La révolution en France et à Pouilly
La France en cette fin de siècle est en difficulté. Les caisses sont
vides. Mais l'augmentation d'impôts pour y remédier n'est plus
acceptée...
On peut lire dans "Souvenir de campagne du sergent
Faucheur" ce que pensait ce soldat et sans doute une grande partie de
la population :
"Vous n'ignorez pas qu'au début de la révolution française, tous les
honnêtes gens étaient d'accord pour reconnaître qu'il y avait de graves
abus à réformer ; mais lorsqu'il fut question de procéder aux réformes,
il y eut de sérieuses difficultés par l'ardeur des uns, les résistances
des autres et par la faiblesse et les indécisions de Louis XVI, ayant
toutes les vertus d'un simple citoyen, mais n'ayant pas les qualités
indispensables à un roi se trouvant dans une situation difficile, en
face d'un peuple ardent, enthousiaste des idées nouvelles et voulant
absolument entrer dans la plénitude de droits tels que nous les
concevons, depuis que les idées de 1789 ont fait leur chemin.
Avant la révolution, la nation française formait trois ordres distincts
: Le clergé, la noblesse et le tiers-état. Les deux premiers ordres
jouissaient d'énormes privilèges. Quoiqu'ils possédassent la presque
totalité de la fortune territoriale de la France, ils étaient exemptés
d'impôts. tout ce qui n'était pas clergé out noblesse, c'est à dire la
presque totalité de la nation, formant ce qu'on appelait le tiers-état,
devait à lui seul supporter presque toutes les charges et payer presque
tous les impôts.
Vous concevez que pour détruire de tels abus, il y avait de grandes
difficultés à surmonter et de grandes résistances à vaincre. Je crois
que dans le principe tous les honnêtes gens espéraient obtenir la
réforme des abus sans renverser la monarchie ; mais je crois aussi que
lorsqu'on vit qu'on trouvait à la cour et dans les deux ordres
privilégiés, des hésitations, des répugnances et des résistances de
tout genre, certaines têtes exaltées pensèrent que la réforme des abus
ne pourrait être obtenue que par le renversement complet du
gouvernement royal. Alors, à l'aide des clubs, des ambitieux et des
scélérats mirent en avant tout ce qu'il y avait de plus impur dans les
dernières classes des populations, et dés lors la France se trouva
lancée dans toutes les horreurs d'une sanglante révolution, de telle
sorte que de 1791 à 1796 le pays gouverné ou, pour mieux dire, mené par
une infime minorité, ne présenta plus que le spectacle de tyrans se
détruisant successivement les uns les autres.
La journée du 9 thermidor amena la chute de Robespierre et mit fin à ce
qu'on nommait le régime de la terreur. On remplaça le comité de salut
public par un directoire, composé de trois personnes qui avaient en
main le pouvoir exécutif."
Faucheur a écrit ses mémoires en 1886. Il était né le 20/02/1794 et n'a
donc connu la révolution que par ce qu'on lui en dit. Cependant son
analyse d'homme de terrain est intéressante.
Louis XVI se décide à convoquer les états généraux pour le 27/04/1789 à
Versailles, dans l'espoir de calmer le peuple et lever de nouveaux
impôts. (A noter que les états généraux n'avaient pas été convoqués
depuis 1614).
Chacun des trois ordres, (noblesse, clergé et tiers-état), doit élire
ses députés et rédiger des cahiers de doléances.
Les élections des députés ont lieu en mars.
Louis
Albert de Pouilly fut élu par la noblesse de la Meuse pour la
représenter, mais on ignore ce qu'il y fit, à
part s'opposer à la réunion des trois ordres et au vote par tête.
On ignore également le nom des habitants qui participèrent au choix des
représentants du tiers état. Cependant
tout
homme de 25 ans inscrit au rôle des impositions fut appelé à voter.
Les cahiers de doléances.
Le cahier de doléances du village n'existe plus, mais il devait
ressembler à celui des bourgs environnants. En effet des cahiers
types avaient été réalisés. (BN Lb 39 1368). Il n'est donc pas rare de
retrouver les
mêmes termes d'une paroisse à une autre.
Parmi les doléances on trouve régulièrement la trop lourde charge
fiscale. Il est demandé :
- Une juste répartition des impôts sans distinction de rang.
- La suppression de la gabelle (impôt sur le sel).
