Les noms et les prénoms
Jusqu'au XV / XVI ème siècle le nom de famille tel qu'on l'entend
aujourd'hui n'était pas ou peu utilisé.
On avait un prénom sur lequel se greffait parfois un surnom ou un
prénom d'usage.
L'origine, le physique, le métier, l'ascendance, autant de critères qui
caractérisaient un individu et permettaient de l'identifier.
Par exemple, cette Marie Marly dit Longwy, qui décède le 07/04/1765.
(AD55 1760-1791
59/345).
Il n'était pas rare de trouver dans la même fratrie deux ou trois Jean
ou Jeanne, autant de Pierre, Marie ou Jean-Baptiste.
Un exemple de mêmes prénoms :
Il s'agit des jumelles d'Estienne Chollet, maréchal-ferrant et de
Françoise Ratel le 19/01/1717. Certes tout se passe dans
l'urgence puis qu'elles sont ondoyées à la maison par Élisabeth
Sperlet,
sage-femme, mais elles sont ensuite baptisées en bonne et due forme par
le curé Blanchot. On donne à chacune le prénom d'Alexisse, car les
marraines sont Alexisse Lambert et Alexisse Guichard.
Elles décèdent les 20 et 21/01/1717. (AD55 1673-1722 231/276).
A Autreville, Jean Baptiste Guillemin et Jeanne Lafond ont quatre fils
Jacques, en 1751,1765, 1767, 1768.
A Brouennes ce sont cinq Marie qui naissent d'affiliée chez
Joseph Diblanc et Marie Fourry de 1813 à 1825. Mais il en meurt 4
en bas âge.
On ne connait pas l'impact psychologique d'un prénom ré-attribué post
mortem, à l'enfant suivant. Aujourd'hui cette pratique heurterait le
bon sens.
Surnoms ou suffixes, le jeune ou l'ancien, pouvaient faire la
différence sur
une ou deux générations. Mais si le père, le grand-père, le parrain,
l'oncle etc.
portaient déjà ce prénom, on voit assez vite les limites de ce système.
Ce peu d'imagination et cette habitude de prendre le prénom
du parrain ou de la marraine, ne facilite pas la recherche
généalogique, loin s'en faut !
Les mariages essentiellement endogamiques se concluaient
parfois entre personnes de même prénom et nom. Des
situations parfois insolubles quand les acteurs signaient par une
marque généralement "écrite" par le curé, craignant pour sa plume ou
pour son
registre !
Souvent le curé, le maire, voire l'intéressé lui même, ignorait
l'orthographe de son propre nom. Ces
orthographes n’étaient pas figées, elles étaient phonétiques et
dépendaient, de fait, du niveau d’instruction à la fois du
déclarant et de celui qui recevait par écrit la déclaration orale.
Le curé n'était pas toujours de la région et ne patoisait pas comme les
gens du village. De plus, âgés ils pouvaient souffrir de problèmes
auditifs...
C'est ainsi qu'on retrouve parfois la même personne sous deux ou trois
patronymes différents, mais phonétiquement identiques.
Si de plus le patronyme était inconnu ou peu fréquent dans la paroisse
ou la commune, le déclarant pouvait aussi se tromper.
On
le constate pour ce Jean
Fregistine,
né le 15/11/1826 à Pouilly, de père
inconnu et donc déclaré par la sage-femme. (AD55 1823-1832 35/212). Il
se retrouve lors de sa
reconnaissance en 1849 par sa mère Catherine
Federspill à Metz,
rebaptisé
Nonon, du nom de son
mari. C'est sans doute quand il a voulu
se marier à Metz le 05/07/1853, avec Anne Roussel que s'est posé le
problème de son identité.
Et
que penser de cette Barbe
Fridigepile
épouse de Jean Meunier qui
accouche
d'un petit Jean le 18/02/1827. Elle est alors hébergée chez la veuve
Maurice, L'enfant décède une heure après. On ne trouve dans les bases
généalogiques aucune trace d'un tel patronyme. (AD55 1823-1832 38/212).
Par contre Fiederspiel existe bien en Moselle.
Le 18/10/1827 Jean Baptiste
Phiderspil,
originaire de
Maizieres-les-Metz (57) où il est né le 11/03/1804 se marie à
Marie-Anne
Saussette. En bas de l'acte il signe "
Fider
Pille". (AD55 1823-1832
106/212). Six mois après le 12/03/1828 leur nait une Marie-Barbe. Les
tables décennales la nomment
Phider
pil.
