Le comité de surveillance, la délation légalisée.
A Pouilly comme partout il fut
établi un comité de surveillance qui comme son nom l'indique était
chargé de surveiller les habitants et empêcher toute velléité
contre-révolutionnaire.
On en trouvera pour Pouilly, le détail aux AD55 cote L 2175.
Voici la chronologie de ce comité
Il est mis en place le 15 octobre 1793.
Il faut d'abord élire les membres et dirigeants.
Jean Baptiste Aubry sera le
premier président.
Mais lequel ? Il existe 3 prétendants. En examinant les signatures on
peut dire que :
Ce n'est pas celui qui est menuisier et qui se marie à Magdelaine
Gobert le 14/01/1750. (AD55 1723-1759 170/267). Les signatures sont
trop différentes.
De plus à son mariage sont présents Jean-Baptiste Gobert, chanoine
régulier de l'ordre des Prémontrés et Michel Aubry sous diacre, sans
compter le curé de Pouilly Billet. La présence de ces religieux, sans
présumer de l'évolution de pensée de ce Jean-Baptiste Aubry, laisse
tout de même supposer une situation sociale peu encline aux idées
révolutionnaires.
Un autre, régent d'école et chantre de Pouilly en 1758, 1760, 1762, né
à Cons-la-Grandville (54) le 29/10/1726 ne peut non plus prétendre à
cette présidence. Les initiales de Jean-Baptiste sont après le nom et
sa signature est soignée. Voir son mariage à Puilly (08) (AD08 Puilly
1747-1775 80/159).
Reste ce Jean-Baptiste Aubry, fils du menuisier ci-dessus, né à Pouilly
le 01/04/1767 et dont on ignore tout. Mais ce n'est qu'une hypothèse.
Il est sans doute décédé entre 1793 et 1795. En effet il n'est pas le
déclarant au décès de son père. Mais les archives manquent de 1792 à
1795.
Jean Baptiste Berlet,(19/11/1754
à Thénorgues -13/01/1814) est secrétaire. En 1788 il était
employé
dans les fermes du roi à Cesse puis en 1790 à Pouilly.
"...tous deux nommés à l'unanimité par tous les membres du comité..."
Ces membres sont :
Jacques Bertrand.
(08/03/1760-03/03/1820) tailleur d'habit en 1788 quand il se
marie à Marie Catherine Normand. (AD55 1760-1791 309/345), aubergiste
en 1797, vigneron en 1820.
Gilles Bigot
(30/04/1764-25/01/1831) tonnelier en 1816, vigneron en 1831.
Claude Philippe
(08/11/1750-28/04/1824) jardinier de M. de Pouilly.
Pierre Lambert Il en
existe plusieurs, mais c'est sans doute celui qui est né à Inor le
08/02/1746 et décédé à Pouilly le 20/03/1826
Louis Stevenot
Sans doute celui né le 28/08/1726. Il n'apparait pas sur les registres
d'état civil de Pouilly (sauf pour sa naissance)) . Impossible donc de
comparer les signatures. Le seul autre connu est né le 05/02/1728, mais
décédé en 1790.
Antoine Guichard Deux
candidats. l'un manouvrier (20/04/1753-07/02/1821) et un autre né le
19/02/1772 dont on ignore la destinée.
Louis Bigot
(21/01/1733-13/12/1803) vigneron, père de Gilles Bigot ci-dessus.
Ponce Fauvelet vigneron,
(17/04/1724-27/03/1796). C'est le propre frère de Vincent Fauvelet qui
sera emprisonné par le comité.
Vincent Tressey (Tressée) Il
était garçon cuisinier, au château. (16/04/1743-16/05/1803)
Jean-François Gobert Sans doute
celui né le 08/08/1736. Il était vigneron.
"... étant tous réunis à l'effet de former une
permanence journalière et non interrompue pour l'exercice de ses
fonctions. Le dit citoyen président a exposé que pour faciliter
l'exercice des fonctions de chacun des membres etc."
On remarquera que si l'écriture est plutôt distinguées, les fautes
d'orthographes sont nombreuses.