- La suppression de la dîme.
- La dissolution de la milice en temps de paix qui coûtait très cher en
hommes et en impôts.
- La suppression des droits féodaux comme le cens (redevance en argent
ou en nature), les corvées (de bras, de charrue, de voiture).
- La suppression de droit de banvin (autorisation du seigneur pour
vendre le vin).
- La lenteur et la partialité de la justice.
Mais aussi des revendications de bon sens, comme l'abolition des
pigeonniers.
En effet le seigneur avait le droit de posséder des pigeons, lesquels
dévastaient les semailles.
Mais aussi le refus de voir piétiner ses champs par la cohorte de
chasseurs de la noblesse du coin. Encore que cette pratique ne devait
pas être génèrale.
Le droit de faire pâturer ou laisser les porcs à la glandée dans des
lieux réservés par le seigneur etc.
Pouvaient s'ajouter dans notre Clermontois, les abus commis, comme les
problèmes d'accaparement de bois, de communs (voir le cahier de Cesse
AD08) ou les impôts surajoutés à ceux existants etc.
(Lorraine+France+Clermontois)
En effet, si la noblesse locale n'avait plus tous les droits, les
Condé, eux, veillaient jalousement à leurs prérogatives. Les intendants
depuis Clermont, géraient tout ou presque.
Quelques exemples.
Sous la direction de
Michel Cart,
aujourd'hui décédé, ont été publiés "Les cahiers de doléances
Ardennais" (1989 Isbn 2-86008-000-7)
Celui de
Létanne nous
intéresse, puis qu'étant un village proche de Pouilly. En voici
quelques extraits :
"Sa Majesté ayant permis à toutes les communautés de son royaume et des
habitations les moins connues de faire parvenir jusqu'à elle leurs vœux
et déclamations les habitants de Létanne ont l'honneur de lui faire
leurs remerciements et de lui offrir leur respect et obéissance de ce
que d'après deux siècles elle rend à la nation les états-généraux.
Le plus bel honneur qu'une nation puisse recevoir et sans contredit
d'être appelé à l'intimité des conseillers de son souverain.
Dès ce moment nous partageons la confiance du monarque dont la
sollicitude embrasse ses sujets sans distinction ni de province ni
d'ordre, il suffit d'être français pour apprécier un tel honneur et la
génération qui va naître enviera à la génération présente le bonheur
d'avoir vécu sous le règne auguste de Louis XVI.
Le roi puissant qui se dépouille de l'appareil du trône pour prendre
comme avec ses enfants la qualité de père, qui nous associe à ses
conseils pour coopérer d'une manière efficace le bien de tous autant
son cœur bienfaisant. Létanne ville composée de 49 feux à la distance
d'une lieue et demie de Mouzon, va enfin ouvrir ses yeux sur la
première aurore des beaux jours qui vont luire sur la tête de ses
habitants longtemps opprimés."
"Quoi de plus cruel que cette institution de gabelles les habitants
n'ont a liberté de se pourvoir et d'acheter autant de sel que leur
consommation peut exiger il se trouve souvent forcé d'aller au dehors,
de faire ce qui s'appelle contrebande alors désolation dans les
familles liées garrottés où on vous traîne dans des prisons, où on vous
fait gémir des années entières, où on vous transfère dans les galères
il est donc essentiel que le sel devienne marchand au poids avec de
justes proportions dans chacune des provinces. Alors que de victimes de
moins à la gente des traitants."
"Létanne doit d'autant plus désirer la suppression des aides que livré
à lui-même il essuie souvent des vexations de la part des employés que
possédant un petit canton de vignes sur une de ses côtes, il ne peut
tirer profit de ses récoltes tant par une perception inouïes de droits
multiples que par les entraves auxquelles il est exposé pour sortir de
ses vins !
D'après les motifs ci-dessus déduit les habitants de Létanne doivent
désirer plus que personne le reculement des barrières à l'extrême
frontière il en résulterait un avantage réel ne se rencontrant plus
dans l'intérieur de la France des villes de villages même des provinces
étrangères l'une à l'autre, alors on pourrait commercer librement sans
courir aucun risque."