Barbe Fridigepile ou plus exactement Fiederspiel s'était mariée à Jean
Meunier en 1820 et justement à Maizieres-les-Metz
Y aurait il un rapport entre les noms Fregistine, Fridigepile et
Federspill ou Phiderspil ?
On voit aussi le cas de cette
Anne
Claire Nikeltz,
qui au hasard des actes se trouve nommée, Anne Clert le 07/03/1820
Thonne-la-long, Anne Cler Miquel, le 09/01/1822 toujours à
Thonne-la-long, Anne Clerc Nikeltz le 20/05/1857 à Inor, Anne Claire
Niquelle le 20/05/1877 à Pouilly ! Son véritable patronyme devait être
Nikeltz.
Voilà donc de bonnes occasions de se perdre dans nos ascendances.
Heureusement l'obligation du livret de famille en 1877, mettra fin à
ces incohérences. Cette "hyperlaxie patronymique" disparait alors.
Plus tard au XIX ème on y adjoindra un deuxième, un troisième, voire
une
ribambelle et surtout dans les classes aisées où la sophistication des
prénoms devenait une manière de se démarquer. Cette manie permettra
d'autre part de différencier les individus.
On remarque quand même une Jeanne Thérèse Balzamie Le Jon baptisée le
20/11/1751, (AD55 Pouilly 1723-1759 189/267) puis un Dieudonné Antoine
le 11/02/1753, (AD55 Pouilly 1723-1759 204/267) issus de Charles Le
Jon,
jardinier et de Jeanne Marie Aubry.
Mais à cette époque le fait est marginal.
On ne s'étonnera pas de la monotonie des listes des prénoms de nos
ancêtres.
Avant de passer aux statistiques, je voudrais signaler ce cas un peu
particulier, où nom, prénom, nom du père putatif etc. font varier sur
les actes l'identité de l'individu :
Il s'agit à Pouilly d'un "sieur François" qui se marie
le 24/11/1815. Il est né à Cesse, d'Anne Husson le 25/03/1788, (AD55
Cesse 1745-1791 342/369) et de père inconnu. Son acte de baptême pas
plus que celui de son mariage ne lui
donnent le nom d' Husson, celui de sa mère. (AD55
1813-1822 64/200). Il est le "Sieur François".
Par contre quand nait sa fille Anne-Marie, le 02/09/1816, il a pour nom
François Launay, qui est aussi le nom du compagnon/mari de sa mère...Et
peut être son vrai père ?
Puis le 24/12/1817, il est de nouveau le "Sieur François" quand arrive
son fils Jean-Baptiste Manuel.
En 1823 le 04/10, il est père de Jean-Baptiste Launay et reprend
donc ce patronyme. (AD55 1823-1832 17/212).
Par la suite tous ses enfants seront des Launay. La dernière Anne
Adélaïde est née le 20/10/1831. (AD55 1823-1831 60/212).
Fréquence des prénoms
Ce tableau est issu des actes de naissances de 1673 à 1890, soit 3711
actes. L'absence d'archives pour certaines périodes ne peut perturber
significativement
la fréquence des prénoms,
Les 30 prénoms les plus usités ont été classés par position (1er
prénom, deuxième etc.).
Les variantes comme Elisabeth, Elizabeth ont été regroupées.
Mails n'oublions pas que le prénom d'usage n'est pas forcément le
premier sur l'acte.
Il est à noter que les prénoms Marie, Pierre, Baptiste etc. pour les
hommes sont souvent associés au premier prénom Jean.
Quant aux femmes le prénom Marie est souvent associé à Anne, Jeanne etc.
La mode des prénoms exotiques existait déjà. Certains prêtent à sourire
:
Idron, Lubain, Napoléon, Fridolin, Afrequant, Frumence, Vivaint etc.
On
trouve la naissance d'un Ovite Arnesse Boulangé le 01/03/1834. Le maire
a-t-il déformé Ovide Ernest ? (AD55 1833-1842 45/352).
Mais après tout nous avons bien nos Kevin, Deborah et autres Jason tout
aussi curieux. Et que penser de Clitorine, prénom destiné à leur fille
par des parents inconscients ?
De 1820 à 1836 le prénom
Edoire
est donné à 6 enfants.
Mais on trouve aussi
Eleine en
1706 et 1814.