Le style présente tous les défauts de l'époque, l'emphase, la
boursouflure, les grandes formules ampoulées. Ce ne sont pas nos
paysans qui inventent ce style, ils l'empruntent comme ils
peuvent aux nombreux courriers et nouvelles lois dont ils sont
submergés.
En voici un exemple émanant du comité de salut publique de la Meuse :
"Nous vous invitons à vous armer de la hache révolutionnaire d'une main
et à porter de l'autre, dans les replis secrets des conjurations, le
flambeau de la plus sévère recherche" . (AD55 L2180) On croit rêver !
Par contre le pouvoir de ce comité est à la mesure des excès de cette
période. On demande aux membres du comité :
"... de garder chacun envers soi le secret le plus inviolable sur
toutes les oppéarations (sic) et sur toutes les mesures qui
seront adopté (sic) "
On peut comprendre ces précautions quand un peu plus loin on lit les
délations de tous nos braves membres et habitants du village !
Accusations gratuites ? Jalousie, vengeances ? Faits avérés ?
Il serait intéressant de connaître ce qui reliait les
diffamateurs/diffamés, accusateurs/accusés, coupables ou non.
Hélas plus d'archives, sauf les registres d'état civil, qui peuvent
nous éclairer sur les liens de familles de ces antagonistes.
Le cas de Jean Yves Lambert ancien maire est plus évident. Il a avec
Jean Thomas, secrétaire greffier et maître d'école dressé la liste des
habitants soumis à la
contribution patriotique de 1790. Il n'en faut pas
plus pour se créer des inimitiés.
Les délations
Le comité est donc créé le 15/10 et dés le 18 il fonctionne.
Laissons au moins pour les premiers écrits, les fautes
d'orthographe donner une idée du niveau du rédacteur.
Jacques Bertrand "... a déclaré en présence du comité avoir vu achever
de casser un fusil au nommé
Thomas
Simon tailleur d'habit de la commune
de Pouilly alors de la venue des Autrichiens dans le dit lieu lequel
fusil appartenait à la communauté"
Antoine Guichard "... que le même Thomas Simon a dit qu'il faisait son
cas sur la municipalité de Pouilly et qu'il faisait les mêmes cas sur
la semblé national et quil sen moquet et qull ne voulait aler a la
messe des coquin de pretre sermenté"
Louis Stevenot "... a déclaré que le nommée
Jean Yves Lambert menuisier à
Pouilly avait dit qu'il fallait payer la dime a l'ordinaire au sieur
Duhoux
ancien curé de Pouilly qui est émigré et qu'il fallait le
garder à Pouilly..."
On en est là le 19 octobre. Mais ce n'est pas fini.
"Les citoyens composant le comité de surveillance de la commune de
Pouilly ont déclaré dune anime voix les nommés Jean Yves Lambert ancien
maire de Pouilly et Jean Baptiste Lambert lainet Marechal si devant
procureur de la commune de Pouilly, suspect pour avoir rendu les
écharpes alors de la reception du curé constitutionnel et de navoir
point asisté à aucun de ses offices depuis le jour de sa réception
ainsi que le nommé Jean Baptiste Habran ausi municipal pour avoir
également rendu son écharpe
Suspecté lui et sa femme sœur demigré"
On voit par ces écrits s'installer une ambiance assez malsaine de
suspicion et de délation
Avoir dans son entourage un émigré, fait de vous un suspect, quand
toute la famille n'est pas associée à cet opprobe.
L'intérêt d'autre part de ces dénonciations est pour l'historien de
connaître les émigrés
de Pouilly, les proches du château et les ministres du culte.
C'est le cas pour :
Henry Gobert (1716-1796)
suspect pour avoir un fils émigré. Ce fils est
Joseph
Gobert (1767-1846) qui est curé.
Vincent Fauvelet (1725-av
1808) pour avoir une fille émigrée et pour n'avoir montré
ni donné aucune preuve de civisme devant la constitution à qui il a été
refusé un certificat. Sa fille Gillette Fauvelet (1760-1813) est en
effet partie avec le nommé La Chapelle de Cesse, son maître et chez
lequel elle était en condition.