"Il serait encore à désirer qu'il n'y eut dans tout le royaume qu'une
même aune, même poids et même mesure"
"La classe des manouvrier, qui sans contredit est la plus indigente
supporte un impôt d'industrie ne pourrait-on pas regarder cet impôt
comme l'impôt du sang celui qui n'a que sa substance juste doit être
dispensé de l'impôt car comment pourrait-on rogner le pain du
malheureux à qui il faut un jour pour le gagner.
Un des besoins essentiels de tous les hommes notamment des Chartiers et
laboureurs est la consommation journalière des cuirs tant pour les
chaussures que pour les harnais, et équipages, cependant cette espèce
de marchandises est assujettie à une perception de droits exorbitante
qui affligent non seulement les marchands de cuir mais encore plus ceux
que la nécessité force d'en faire emplette. Ne pourrait-on pas rejeter
cet impôt sur des objets de luxe comme sur la glace, les équipages, les
laquais et les portes cochères etc."
"Reste maintenant à parler des corvées ; qui plus que les deux premiers
ordres doivent acquitter cet impôt de corvée en argent ne sera pas
encore les seuls affranchis de cet impôt un grand nombre de privilégiés
partageant cette prérogative, ils ne peuvent pourtant disconvenir
qu'ils contribuent plus que tous les autres au dépérissement des
chaussées, tant par le nombre de leurs équipages et voitures que par
ceux qui leur amènent avec profusion des denrées et marchandises
étrangères dont ils ne peuvent se passer. Ils serait de la plus grande
équité, que les deux premiers ordres concourent avec le tiers État et
qu'ils acquittent à proportion ledit impôt de corvée."
"De tout quoi nous avons rédigé le présent cahier des plaintes,
doléances et remontrances, qui a été signé de tous les habitants etc."
Autreville
Le cahier d'Autreville n'existe pas (ou plus). Par contre un seul
document parait avoir tenu lieu de à la fois de procès verbal de
l'assemblée des habitants et de cahier par lequel ceux-ci s'en
remettaient à leurs délégués pour défendre l'intérêt du baiilage.
Cesse
Le cahier démarre directement sur un problème de bois (Dieulet). Les
habitants se sentent spoliés par M. le prince de Condé, alors que Cesse
ne fait pas partie du Clermontois.
Louis XIV avait donné à Condé cet "état dans l'état". Le peuple avait
alors été pressuré d'impôts, ne se substituant pas à ceux du Barrois ou
de la Lorraine, mais s'y ajoutant.
D'où une exaspération certaine.
On retrouve également les problèmes récurrents des autres villages :
"Il résulte et existe un autre abus aussi préjudiciable pour les
pauvres peuples qui serait nécessaire de réformer, qui est qu'il soit
défendu aux propriétaires lorsqu'ils voudront faire assigner leurs
débiteurs de ne se servir en première instance que du sergent des
lieux ce qui vient ruineux pour les pauvres débiteurs qui sont obligés
de payer des voyages coûteux.
Un autre abus est que dans les campagnes les seigneurs, ainsi que les
nobles qui ont ou qui prétendent avoir droit de colombier, qu'il soit
ordonné qu'ils soient fermés dans les temps défendus et qu'au cas qu'on
exécute pas ces ordonnances il soit permis de tuer les pigeons.
Enfin supplient très humblement les dits habitants sa majesté de
vouloir continuer les suppliants à aller faire vain pâturer après
la moisson des foins et prairies des bans voisins etc."
On pourrait en citer d'autres, tous sensiblement de la même veine.
Celui par exemple de Beaulieu-en-Argonne, conservé aux
AD55, cote L2146.
Il faut s'imaginer l'espoir des populations dans les réformes
souhaitées
et confiées à ces cahiers ! Mais surtout appréhender leur désespoir
quand ils s'aperçurent que le roi n'en tenait pas ou peu compte.
Cependant ces cahiers ne remettaient pas en cause la monarchie ou la
personne royale, en qui le petit peuple croyait encore.
La
qualité de la rédaction, l'emphase, le respect du roi, l'écriture elle
même, révèlent parfois des scripteurs instruits et précurseurs de la
bourgeoisie qui accaparera la future révolution.
La lecture du livre de Pierre Goubert et Michel Denis, intitulé "1789
Les Français
ont la parole" pourra compléter le sujet. (Collection archives
isbn
2-07-0288588-7)
Les états Généraux.
