisonniers de
guerre etc.
La mairie est détruite.
L'église est bien endommagée. Voûtes, piliers, toiture etc. ont reçu
des obus.
Le presbytère est au 3/4 détruit.
Le cimetière n'a rien.
L'école des garçons est détruite et celle des filles endommagée.
Il y avait une canalisation d'eau. Une éolienne actionnait des pompes
refoulant l'eau dans un réservoir.
Les bornes fontaines sont détruites.
Le lavoir n'est pas détruit, mais le système d'amenée d'eau, oui. Seuls
les murs subsistent ainsi que le gros œuvre de la toiture.
Il n'y avait pas d'éclairage électrique ni au gaz, mais au pétrole. Les
lampes sont détruites.
Il y avait un matériel incendie.
De tout ce qui précède, le réservoir à eau subsiste, les conduites
également mais elles demandent à être vérifiées.
Les bornes fontaines (3) subsistent mais sont hors d'usage.
Le matériel d'incendie n'est pas complet. La commune a pu le rendre
susceptible de parer aux dangers les plus pressants. Elle a pour cela
reçu 4500 francs à valoir sur les dommages de guerre.
Les archives sont détruites. (Elles étaient dans la mairie)
L'état civil est détruit.
Le bureau de bienfaisance a repris normalement.
La police est exercée par un garde champêtre.
Les épiciers ont repris.
Les tueries particulières (2) privées de leurs abattoirs ont disparues.
La renaissance du petit commerce fait face aux besoins locaux "...
jusque dans une certaine mesure. Le complément provenant de l'extérieur.
Il n'y a ni foire ni marché.
La situation financière de la commune est précaire pour cette année en
raison d'une dette d'avant guerre relative aux travaux d'adduction
d'eau. Cette dette de 25000 francs doit être portée au budget mais nous
ne pourrons le faire.
Le budget ordinaire est pour les recettes de 15000 francs et
autant pour les dépenses.
Les chemins vicinaux et ruraux ont été l'objet de réparations urgentes.
Dans la suite leur réfection totale s'impose.
La commune est desservie par un bureau de poste et par un facteur
receveur.
La gare est sur la ligne Sedan-Lerouville.
Ce qui intéresse la commune actuellement est son adduction d'eau. Le
système adopté avant guerre (éolienne) ne donnant pas satisfaction et
l'éolienne étant jusque là hors d'usage, la commune essaie d'obtenir
l'eau d'une source.
Elle compte qu'elle sera secourue dans cette œuvre indispensable et de
premier ordre.
Les puits étant mauvais et les puits particuliers en partie contaminés
ayant été transformés en fosse d'aisance par l'ennemi.
La commune serait heureuse si elle pouvait obtenir les fonds
nécessaires à la création d'une cour de recréation et d'un préau. Les
enfants, petits et grands devant jouer dans la rue assez fréquentée par
voitures, camions, autos etc.
Toutes ces réponses sont certifiées exactes par le maire
Édouard Gobert, le 15/06/1921.
Pour faire face à tous ces besoins, de nombreuses communes de la Meuse
furent adoptées par des organisations de bienfaisance. Pouilly le fut
par la croix rouge américaine. ("Reconstitution du département de la
Meuse" 1928 page 24)
La servitude sous le joug allemand
Si beaucoup de nos aïeux ont pris le chemin de l'exode, d'autres sont
restés à Pouilly.
De 1914 à 1918, ils furent obligés de travailler pour l'occupant, et le
15/03/1921 un état des jours travaillés fut demandé à la mairie.
Il est intéressant car on y apprend le nom de ceux et celles qui
restèrent au village.
Ce furent 40 hommes et 14 femmes qui durent travailler pour les
"Boches" comme inscrit sur le
document émanant de la mairie.
Quant aux enfants, ils devaient être considérés comme aidant des
parents et n'apparaissent pas dans les états.
On remarque aussi que le taux journalier était diffèrent entre les
hommes payés 2 francs la journée et les femmes 1,50.
Ceux qui travaillaient toute l'année durent le faire à raison de 280
jours. On peut donc supposer que le dimanche et certaines fêtes (?)
étaient "chômées".
Quoiqu'il en soit ce travail forcé représente pour les hommes 35688
journées et pour les femmes 8316 soit un total de 44004 jours consacrés
à l'occupant.
A ce travail forcé, il faut ajouter la confiscation des terres,
emblavées par les Allemands.
A Pouilly, ce sont 28 propriétaires qui réclament des indemnités et le
maire rappelle au préfet le 29/12/1921 qu'ils n'ont toujours rien reçu.
Parmi les demandeurs, on peut citer Louis Adolphe Gobert pour une
superficie de 20 Ha 51 a 99 ca, Camille Vivier, Irénée Georges, Vital
Garin, Édouard Gobert etc.
On remarquera le "cultivés par les boches"
(Boche, vert de gris, doryphore, schleuh, Fritz autant
de noms délicats pour stigmatiser l'ennemi.)
La commune dut aussi payer des contributions de guerre et faute de
moyens emprunter à des particuliers.
Ainsi un certain M. Tinot de Pouilly prête 2000 francs le
18/06/1915 au taux de 6%. Il est remboursé du capital le 30/09/1919,
mais il devra attendre une résolution du conseil du 28/01/1925 pour
toucher les 514 francs d'intérêts.