Et Victore
Ujéne Gobert le
06/07/1818. On ne peut incriminer le maire Jean-Baptiste Hussenet, qui
était instruit et n'a donc pas commis de faute d'orthographe. (AD55
1813-1822 107/200).
On retrouve d'ailleurs un Auguste
Ugène
Arnould né le 18/02/1821. (AD55
1813-1822 159/200).
Et le 09/07/1818 c'est un Brice
Julle
Lambert qui est enregistré. (AD55 1813-1822 107/200).
Le 20/09/1818 c'est une Catherine
Adelle.
(AD55 1813-1822 108/200).
Le 19/08/1822 nait
Clers,
fille de Pierre Guichard et de Marguerite Sauvage. (AD55 1813-1822
182/200).
Quelques
Arnesse (5 de 1834 à
1839),
Alfrette (1837 et
1839),
Zavier (1836),
Edelphine (1837),
Aseline (1938),
Polite (1938) etc.
On découvre un
Fructueux
Percebois, né en 1842 à Letanne. (AD55 1863-1872 127/179).
Pour l'anecdote, on trouve du 25/02/1821 au 14/09/1821, pas moins
de 8
Victoire ou
Victore. (AD55 1813-1822
159,160,161/200).
Certains prénoms frisent l'idolâtrie comme ce
Nicolas Napoléon Bonaparte
né à Montmedy le 15/05/1848 engagé pour 7 ans, combattant de 1870.
(AD08
1R003 Liste départementale du contingent : Meuse 1868 20/45).
Le 22/02/1811 nait à Pouilly
Napoléon
Ambroise Buisson et y décède le
27. Son père Jean-Baptiste Buisson est géomètre de première classe.
(AD55 1802-1812 143/174).
On trouve plus sobrement ce
Georges
Louis Napoléon Koehler né à Cesse
le 01/06/1849.
Mais aussi
Pierre Melchior
Balthazar Bertrand né le
05/01/1769 à Pouilly. (AD55 1760-1791 101/345). Il se marie en 1822 à
53 ans avec Anne Marie Hance de Stenay.
Mais en plus de l'effet de mode, colporté par les almanachs et autres
journaux, l'histoire mettait en avant de
nouvelles tendances. On le remarquera après 1789 avec ces nouveaux
prénoms issus du calendrier révolutionnaire. Tel ce
Constant Myrtile Arnould, né le
07/08/1858. (AD55 1853-1862 122/227).
Et parfois dans un éclair de génie... on créait quelques bons mots.
On appréciera à sa juste valeur l'humour de nos anciens, humour dont
certains contemporains ont hérité :
Le parrain s'appelait Jean on appela le filleul
Jean Jeanjean... (° 08/04/1694 à
Matton 08) car Jeanjean était son nom.
Ou
Jean Bonnot (° 09/04/1647 à
Brouennes),
Jean Haimart
décédé le 15/12/1752 à Perthes les Hurlus.
Et que penser de ce
Walter Closset
dont la femme Jeanne Maldaga
(1824-1891) repose à Pouru-Saint-Remy. Le pauvre fut sans doute victime
d'une
avancée sanitaire...
A Pouilly on trouve :
Augustin Gustin qui décède le
12/03/1808. (AD55 1802-1812 107/174) ou
Elisabeth Denaye qui accouche d'un
enfant naturel Eugène Auguste le 09/04/1860. (AD55
1853-1862 167/227).
Pouilly a pour patron Saint-Martin comme bien des communes en France.
Il se fête le 11 novembre.
Le prénom de Martin se rencontre bien sûr, mais seulement pour 4
enfants nés ce jour là.
Martin Durlet en 1761.
Martin Gobert en 1762.
Gabriel Martin Lambert en1767.
Jean Martin Lambert en1785.
Les noms
Quand aux patronymes, leur évolution a déjà été étudiée par de nombreux
historiens et nous venons de l'évoquer plus haut.
D'une manière générale il faut privilégier les actes de mariage pour
donner un nom ou un prénom à un ancêtre. En effet il était présent et
pouvait rectifier, ou à défaut de savoir écrire, donner la
prononciation
exacte de son nom.
C'est ce qui se passe par exemple pour Jean-Baptiste Ernest Fredericq
qui revendique Fedricq comme patronyme sur son acte de mariage le
26/04/1859. (AD55 1853-1862 156/227).