Les états généraux s'ouvrirent le 05/05/1789
Les députés attendent le discours du roi qui doit apporter des réponses
à la question primordiale: les députés voteront-ils par ordre ou par
tête ?
Le discours d'ouverture de Louis XVI, laissa les députés sans réponse
sur ce point et surprit tout le monde par son ton. En effet, le roi
précisait que les États Généraux étaient réunis à sa demande et que lui
seul serait juge de décider de ce dont il serait débattu. Vint ensuite
le discours du Garde des Sceaux Barentin qui n'apporta rien de plus,
puis celui de Necker, trop technique.
Cette première séance se clôturait de manière décevante pour les
députés. Aucun mot sur une possible constitution, aucune allusion aux
milliers de revendications exposées dans les cahiers remis au Roi,
aucune certitude sur le type de vote.
Le Roi, quant à lui, venait de perdre une bonne occasion de mobiliser
l'ensemble des députés derrière lui. Il aurait pu à la fois conserver
au trône un pouvoir exécutif fort et doter la nation d'une constitution
garante des libertés.
Le lendemain le tiers état refuse de se constituer, puis le
17/06/1789, c'est l'assemblée nationale, puis le serment du jeu de
paume.
Le 9 juillet l'assemblée nationale devient Constituante.
Puis c'est la prise de la Bastille le 14, symbole de l'oppression de
l'ancien régime. En fait il n'y avait que 7 prisonniers.
Mais qu'en fut l'impact dans
notre village au moment des moissons ?
L'abolition des privilèges le 04/08 eut sans doute un autre
retentissement, car c'était une demande pressante des cahiers.
Le 14/12/1789, une loi modifie l'administration municipale qui est
confiée à un maire assisté d'un conseil municipal. (44000 communes se
substituent aux paroisses).
Mais les finances de l'état sont au plus bas. Des impôts et
contributions volontaires sont votés.
Le
28/02/1790, un décret supprime les provinces et crée les départements.
La Meuse vient de naître. Inor devient canton dont Pouilly dépend. Une
liste des
citoyens actifs est établie.
Le 12/07/1790 est votée la constitution civile du clergé. (Une
constitution religieuse rédigée par des incrédules, comme l'a si bien
défini Albert Sorel). Les curés sont élus et doivent prêter serment à
la constitution.
Louis Duhoux curé de Pouilly le refuse et s'exile.
Ce ne fut pas le cas partout et certains curés s'accommodèrent de ce
serment. Ainsi peut-on lire dans les registres de Ballay (08) : "Le 14
juillet 1790 nous avons fait dans notre église la cérémonie de la
confédération qui s'est faite à Paris le même jour. On a chanté la
messe du st Esprit après laquelle j'ai parlé au peuple, ensuite on a
chanté le Veni Creator. J'ai prêté le serment que le maire a prononcé
après moi et a fait prononcer au peuple et cela fini on a chanté le Te
Deum" (AD08 Ballay 1719-1791 172/178)
Le 14/07/1790, c'est la fête de la fédération, commémorant le premier
anniversaire de la prise de la Bastille. Toutes les communes ont
constitué des compagnies de gardes nationaux. A Pouilly c'est Jacques
Fauvelet qui en est capitaine en 1798.
Et le 21/06/1791, Louis XVI est arrêté à
Varennes.
Cette arrestation a plus profondément atteint l'amour-propre des cours
européennes qu'elle n'a ému leur sensibilité. La crainte de voir la
révolution déborder au delà des frontières de la France et menacer les
trônes, les décide à s'entendre pour tenter une intervention commune et
armée dont chacun espère bien tirer quelque profit territorial, sous le
prétexte allégué de délivrer la famille royale et rendre au roi le
libre exercice de son pouvoir.
Le consensus entre le peuple français et la royauté est mis à mal. Le
roi aurait
trahi... On ne fait plus confiance à l'armée royale et l'assemblée
décide de créer une armée nouvelle. Les officiers sont maintenant élus.
Leur autorité en pâtit.
L'armée n'est pas prête, l'argent manque, les fortifications de places
fortes lorraines ne sont pas achevées.
L'émigration commence. Les de Pouilly ont déjà plié bagages.
Mais la France s'inquiète des menaces et de l'armement de l'Autriche et
de la Prusse
Au début de l'année, un camp d'émigrés s'était formé en Belgique à
Virton. Ils font quelques incursions jusque Montmédy, mais sans grande
portée, autre que psychologique.