La veuve
Gaillard (Jeanne Dupuis)
(1721-1800) elle et sa fille, suspectes pour avoir un fils au
service du ci-devant seigneur de Pouilly notoirement émigré et de
l'avoir vu en France avec son maître les armes à la main. On ne sait
pas de quel fils il s'agit.
La veuve
Pernaux (en fait
Pernot, de son nom de femme
Jeanne
Marie Lambert 1739-av 1799), suspecte pour
avoir un fils prêtre émigré et pour n'avoir pas montré son civisme.
Suspecte, elle, ses deux fils et sa fille et sa sœur Marianne Lambert.
Le fils en question est
Jean
Baptiste Pernot dont les biens seront en partie vendus.
Nicolas Bourgerie (1741-1812)
pour deux filles émigrées. Il s'agit de Marguerite et Marie Bourgerie,
toutes deux servantes.
Jean Lambert prêtre
insermenté et suspecté pour avoir un neveu prêtre émigré et pour
n'avoir montré aucun civisme. Il s'agit sans doute de Jean-Baptiste
Lambert (1703-1798) dont le neveu Jean-Baptiste Lambert (1753-1810) est
curé. Il avait émigré en Espagne où il gagnait
sa vie à battre en grange.
Marianne Prudhomme et sa
fille Mais on ne sait pas pourquoi. L'épouse de Pierre Gouverneur
? Sa fille serait Marie Anne Gouverneur (1773-1853)
Marie Jeanne Lambert
nièce d'un prêtre insermenté elle et
sa servante, suspectées pour n'avoir donné aucune preuve de civisme qui
ai survenu à la connaissance du comité. C'est sans doute Marie Jeanne
Lambert (1749-1825), sœur du curé Jean-Baptiste Lambert (1753-1810)
François Buisson
(1750-1831) si devant (sic) jardinier du château lui et sa femme
Jeanne Archéen (1752-1831) suspects.
Le 13/05/1793, on lui avait confié la garde de l'orangerie non
vendue "...le dit
citoyen les a laissé à la charge et garde du citoyen Pierre François
Buisson, jardinier demeurant à Pouilly..."
Mathieu Mazelot
(1751-1832) lui et sa femme
Marguerite
Gobert (1759-1805), suspects pour
être lui beau frère et elle sœur d'un prêtre émigré et pour avoir
manqué de civisme. Il s'agit encore de Joseph Gobert (1767-1846) curé.
Louis François Durlet
(1752-1833) lui et sa femme
Marie Jean
(1736-1811) tous deux agents du ci-devant
seigneur de Pouilly, suspect pour n'avoir donné aucune preuve de bon
civisme depuis le commencement de la constitution et pour avoir montré
du zèle aux intérêts de son maître.
Il était le régisseur du château. Le baron de Pouilly lui avait confié
ses meubles et effets. "Il continua ses fidèles services, en
sabotant parfois les ordonnances des administrateurs du département de
la
Meuse. En particulier, lors de la campagne de septembre 1792, le
village de
Pouilly ayant été envahi par les Prussiens, son aide s'avéra utile pour
que le
baron de Pouilly ait pu profiter de la situation et emporter avec soi,
"dans
l'Empire autrichien", " trois voitures de meubles et effets" du château
de
Pouilly et pour qu'on ait pu "presque journellement battre les grains
qui se
trouvaient dans les granges et vendre ceux qui étaient dans les
greniers de
ladite maison" (Thèse de Radmila Slabakova Grenoble 1999)
Elisabeth Bigot (1728-1812)
suspecte. Sans autres précisions.
Richard des fermes de la Vignet
(sic) suspecté lui et sa femme. Il s'agit de Claude Richard (1752-1801)
et Élisabeth Gobert (1757-1846)
Marguerite Gobert (1765-1831)
fille de Jean Gobert dit le comte, suspecte.
Antoine Pultier lui et sa
femme suspecté pour avoir été agent du
ci-devant seigneur de Pouilly en sa qualité de berger et pour avoir eu
du zèle aux intérêts de son ci-devant maître. On ne sait rien de lui.
Il existe une quantité de Pultier originaires de Gesnes-en-Argonne.
Mais aussi dans les actuelles Moselle et Meurthe-et-Moselle.