Le 16/07/1919 La commune certifie que Joseph Ravenel a prêté 300 francs
les 22/06/1915 et 24/07/1916 et se dit débitrice des intérêts au taux
de 5%
Le 22/02/1925 le conseil reconnait que le sieur Demissy de Mouzon a
prêté le 17/06/1915 500 francs et 1200 francs le 17/06/1916. On lui
doit des intérêts à 6 %
Auguste Stevenot est dans le même cas, mais pour 100 francs. Le conseil
approuve le paiement de ses intérêts, 21,25 francs le 19/03/1925. (Il
s'agit sans doute de François Augustin Stevenot 1840-1921)
Les secours temporaires
Parmi ceux restés ou revenus à Pouilly, certains n'avaient plus de
ressources. Des secours temporaires, en exécution des instructions
ministérielles du 09/07/1917, furent accordées ou refusées.
.
Parmi les refus on peut citer ceux d' Appoline Lemoine, 27 ans,
"pour cause d'immoralité."
Ou celui d' Augustine Marie Zietzling , 51 ans, "Rejet (car) doit se
suffire
par le travail. Inconduite notoire au cours des hostilités par relation
avec les
soldats allemands".
Mais en général c'est la situation financière des demandeurs qui
justifie l'acceptation ou le rejet.
En juin 1919 on compte 22 personnes secourues, dont le curé Adolphe
Bontemps.
La récupération des corps et des armes.
Concernant les corps des tués à la bataille de Cesse-Luzy, dans la
forêt de Jaulnay, on sait peu de choses.
Les Allemands ont exploité le bois et on peut supposer qu'ils ont
récupéré et enterré les corps.
Pour les soldats tués sur d'autres fronts, la récupération des corps
n'a pas été facile. En effet trois mois après le début des
hostilités, Joffre interdit dans les zones des armées, l'exhumation et
le
transport des soldats tués. En plus des difficultés inhérentes aux
combats, il arguait du fait que ces cérémonies risquaient de nuire au
moral
des troupes. Il souhaitait également une égalité de traitement entre
familles aisées et plus modestes, car ces opérations étaient à la
charge des familles.
Par contre les Etats-Unis obtinrent l'autorisation de rapatrier les
corps de leurs soldats. Le gouvernement français dut en faire autant
devant le mécontentement des familles et de nombreux parlementaires.
Mais beaucoup de parents durent attendre jusque 1920 pour récupérer la
dépouille de leurs proches.
Cette attente sans pouvoir faire le "travail de deuil" a souvent été
mal ressentie par les familles. De plus des tombes parfaitement
identifiées ont pu disparaître au cours des évènements qui ont suivis
sur les champs de bataille. Ces soldats sont devenus
des disparus.
Concernant le matériel de guerre dans le bois de Jaulnay, les Allemands
l'ont sans doute en grande partie nettoyé avant de l'exploiter.
Cependant le chef artificier de Stenay, par courrier du 10/11/1920,
demande aux
habitants de ne pas circuler le 16 du même mois en raison de la
destruction de différents engins signalés sur le territoire de Pouilly.
Une note du 14/04/1921 fait état d'armes récupérées. A savoir 8 fusils
et carabines, 1 sabre, 1 revolver et 2000 cartouches étrangères.
Des engins dangereux sont ensuite consignés mais dans un état non daté.
Un
obus aux Côtes (vignes de Pouilly) signalé par M. Crepin d'Inor, 6
grenades à cuiller, dans la coupe no 12 de la forêt communale,
signalement de M. Hamlin garde forestier à Laneuville.
Une note du 01/04/1923 informe le maire qu'il existe chez M. Collard
des obus et cartouches chargées.
Une autre de M. E. Ouvrard (?) du 31/05/1925, fait état "d'un certain
nombre de fusils de guerre déposés chez lui faute de place à la mairie
et prie M. le maire de vouloir lui les faire enlever aussitôt...".
Une agriculture modifiée ?
L'armée allemande, on l'a vu, a vécu sur le terrain. Mais on ne sait
pas à Pouilly quelles furent les conséquences de leur "séjour".
La proximité de l'Alsace-Lorraine, de l'Allemagne elle-même, n'était
pas source de nouveautés.
Les
chevaux principaux vecteurs de ces nouvelles implantations, étaient
nourris en Allemagne comme en France. L'outillage d'alors était à peine
plus évolué outre-Rhin.
Le passage des Américains en novembre 1918 a été rapide mais a peut
être laissé quelques souvenirs botaniques : ces fameuses plantes
obsidionales. Ils avaient pris en effet la
précaution de transporter leur fourrage en 1917.
Il existe des études sur ces plantes d'importation. François
Vernier est l'auteur de "Plantes obsidionales. L'étonnante histoire des
espèces propagées par les armées". Editions "Vent d'est" à Strasbourg.
Je n'ai pas cet ouvrage et n'en dirai donc pas plus.
Si l'armée d'occupation avait par mesure d'hygiène, interdit les tas de
fumier sur les usoirs, cette interdiction fut vite oubliée et ils
réapparurent aussitôt ne disparaissant en fait que dans le dernier
quart du XX ème.