Le 20/04/1792, la France (et Louis XVI), prenant les devants, déclare
la guerre à
l'Autriche. En fait Louis XVI espèrait une victoire de l'Autriche et
des émigrés.
En Juillet on proclame la patrie en danger et la levée en
masse.
De Dunkerque à Bâle, on compte 3 armées. Notre région est à la jointure
entre l'armée de Rochambeau, (50 000 hommes), couvrant Dunkerque à
Montmédy et celle de La Fayette, (62 000 hommes), couvrant de Montmédy
aux Vosges.
La guerre ne commence qu'à l'été.
Le 27 juillet, Brunswick publie le manifeste qui porte son nom, mais
dont on soupçonne les émigrés d'en être les instigateurs.
La Fayette le 19/08/1792, abandonne son armée, le jour où les
Austro-Prussiens réunis à Coblence, entrent en France. Un certain
"flou" s'installe dans l'armée française.
Le 23 août, Longwy se rend. Les
Prussiens se dirigent sur Verdun qui tombe sans trop de résistance (ce
qui lui sera reproché) le 31/08/1792.
Pendant ce temps Clerfayt à la tête des Autrichiens, se dirige vers
Stenay.
Le 30, l'armée française est à Mouzon, puis le général Dillon se rend à
Stenay.
Mais raconte James Money dans "Souvenirs de la campagne de 1792" page
41 : "Il était à peu près une heure, quand apparurent un si grand
nombre
d'ennemis que Dillon fut forcé de quitter Stenay et de se retirer à
Pouilly".
"Stenay occupé par près de 7 à 8000
hommes ayant du canon avec eux.". (Dillon à Pouilly le 31/08/1792 à
20:00).
"Je reçus l'ordre de le secourir. Cet ordre fut exécuté avec la plus
grande célérité et sur les 8:00 du soir, nous arrivâmes au pont de
Godron. Mais à peine avais-je fait faire halte, que je reçus l'ordre de
retourner sur mes pas. Le lendemain qui était le 1er septembre,
Dumouriez passa par Mouzon avec toute son armée et s'en alla camper à
Beaumont, à peu de distance de nous. Le 2 septembre, l'avant garde
marcha et s'en alla se reposer sur les hauteurs, prés de Chehery. Là
nous apprîmes que Verdun venait de capituler".
Montmedy tombe le 31 août.
Entre temps, le 10 août, eut lieu la prise des Tuileries et le début
des
massacres. Les prêtres réfractaires, par la loi du 26/08/1792, ont 15
jours pour s'expatrier.
Le 02/09/1792, les biens des émigrés sont confisqués en vue d'être
vendus.Voir cette page
ventes des biens.
Le 21/09/1792, la monarchie est abolie. Les vendanges sont proches. A
Pouilly la crainte s'est installée.
L'ennemi est là et vit sur le dos de la communauté. On peut lire les
réclamations des habitants pour les pertes subies.
Dommages 1792
Et puis arrive
Valmy
et le départ des armées ennemies, non sans quelques excès, comme à
Voncq (un Oradour avant l'heure) le 24/09/1792, mais de la part des
émigrés.
Il
y eut comme partout en France un Arbre de la Liberté. Charles
Jean-Baptiste Marie Pilard (1843-1902), écrit : "Chaque bourgeois
apporta son cent
de
foin au pied de l'arbre de la
liberté qui s'élevait sur une petite éminence devant la maison
aujourd'hui à M. Georges (Jean Joseph 1805-1882), le buraliste."
Ces arbres plantés de 1790 à 1792, devinrent symbole de l'idéal
révolutionnaire.
Le calendrier républicain entre en vigueur le
22/09/1792. Tout est bouleversé, les semaines remplacées par des
décades,
les noms de saints disparaissent au profit de noms saluant le travail,
la nature, la patrie etc. Le repos dominical devient le repos décennal
et n'a pas de quoi réjouir le travailleur...
En octobre 1792, les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire de
la république. Ceux qui seront pris les armes à la main seront
exécutés, ceux qui rentreront en France seront condamnés à mort.