Pour l'instant le comité clôt le registre.
Mais pas pour longtemps. Quelques villageois zélés vont continuer leur
dénonciations...
"Le citoyen
Jean Tribut a
déclaré en présence de six membres du comité
de surveillance de la commune de Pouilly que le nommé
Jean Damery,
cordonnier lui a refusé de la monnaie frappée au nom de la république
et qu'il voulait de l'argent vieux portant les armes de la royauté
lequel nous a déclaré ne sa voir signer a substitué en place de son
signe une croix, le 20 octobre l'an second de la république française
une et indivisible."
Mais le dit Tribut tout compte fait revient sur sa déclaration
"...disant que c'était une mal atendue de sa part..."
"Le citoyen
Henry Gobert a
déclaré que le nommé
Jean Yves Lambert
avait
dit en sa présence lors de la venue des Autrichiens dans le village de
Pouilly que si on avait suivi le manifeste (de Brunswick) envoyé de la
part des
émigrés à la commune de Pouilly que l'on s'en avait moqué et que voilà
ce qu'il en arrivait..." Le 22/10/1793
"Les citoyens composant la majeure partie du conseil général de la
commune de Pouilly ont déclaré qu'il avait été distribué des livres et
des écrits incendiaires dans la dite commune de Pouilly et que ces
livres ont contribué à corrompre une partie des gens suspects ci-
dessus dénommés, de laquelle distribution il en a été dressé procès
verbal par le dit conseil ... et envoyé au directoire du district de
Montmedy, ce qu'ils ont déclaré en présence du comité de surveillance
permanent de la dite commune etc. " 22/10/1793
Le comité clôt cette session.
Le 24/10/1793 c'est de nouveau l'ancien maire
Jean Yves Lambert qui est sur la
sellette.
Le
citoyen Godet a déclaré en
présence du président et du
secrétaire du comité que le nommé Jean Yves Lambert, ancien maire
de Pouilly s'était opposé à l'élection du curé nouveau (Il s'agit
de
Pierre Jadot curé
constitutionnel à Pouilly de 1791 à 1793) et a dit
qu'il fallait conserver l'ancien prêtre quoique non sermenté et les
seigneurs tel qu'il fallait les payer à l'ancienne coutume si tout le
monde avait voulu le croire qu'on pouvait le faire et même à l'instant
la veille de la réception du curé il a encore dit que puisqu'on voulait
xxxxx tous les honnêtes gens qu'il allait chercher son écharpe pour la
rendre et l'a fait à l'instant d'une grande colère et l'a jetée sur le
bureau ainsi que
Jean-Baptiste Lambert
l'ainé procureur de la commune
dans ce temps là, ainsi que
Jean
Baptiste Habran frère d'un prêtre
émigré.
Et les ci-dessus dénommés ont voulu empêcher le curé constitutionnel de
monter à l'autel et de dire la messe lors de son élection cherchant à
allumer la discorde même dans l'église et à soulever le peuple par
leurs intrigues et leurs mauvaises façons.
Ce même Godet continue :
"a déclaré avoir vu achever de casser un fusil au nommé
Thomas Simon de
Pouilly lors de l'arrivée des Autrichiens à Pouilly appartenant à la
communauté étant poursuivi d'un nommé
Jacques
Fauvelet qui voulait lui
retirer d'entre les mains pour le mettre à l'abri des ennemis de la
patrie. etc.". 24/10/1793
Mais les femmes ne sont pas en reste.
La citoyenne Marie Marguerite Lambert, fille de Jean-Baptiste Lambert,
vigneron de la commune de Pouilly a déclaré que le dénommé Jean Marie
Perneaux, (en fait Pernot) fils de défunt Claude Perneaux lui a donné
un livre intitulé
"L'argument à Henry IV" contenant des écrits incendiaires tendant à
soulever le peuple contre l'assemblée nationale et ce livre provenait
du nommé Jean-Baptiste Lambert maréchal, père, suivant le dire du dit
Perneaux etc.
