Les lavoirs.
Avant l'existence des lavoirs, les femmes lavaient
au bord de la Meuse, sur une pierre ou une simple planche et
bien sûr aux intempéries.
La prise de conscience des problèmes de salubrité publique ont poussé
le législateur à une loi le 03/02/1851 prévoyant des subventions pour
la construction des lavoirs.
Le lavoir était appelé le "tribunal des femmes" mais aussi "hôtel des
bavardes", "moulin à paroles", "chambre des députés", "académie de
médisance" etc. et c'est là que s'échangeaient les derniers potins du
village.
"Lorsque le promeneur quitte la mairie de Pouilly en direction d'Inor,
son attention est attirée, sur sa gauche par le lavoir où les coups de
battoirs et les conversations parfois bruyantes des laveuses donne à
cette petite annexe communale la note pittoresque et amusante de tous
les lavoirs de campagne." Voilà ce qu'en dit
Paul Ricadat.
Lieu de convivialité mais aussi de querelles, il a peu à peu été
délaissé au profit de machines à laver plus pratiques.
Il existe toute une littérature concernant ces lavoirs et au moins
autant de sites internet.
On l'appelait aussi le Buillu ou buyu (orthographe non confirmée)
c'est-à-dire là où l'on faisait la buée, c'est à dire la lessive.
Cette lessive jusqu'au XIXe ne se faisait pas quotidiennement, loin
s'en faut, mais deux fois par an ! Généralement au sortir de l'hiver et
après les travaux d'été.
C'était alors tout un événement car il fallait ressortir tout le linge
amoncelé et faire marcher les lessiveuses.
Nos ancêtres accumulaient une quantité non négligeable de linge. On ne
jetait pas, et la chemise de l'arrière-grand-père était encore parfois
mise par sa descendance.
Le travail était épuisant. Il fallait trois jours pour laver le linge.
Le premier était consacré à la préparation du linge, trempage, premier
savonnage, passage répété d'eau chaude sur le linge, dans un cuvier
dont la surface était couverte de cendre (source de potasse).
Le deuxième jour, le linge était sorti des cuviers, puis savonné,
battu, rincé.
Enfin le troisième c'était l'étendage du linge sur le pré, les buissons
etc. quand la météo le permettait, sinon il séchait vaille que vaille
dans les greniers ou les granges.
Ces trois jours étaient désignés par le purgatoire, l'enfer, le paradis
en fonction de la pénibilité de la tâche.
A Pouilly,on connait deux lavoirs avec certitude.
Encore qu'un troisième soit signalé dans une délibération du
conseil "...les lavoirs publics situés, l'un au centre du
village,
l'autre au lieu dit le Saint-Martin, seront lavés etc.". Les bacs,
abreuvoirs et captage seront également nettoyés.
(Réunion conseil du 09/06/1925 art 29)
L'actuel est situé devant la cour de l'ancien château et l'autre qui se
trouvait de l'autre coté du petit pont à peu près à l'endroit des
sanitaires du camping.
Ce dernier est visible sur le plan d'alignement au 1/500 ème
Et sur cette photo du début du XX ème
Il existe aux AD55 les plans de cet ancien lavoir datant de 1854
Le 02/03/1854 le conseil municipal se réunit :
"... M. le président expose qu'en vertu d'une délibération du conseil
municipal, il a été décidé que l'on amènerait à Pouilly une source dite
la Colissonne, pour établir un lavoir public etc. Le corps municipal
considérant que l'établissement du lavoir dont il s'agit est de la plus
grande nécessité et qu'il importe qu'il soit construit le plus tôt
possible demande à ce que l'architecte Deshan qu'il désigne, ait dans
le mois
qui suivra la notification qui lui sera faite, à soumettre au conseil
des projets réguliers qui seront adressés à la préfecture etc."
"... l'établissement projeté ne devant pas dépasser 5 000 francs..."
Le 21/03/1854 le sous-préfet de Montmédy approuve cette décision.
Le 07/05/1855 un rapport d'examen émanant de la "Commission
départementale des bâtiments civils" de la préfecture nous apprend
outre le prix du projet estimé à 6 990 francs que :
"...La commune de Pouilly privée de tout endroit pour laver le linge à
couvert, a voté la construction d'un lavoir fermé, à l'issue du village
coté du moulin.
Quoique la population de cette commune qui naguère se montait à 800
habitants soit encore de près de 700, le conseil municipal n'a demandé
pour cet établissement qu'une contenance de 24 laveuses.
On va prendre l'eau d'une source dite la colissonne à 850 mètres de
l'endroit, avec pente de 20 mètres du réceptacle au lavoir.
L'architecte annonce un produit de 94 litres par minute etc."
Le rapport s'inquiète sur la méthode utilisée par l'architecte pour le
calcul du débit, arguant à juste titre que ce débit de la source ne
peut être constant au cours des saisons.
Cette source, en fait celle du bois, coule en effet au gré de la météo.
Elle est alimentée par la rivière souterraine qui ne tarit
jamais mais qui peut se trouver à étiage en période d'été. Sur les
reliefs karstiques on pourra lire cette page
spéléologie.
Ce lavoir fut à sec pendant la construction de la voie ferrée en 1874
et la Meuse dut reprendre du service.
Pour poser les voies, le tuyau d'amenée d'eau fut coupé et le lavoir
vide. Ce fut donc l'objet de contestations en tout genre pour
réhabiliter cette adduction d'eau. (AD55 46 S 20)
Sur ce plan on constate que les bacs à laver se trouvaient à ras du sol
et obligeaient les femmes à travailler à genoux.
Elles se protégeaient par l'emploi d'une sorte "d'agenouilloir"
ou baquet garni d'un coussin comme on peut le voir sur la photo
ci-dessus.
Le lavoir actuel permet aux éventuelles lavandières de travailler
debout, position plus confortable... Mais qui l'utilise encore ?
La gestion des lavoirs faisait l'objet d'une adjudication. Les prenants
s'engageaient à les tenir propres, gérer la consommation d'eau au mieux
etc. Ainsi le 09/06/1925 c'est Anatole Gobert qui s'en charge pour 150
francs par an.
Enfin peut être une curiosité...
Les lavandières au service de Mr de Pouilly allaient à un lavoir de
Soupy, donc Autreville, où une journée leur était réservée.
Je ne tiens cette information que par l'ouvrage sur Pouilly de Mesdames
Guichard, qui n'en donnent pas la source.
Pourquoi Soupy alors que l'eau ne manquait pas à Pouilly ?