Le 21/01/1793 Louis XVI est décapité. Dameras écrit :
"... 21 janvier. Mort de Louis
XVI, roy de France. On l'a fait guillotiner parce qu'il a abdiqué la
constitution. C'est l'affaire du 10 août qui l'a condamné à mort. Ce
qui causera encore la guerre plus fort, toutes les couronnes sont
contre la France. C'est bien fort de faire mourir son roy. Requiescat
in pace Amen..."
En effet la guerre durera jusqu'en 1815.
1793 est l'année de la terreur et de la lutte antireligieuse.
Les
comités de surveillance sont créés.
Pouilly en a un le 15 octobre 1793 et la délation commence dés le 18.
(AD55 L2175).
La petitesse, la jalousie, la rancune s'étalent..
Je ne sais pas si les habitants de notre village participèrent aux
fêtes
pompeuses de l'être suprême. Ce culte destiné à remplacer la
religion traditionnelle, nous semble en notre XXI ème siècle d'un
ridicule achevé.
Dans "Le journal de marche sergent Fricasse de la 127e demi-brigade
1792-1802", il décrit un autel dédié à la déesse Raison : "Cet autel
était construit par derrière avec des branches de chêne ; il avait
douze pieds de diamètre, les balustrades étaient couvertes de tapis de
différentes couleurs; sur l'autel, étaient placés des vases remplis
d'encens, avec la déesse au milieu... Les principaux membres du
cortèges sont montés sur l'autel, et un d'entre eux a fait un discours
sur la fondation de la république etc.". En fait les penseurs de
la révolution recréait une religion laïque...
Car la population rurale en dehors de quelques excités, était toujours
attachée à ses croyances. Le
service religieux, interdit, se faisait clandestinement, aidé par des
gens comme ce
Gobert Brice et sans doute d'autres.
On appréciait
peu ces curés ayant prêté serment et se mariant avec leur gouvernante !
Pierre Jadot, curé constitutionnel de Pouilly, y exerça tout de même
son sacerdoce.
Les édifices religieux non aliénés furent restitués pour l'exercice du
culte par la loi du 11 prairial An III. (30/05/1795).
Mais
dans la plupart des communes du district de Montmedy, comme
partout en France d'ailleurs, les fidèles avaient déjà repris
leurs églises et les prêtres réfractaires leur service, en
aussi grand nombre que les constitutionnels. La convention, mise devant
le fait accompli, n'avait pu que voter la loi du 11 prairial.
La paix religieuse ne reviendra qu'avec la signature du concordat le
15/07/1801. Les prêtres émigrés reviendront. Mais
Duhoux
ne rejoindra
pas son ancienne cure.
La dévotion aura cependant perdu de sa force et si le culte renait
c'est plus pour les sacrements essentiels que pour une pratique de tous
les jours.
En fait nos ancêtres voulaient plus d'équité, moins d'impôts, un peu
plus de facilité à vivre.
Il souhaitaient conserver la royauté, mais une royauté paternelle,
constitutionnelle qui les aurait compris et soulagé.
La suppression des excès des fermiers, un peu moins de morgue de la
part de leurs seigneurs ou curés ou moines.
(A Pouilly comme dans la plupart des campagnes ils étaient sans doute
peu à avoir lu Rousseau, Voltaire et autres philosophes du siècle des
lumières.)
Mais les revendications et colères de ce quatrième ordre furent
habilement exploitées par le bourgeois.
Jean Leflon écrit dans son ouvrage sur Nicolas Philbert (Evêque de
Sedan) :
"La bourgeoisie de la cité (Sedan en l'occurrence, mais ce fut partout
pareil), s'accommode fort du régime nouveau qui garantit sa
prépondérance sur la ci-devant noblesse et confie à son administration
les affaires municipales. Monarchiste, mais monarchiste
constitutionnelle, férue d'ordre et de légalité, si elle se résigne aux
démonstrations populaires de la capitale, qui ont assuré la victoire de
la constitution, c'est avec l'espoir de les contenir en les utilisant
pour faire prévaloir sur les aristocrates ses propres aspirations et
ses propres intérêts. Modérée de tendance, elle entend rester
conservatrice. A ses yeux la révolution est faite puisqu'elle procure à
sa classe tout ce qu'elle en attendait. Il s'agit de maintenir tous les
résultats acquis".
La
vente des
biens d'émigrés
a profité essentiellement à la bourgeoisie. Il suffit pour s'en
convaincre de connaître
les acheteurs à Pouilly. (La Vignette, Prouilly, La Wame, le moulin
etc.).