Le citoyen
Thomas maître
d'école de Pouilly a été requis par le comité
de surveillance de déclarer vérité sur un objet de sa connaissance
relativement à un acte qui dans sa substance paraissait être de la plus
grande soumission aux lois, quoi qu'il renferme une espèce d'opposition
par la déclaration faite par les auteurs de ne reconnaître les autorité
ecclésiastiques, que celle du ci-devant archevêque de Reims et curé
de Pouilly alors en exercice quoiqu'il n'eut ni l'un ni
l'autre prêté serment exigé par les lois et que
jamais ils ne reconnaitraient leurs successeurs pour pasteur
légitime tant qu'ils seraient nommés par les autorités civiles.
Lequel Thomas a déclaré que le sus dit acte a existé, que lui
même d'après l'ordre de Jean Yves Lambert, maire de la
municipalité de Pouilly a été en sa qualité de greffier obligé de
l'écrire, que cet acte fait au nom du conseil général de la commune du
dit Pouilly a été dicté par Louis Duhoux curé alors du dit Pouilly en
son domicile en présence et du consentement du dit Jean Yves Lambert et
Jean Baptiste Lambert père, maréchal procureur de la commune à
l'exclusion de tous les autres membres du conseil général.
Et les citoyens Jean Ravignaux, Jacques Guichard, François Sauvage,
officiers municipaux actuels de Pouilly déclarent que le sus-dit acte
leur a été présenté par le dit Jean Yves Lambert de même que plusieurs
autres pour être revêtu de leurs signatures, pour ensuite être envoyé
au directoire du district de Montmedy lequel n'a pas été mis en usage
après la reconnaissance que l'on avait voulu surprendre la religion des
signataires à qui il a été présenté et qui ont détruit l'acte.
24/10/1793
Le citoyen
Ponce Fauvelet a
déclaré en présence du comité... que la
nommée
Elisabeth Meunier,
fille du dit Pouilly qu'elle ne voulait pas
aller à la messe de Louree (?) curé de Pouilly actuel... laquelle
Elisabeth Meunier n'a jamais montré aucune preuve de civisme depuis le
commencement de la constitution. 25/10/1793
Mais que deviennent ces accusés ?
Ils sont pour certains emprisonnés, comme Vincent Durlet ou Jean
Yves Lambert à Stenay.
D'autres seront astreints à venir "pointer" auprès du comité et si ils
ne le peuvent, une personne se portera caution pour eux.
Ainsi nous trouvons Pierre Gouverneur, laboureur qui se porte caution
pour "...la veuve Perneaux mise en état d'arrestation à cause de son
infirmité et maladie...et a dit en présence du comité... que la malade
était toujours très mal disposée et même d'un état pire
qu'auparavant...". 12/11/1793
Les gendarmes de Stenay nous ont laissé un procès verbal des
arrestations effectuées à Pouilly. En voici quelques extraits :
"Nous François Poquet Galozot
et Donnoit, gendarmes nationaux de la brigade de Stenay en vertu de la
réquisition du comité de surveillance de Pouilly en date du septième
jour de la sus dite décade, nous nous sommes transportés au village du
dit Pouilly assisté d'un piquet de gardes nationaux de la garnison de
Stenay, à l'effet de procéder à l'arrestation des personnes de ladite
commune , déclarés suspects etc."
Voilà donc nos gendarmes accompagnés par la municipalité de Pouilly et
des membres du comité, dés 7:00 du matin, parcourant le village à la
recherche des fameux suspects :
Louis François Durlet. On met tous ses papiers sous scellés et charge à
sa femme d'en répondre.
La veuve Gaillard, même traitement. C'est sa fille qui est responsable
des scellés.
Jean Baptiste Lambert l'ainé, maréchal. Sa femme a la garde des papiers.
Mathieu Mazelot idem.
Jean Lambert prêtre. C'est la servante qui en est responsable. Chez le
curé demeure aussi Marie Jeanne Lambert, elle aussi arrêtée, mais elle
n'a aucun papier.
Puis Thomas Simon tailleur d'habit.
Antoine Pultier qui n'a aucun papier.
Vincent Fauvelet. Papiers à la garde de sa femme.
Jean Yves Lambert. Il déclare ne point avoir de papiers car il les a
cachés depuis l'année dernière.