La prononciation jusqu'au début XX ème, est certes en patois et
sujette à bien des interprétations,
mais ce patois est souvent compris par le curé ou l'officier d'état
civil. Même si un curé champenois comme Pouilly en a connu, n'était pas
forcément expert en patois nord-meusien, son bedeau, marguiller ou
chantre, lui était du crû.
De plus sur l'acte de mariage les époux donnaient leur prénom d'usage.
On
appelait aussi bien Auguste, un Jean-Marie, car il avait déjà un frère,
un oncle et un grand père du même prénom...
On doit aussi se méfier des mutations de patronymes, si celui-ci était
dur à porter. (Lafolie en Foly par exemple).
Mutation aussi pour se démarquer d'une autre famille. les Arnould des
Arnoux par exemple.
Et mutation enfin due à l'habitude. Le nom s'est écrit comme cela
depuis
plusieurs actes et ipso facto devient une réalité. Exemple des Lecuyer
et Lequy,
avec variantes pour l'accent et erreurs des maires ou curés !
Dans une même famille des enfants peuvent ainsi porter des patronymes
différents.
On en trouve quelques uns qui ne sont pas classiques ou sont étrangers
à la région, comme Lamberty,
attesté lors du décès de Catherine, vieille fille, le 17/06/1751 âgée
de
90 ans. (AD55 Pouilly 1723-1759 185/267),
Mais aussi D'Angoise, Savignac, Connelly, Pasquo.
Par contre leur durée de présence dans le village mériterait une étude
approfondie. Certains parfois apparaissent et disparaissent sur
quelques générations.
On pourrait utiliser le processus de Galton-Watson. C'est un
processus stochastique permettant de décrire les dynamiques de
populations. Mais c'est ardu et sortirait du domaine que je me suis
fixé.
Comment expliquer que la rafale de Gobert inventoriée à Pouilly n'ait
pu laisser aucune trace patronymique en 2021 ?
Les Lambert à peine mieux lotis laissent quelques rares descendants.
A Pouilly seule actuellement la famille Guichard (du haut et du bas)
peut se prévaloir d'une filiation agnatique et ce depuis 1691.
Toutes les familles actuelles ont subi des changements
patronymiques par le mariage des femmes.
Certes à défaut d'être de Pouilly elles sont d'Autreville ou Moulins,
voire Letanne ou Inor donc dans un rayon de 5 km.
L'endogamie matrimoniale est préservée !
Mais si au XX ème siècle la mobilité a pu faire disparaitre des
familles entières, aux siècles précédents, les raisons ne nous sont pas
connues.
Le XIX ème a ouvert des horizons vers la capitale. (On dit qu'un
blocage en généalogie, se résous à Paris). Beaucoup ont
cru à l'eldorado des grandes villes et ont déserté leurs provinces.
A
Pouilly l'industrie textile a amené une main d'œuvre étrangère au
village.
Ces nouveaux habitants sont repartis dés que l'usine a fermé. Ils ont
donc introduit
d'autres patronymes de durée éphémère. Il
faudrait les suivre dans leurs pérégrinations professionnelles
pour reconstituer les familles provisoires du XIX ème. Vaste programme !
Le XX ème qui a suivi fut un siècle de brassage.
L'industrialisation, les transports, les guerres ont déplacé bien des
populations. Les soldats ont découvert d'autres contrées, les déportés
également.
L'
immigration
surtout entre les deux guerres a amené son lot d'étrangers venus
reconstruire la France. Certains n'ont fait que passer, d'autres sont
resté.
Donc pour le XX ème, si d'anciens patronymes disparaissent, d'autres
arrivent. Un mélange
difficile à appréhender car l'état civil n'est normalement pas
consultable et de
toute façon pas publiable. Ce sera l'affaire des historiens à venir.
Les 30 noms les plus portés.
Ce tableau est basé
sur les naissances ayant eu lieu à Pouilly de 1673 à 1890.
Pourquoi 1890 ?
La toute première raison est que le dépouillement des archives est sûr
jusqu'à cette date.
La seconde, au moins aussi importante, vient qu'après les mouvements de
populations ont été tels qu'il est difficile de faire des statistiques
valables.
Ces données ne peuvent tenir compte des pertes d'archives, mais la
tendance est nette.
Gobert, Guichard et Lambert sont les patronymes les plus courants.
On pourra visiter le site de Jean Tosti, spécialiste en généalogie et
en onomastique.
Il vient malheureusement de nous quitter en août 2021.