La restauration a dû en angoisser plus d'un. N'allait-on pas leur
reprendre ce qu'ils avaient acheté en biens nationaux ?
Même
si certains émigrés revinrent (les De Pouilly ne sont pas de ceux là)
et bénéficièrent de la fameuse loi du
milliard le 27/04/1825, c'en était fini de la noblesse traditionnelle.
Au XIX ème, ce seront des entrepreneurs, bourgeois, industriels qui
mèneront l'économie, mais aussi quelques ex-nobles qui n'hésiteront pas
à mettre
la main à la pâte et "fumer leur terres" en se mariant à la roture.
Est-ce à dire que la révolution n'a rien amené au petit peuple de
Pouilly ou ailleurs ?
Non bien sûr.
L'instinct et la protection de la propriété est né. On peut tenter
d'entreprendre. Les droits de l'homme assurent les acquits.
Des lois, des mesures, des libertés existent, les mêmes partout !
L'idée de nation est née, mais on demeure paysans et plutôt pauvres,
dans ces nouvelles entités géographiques que sont les départements. Les
évêchés se calquent sur ces découpages administratifs. Les communes du
nord-meusien, se retrouvent sous la dépendance de Verdun, tandis que la
préfecture est à Bar-le-Duc.
Mais la révolution, ce fut aussi l'abolition de l'esclavage (Que
Napoléon rétablira), la déclaration des droits de l'homme et du
citoyen, l'adoption du système de mesure actuel
Les désordres, le marasme économique, l'effondrement des assignats, la
disette, la conscription, la perte de repères religieux etc. tout cela
expliquera la versatilité de nos ancêtres et leur désir d'un "homme
fort".
Ce sera Napoléon, plus qu'un roi, un empereur mais qui laissera la
France exsangue après des guerres inutiles.
La restauration ramènera la paix mais aussi une perte de liberté.
Noblesse et clergé rivaliseront de manœuvres politiques pour recouvrer
leurs privilèges d'antan. Une fois de plus le peuple répondra par la
révolution, celle de 1830 et 1848 avant de repartir dans un second
empire aussi catastrophique que le premier. Mais c'est un autre
chapitre.
La
vraie révolution arrivera plus tard, avec l'industrialisation, les
transports, les progrès de la médecine. Elle sera sociale.
Elle changera les mentalités
mais hélas sans enrichir le petit peuple. Pouilly n'y échappera pas
avec l'installation d'une
usine textile.
En attendant révolution ou pas, il fallait manger... Et nos ancêtres
retournèrent au travail...
Les dégâts à Pouilly
Le château ne subit que peu de dégâts matériels.
On peut lire dans la page
Retour
du seigneur de Pouilly
"...
Ils entrèrent dans le
château et M. de Pouilly en tête, l'épée au côté et leurs pistolets en
main. Le mobilier était déjà bien dilapidé et les plus belles boiseries
avaient été enlevées. Cependant les panonceaux et des attributs de
noblesse sculptés sur les portes n'avaient pas encore été détruits par
Noël Arnould. Ce ne fut que plus tard...". (Noël Arnould
(19/05/1749-05/02/1835) était maçon, comme de nombreux autres Arnould
de
Pouilly. Encore que lui était né à Germont dans les Ardennes)
Dans l'église quelques plaques funéraires subirent la vindicte de
certains villageois. (A noter, que les tombes des curés ne furent pas
endommagées, signe peut être d'un reste de respect du religieux ?)
A l'extérieur, coté sacristie, une inscription fut burinée.
La qualité de son encadrement laisse supposer l'importance du
personnage qui en bénéficiait.
L'église fut-elle profanée, transformée en temple
et vouée à la déesse de la Raison, à l'être suprême ? On ne sait. La
cloche en tout cas
ne fut pas fondue en canon. Par contre les calices et autres objets
cultuels disparurent comme partout.
Il est aussi à craindre que des archives aient disparues, celles de la
fabrique par exemple. (Je n'en ai pas trouvé trace en république
tchèque.)
En effet on ne
sait pas en quelles circonstances le seigneur de Pouilly s'est enfui à
l'étranger et si il avait pris l'ensemble de ses papiers, voire ceux
de l'église. Le curé
Duhoux avait en effet stocké ses meubles et ses
papiers au château.