Enfin ils arrivent chez la veuve Perneaux qu'ils trouvent dans son lit,
malade. Pierre Gouverneur s'engage alors à rendre compte de l'état de
santé de la dame Perneaux.
"Nous avons fait charger tous les suspects ci-dessus dénommés en
arrestation sur une voiture pour être par nous conduits et déposés à
Stenay dans la maison des religieuses, lieu destiné pour leur
détention, vu l'impossibilité de les loger dans le ci-devant château du
dit Pouilly, vu qu'il n'est pas fermé de manière à pouvoir répondre de
leur personne et demanderait un trop grand nombre de gardes."
Le document est parafé par une vingtaine de personnes.
On devine sans peine la honte et les rancunes à venir pour ceux obligés
de se soumettre à pareil traitement.
La mise sous séquestre des papiers, l'expédition en charrette et la
détention à Stenay.
La restauration venue les règlements de compte ont sans doute fleuris...
Et puis le train train s'installe. Les réunions se suivent, pompeuses,
importantes...
Le 01/01/1794 "...vu le grand âge du citoyen Jean Lambert, prêtre et
ses infirmités, nous représentant du peuple près l'armée des Ardennes
ordonnons au comité...de faire élargir à l'instant et mettre en liberté
le dit citoyen Lambert..."
Le même jour c'est Jeanne Dupuis (la veuve Gaillard) qui est remise en
liberté "...attendu
qu'il n'est prouvé aucun fait d'incivisme contre elle...", tout comme
François Durlet
Le 03/01/1794 Mathieu Mazelot est élargi des prisons de Stenay au vu du
certificat de civisme donné par la commune de Pouilly.
Ce même jour c'est la citoyenne Perneaux qui est libérée pour raison de
santé.
Le 10/01/1794 le comité se réunit pour élire le nouveau président ainsi
que la loi le prévoit, c'est à dire tous les deux mois...
C'est
Pierre Lambert qui
remplace donc
Jean Baptiste Aubry.
Puis passent des semaines sans le moindre signalement.
Le 12/02/1794, le comité doute. Il écrit "...après avoir examiné la
conduite de Jean Yves Lambert, Jean Baptiste Lambert, père, maréchal,
Vincent Fauvelet, Marie Jeanne Lambert et Thomas Simon, tous détenus à
Stenay, nous n'avons rien trouvé depuis leur arrestation qui puisse les
surcharger. C'est pourquoi nous prions le représentant du peuple après
avoir examiné les motifs et causes de leur arrestation si il trouve la
punition proportionnée leur rendre la liberté etc."
Les administrateurs du district de Montmédy demandent donc de plus
amples renseignements sur ces détenus.
Mais le comité se fait tirer l'oreille pour les donner. Pourquoi ?
Craignent-ils à leur tout d'être accusé de partialité et d'avoir
expédié
ces gens en prison un peu rapidement ?
Le 11/03/1794 changement de président. C'est
Jacques Bertrand qui s'y colle.
Le 20/03/1794 le comité décide "...une marche (?) juste et sévère à
l'égard des personnes soupçonnées d'aristocratie dans la sus dite
commune de Pouilly, et il a été arrêté que toutes les personnes
soupçonnées seraient déclarées suspectes, si elles étaient vues faire
des rassemblements, tenir des propos, faire des démarches, tendant à
aider ou à donner quelques renseignements aux émigrés ou à leurs
suppôts et agents ci-devant..."
Le 03/04/1794 nouvelle réunion, pour remplir pour le directoire du
district de Montmédy, un état sur "...la conduite, les liaisons,
relations et la fortune de la personne de ladite commune mise en état
d'arrestation dans la maison d'arrêt de la ville de Stenay. C'est
pourquoi et à ce sujet que le dit comité a cru remplir son devoir et
servir la patrie avec zèle en donnant les renseignements qui étaient en
sa connaissance..."
Le 27/04/1794 le comité révise son jugement pour certains suspects.
"...après en avoir examiné les motifs qui ont été cause de leur
enregistrement, il s'est trouvé que le comité a jugé à propos de les
biffer du sus dit registre pour cause d'un léger patriotisme, sauf au
sus dit comité de les suspecter de nouveau si il y lieu...". Qu'était
ce léger patriotisme ?
Le 06/06/1794 Vincent Fauvelet est libéré pour raison médicale.
Le 3 du même mois Berard, officier de santé avait attesté qu'il " était
affligé de flux dysentériques qui le tourmentent sans cesse jouir
et nuit, qu'il a éprouvé aussi une suppression d'urine dont
il ressent les atteintes de temps en temps et qui lui cause
les douleurs les plus vives"
Pour être libéré, il lui fallait une personne qui se porte caution.
C'est Charles Dieudonné Lejon, jardinier à Stenay, fils de Charles
Lejon jardinier du château à Pouilly.
Le 26/06/1794 le comité se réunit "...à l'effet de prendre des
mesures ultérieures relativement à la sortie provisoire du citoyen
Vincent Fauvelet détenu ci-devant dans la maison de suspicion (sic) de
la ville de Stenay et dont la sortie ne lui a été accordé qu'en vertu
d'un certificat médical délivré par le citoyen Berard médecin de santé
qui constate ses infirmité et l'urgence de retourner dans son domicile
à Pouilly pour se faire soigner et administrer les remèdes propres à
ses infirmités. C'est pourquoi le président a exposé qu'il était d'une
nécessité absolue de prendre des mesures afin de s'assurer de la
personne du dit Vincent Fauvelet, de son état de maladie et de santé
afin de l'obliger de se rendre afin de se rendre en la maison d'arrêt
de la ville de Stenay aussitôt qu'il sera susceptible. Arrête que le
dit Vincent Fauvelet se présentera tous les jours etc." . On lui
demande donc de prouver qu'il est bien présent.
Et effectivement une feuille de présence est parafée quotidiennement
par ce Vincent Fauvelet.
A cette époque il a 69 ans, âge déjà respectable.
Le 09/07/1794 "...assemblée de plusieurs membres du comité... afin de
se procurer des renseignements si l'agent national faisait exécuter la
loi du maximum et pour savoir si il n'y avait point de plaignants
relativement à son inexécution. Il ne s'est trouvé aucune plainte..."
Le 18/07/1794 se réunit le "comité révolutionnaire", puis le 24/07
c'est "le comité de surveillance révolutionnaire"
Le 27/07/1794, les partisans de Robespierre sont renversés. C'est la
fin de la terreur.
Le 02/08/1794 le comité prend connaissance "...des tableaux du maximum
nouvellement arrivés..."
Cette loi dite du maximum devait encadrer le prix des denrées
consommables. En effet sous la révolution la crise des subsistances est
constante. Les "accapareurs" spéculent sur les prix. Mais ces lois
dirigistes auront des effets pervers. Les paysans dissimuleront leurs
récoltes et aggraveront la pénurie et les prix.
Un décret du 24/12/1794 abolira cette loi du maximum.
Mais le 18/08/1794, tout a une fin...
Le comité "...ayant été convoqué et assemblé à l'effet de prendre
connaissance de la loi qui supprime les comités de surveillance des
communes au dessous de 8000 âmes et ayant reconnu la suppression
inévitable, nous avons tous juré de ne point ralentir notre zèle à
surveiller les ennemis de la patrie"
Le 10 vendémiaire an III soit le 22/09/1794, le registre du comité est
clos.
Nos tyranneaux de village se retrouvent comme ils étaient arrivés,
simples citoyens.
Mais les "Annales de la religion" écrivaient en mai 1795 : "Dans chaque
commune il y a encore un petit Robespierre et trois ou quatre coquins
qui terrifient le voisinage"
Que tirer comme conclusions de ces affaires ?
Certains sans doute par vrai patriotisme ont cru devoir aider la
république naissante. On peut sans doute y ajouter l'ambition
personnelle, le rêve du pouvoir ?
Les délateurs ont peut être cru bien faire ? Ou ont assouvi une
vengeance personnelle ou un simple désir de nuire.
Les accusés n'étaient peut être pas des convaincus du nouvel ordre ?
Quoiqu'il en soit cet épisode n'est pas à la gloire de nos ancêtres.