On ne sait pas non plus si les habitants de Pouilly ou leurs
représentants,
n'ont pas fait un autodafé de ce qu'ils estimaient être les preuves des
anciens droits de la seigneurie. (Terriers, titres etc.)
Radka Svarickova Slabakova, l'auteur de l'article :
"Les archives de famille de
Mensdorff-Pouilly en Bohéme et en Moravie" (Publication:
Historica. Acta Universitatis Palackianae Olomucensis - Facultas
philosophica (27/1996) page 117 à 125), écrit :
"Les archives de famille de Mensdorff-Pouilly, déposées dans une ville
de
Klatovy en Bohême, n'ont jamais encore été classées. Pourtant, il est
possible
de diviser le fonds en trois parties, selon l'origine des pièces. Les
archives
originelles de la famille de Pouilly, transportées aux pays tchèques et
déposées au château de Nectiny, constituent la première partie du
fonds. Elles
contiennent des pièces, originaux français ou leur copies, datant du
12ème au
18ème siècle."
Voilà qui ouvre des horizons. Je l'ai contactée en 2017 et elle m'a
fourni quelques notes sur des documents qu'elle a consultés.
Une visite en république tchèque s'est donc imposée en 2018. Il me
reste près de 600 photos d'archives à dépouiller !
Les dégradations qui accompagnèrent la révolution, n'honorent pas
forcément leurs auteurs,
mais les condamner sans appel, ferait oublier des
siècles de servitude.
A Pouilly le curé Duhoux, intransigeant, voué aux De Pouilly, régissant
jusqu'aux dates de vendanges, ne pouvait qu'attiser la colère populaire.
On ne peut donc s'étonner des représailles qu'un village se sentant
"libéré", ait pu exercer. On ne brûla cependant pas le château de notre
village, ni ne
pendit qui que ce fut.
Ce ne fut pas (en tout cas à Pouilly), ce que souhaitait le
citoyen Vassant qui devint maire de Sedan. Il réclamait la suppression
physique de tout
ce qui pouvait de prés ou de loin rappeler la monarchie. Tout objet
ayant une fleur de lis ou une couronne devait disparaître, y compris
les
étains dont le poinçon en comportait ou les cloches, les serrures, les
girouettes !
"Hâtez vous de détruire ces signes dégoûtants qui ne peuvent se trouver
que partout où l'on rampe sous un insolent despote". (Lettre du 12
messidor an II) Il était d'autant plus virulent qu'il avait subi
quelques échecs dont il ne se remettait pas.
On est loin encore de ce que décrit
Nicolas Tilliere dans son "Histoire de l'abbaye d'Orval" page 318 :
"La prise de la Bastille, l'arrestation du roi, quel sujet
d'insurrection pour les province ! Voyez vous ces vagabonds de toute
espèce, braconniers, contrebandiers, faux-sauniers, mendiants, repris
de
justice, qui se disent patriotes et poussent le cri sinistre :
Guerre au château, paix aux chaumières.
Puis les paysans racolés par ces bandits se lèvent à leur tour. Excités
par la fièvre du désordre, animés par l'âpre convoitise des biens de la
noblesse et de l'église, ils procèdent méthodiquement à une
dépossession violente et préparent ainsi la curée légale des biens
nationaux.
Dans les 40 000 communes de France, un attroupement de scélérats
fournit sur l'heure des législateurs, des juges et des
bourreaux."
Mais
Nicolas Tilliere écrit en 1897 soit un siècle après ces événements. Il
est surtout ancien curé de Villers-devant-Orval et à ce titre peu
enclin à l'impartialité.
Il existe une littérature surabondante sur la révolution. On peut citer
:
"L'ancien régime et la révolution" d'Alexis de Tocqueville.
"La révolution française" de Gustave Aubry.
"Histoire de la révolution et de l'empire" de Patrice Gueniffey.aux
éditions Perrin. Isbn 978-2-262-03333-0
"Quatre vingt neuf" de Georges Lefebvre. Aux éditions sociales.1970
"L'énigme de Varennes" de Charles Aimond. Les éditions lorraines
Fremont Verdun 1957
"L'arrondissement de Montmédy sous la révolution" par Alfred Pierrot
Les articles de Mourroux concernant Stenay et sa région.
Et quantité d'ouvrages et d'articles que le bicentenaire a fait fleurir.