vente bien émigrésLa révolution à Pouilly


Le village suit le mouvement...


La révolution en France et à Pouilly

La France en cette fin de siècle est en difficulté. Les caisses sont vides. Mais l'augmentation d'impôts pour y remédier n'est plus acceptée...

On peut lire dans  "Souvenir de campagne du sergent Faucheur" ce que pensait ce soldat et sans doute une grande partie de la population :

"Vous n'ignorez pas qu'au début de la révolution française, tous les honnêtes gens étaient d'accord pour reconnaître qu'il y avait de graves abus à réformer ; mais lorsqu'il fut question de procéder aux réformes, il y eut de sérieuses difficultés par l'ardeur des uns, les résistances des autres et par la faiblesse et les indécisions de Louis XVI, ayant toutes les vertus d'un simple citoyen, mais n'ayant pas les qualités indispensables à un roi se trouvant dans une situation difficile, en face d'un peuple ardent, enthousiaste des idées nouvelles et voulant absolument entrer dans la plénitude de droits tels que nous les concevons, depuis que les idées de 1789 ont fait leur chemin.
Avant la révolution, la nation française formait trois ordres distincts : Le clergé, la noblesse et le tiers-état. Les deux premiers ordres jouissaient d'énormes privilèges. Quoiqu'ils possédassent la presque totalité de la fortune territoriale de la France, ils étaient exemptés d'impôts. tout ce qui n'était pas clergé out noblesse, c'est à dire la presque totalité de la nation, formant ce qu'on appelait le tiers-état, devait à lui seul supporter presque toutes les charges et payer presque tous les impôts.
Vous concevez que pour détruire de tels abus, il y avait de grandes difficultés à surmonter et de grandes résistances à vaincre. Je crois que dans le principe tous les honnêtes gens espéraient obtenir la réforme des abus sans renverser la monarchie ; mais je crois aussi que lorsqu'on vit qu'on trouvait à la cour et dans les deux ordres privilégiés, des hésitations, des répugnances et des résistances de tout genre, certaines têtes exaltées pensèrent que la réforme des abus ne pourrait être obtenue que par le renversement complet du gouvernement royal. Alors, à l'aide des clubs, des ambitieux et des scélérats mirent en avant tout ce qu'il y avait de plus impur dans les dernières classes des populations, et dés lors la France se trouva lancée dans toutes les horreurs d'une sanglante révolution, de telle sorte que de 1791 à 1796 le pays gouverné ou, pour mieux dire, mené par une infime minorité, ne présenta plus que le spectacle de tyrans se détruisant successivement les uns les autres.
La journée du 9 thermidor amena la chute de Robespierre et mit fin à ce qu'on nommait le régime de la terreur. On remplaça le comité de salut public par un directoire, composé de trois personnes qui avaient en main le pouvoir exécutif."

Faucheur a écrit ses mémoires en 1886. Il était né le 20/02/1794 et n'a donc connu la révolution que par ce qu'on lui en dit. Cependant son analyse d'homme de terrain est intéressante.


Louis XVI se décide à convoquer les états généraux pour le 27/04/1789 à Versailles, dans l'espoir de calmer le peuple et lever de nouveaux impôts. (A noter que les états généraux n'avaient pas été convoqués depuis 1614).
Chacun des trois ordres, (noblesse, clergé et tiers-état), doit élire ses députés et rédiger des cahiers de doléances.
Les élections des députés ont lieu en mars.

Louis Albert de Pouilly fut élu par la noblesse de la Meuse pour la représenter, mais on ignore ce qu'il y fit, à part s'opposer à la réunion des trois ordres et au vote par tête.
On ignore également le nom des habitants qui participèrent au choix des représentants du tiers état. Cependant tout homme de 25 ans inscrit au rôle des impositions fut appelé à voter.


Les cahiers de doléances.
Le cahier de doléances du village n'existe plus, mais il devait ressembler à celui des bourgs environnants. En effet des cahiers types avaient été réalisés. (BN Lb 39 1368). Il n'est donc pas rare de retrouver les mêmes termes d'une paroisse à une autre.

Parmi les doléances on trouve régulièrement la trop lourde charge fiscale. Il est demandé :
- Une juste répartition des impôts sans distinction de rang.
- La suppression de la gabelle (impôt sur le sel).
- La suppression de la dîme.
- La dissolution de la milice en temps de paix qui coûtait très cher en hommes et en impôts.
- La suppression des droits féodaux comme le cens (redevance en argent ou en nature), les corvées (de bras, de charrue, de voiture).
- La suppression de droit de banvin (autorisation du seigneur pour vendre le vin).
- La lenteur et la partialité de la justice.

Mais aussi des revendications de bon sens, comme l'abolition des pigeonniers. En effet le seigneur avait le droit de posséder des pigeons, lesquels dévastaient les semailles.
Mais aussi le refus de voir piétiner ses champs par la cohorte de chasseurs de la noblesse du coin. Encore que cette pratique ne devait pas être génèrale.
Le droit de faire pâturer ou laisser les porcs à la glandée dans des lieux réservés par le seigneur etc.

Pouvaient s'ajouter dans notre Clermontois, les abus commis, comme les problèmes d'accaparement de bois, de communs (voir le cahier de Cesse AD08) ou les impôts surajoutés à ceux existants etc. (Lorraine+France+Clermontois)
En effet, si la noblesse locale n'avait plus tous les droits, les Condé, eux, veillaient jalousement à leurs prérogatives. Les intendants depuis Clermont, géraient tout ou presque.



Quelques exemples.

Sous la direction de Michel Cart, aujourd'hui décédé, ont été publiés "Les cahiers de doléances Ardennais" (1989 Isbn 2-86008-000-7)

Celui de Létanne nous intéresse, puis qu'étant un village proche de Pouilly. En voici quelques extraits :
"Sa Majesté ayant permis à toutes les communautés de son royaume et des habitations les moins connues de faire parvenir jusqu'à elle leurs vœux et déclamations les habitants de Létanne ont l'honneur de lui faire leurs remerciements et de lui offrir leur respect et obéissance de ce que d'après deux siècles elle rend à la nation les états-généraux.
Le plus bel honneur qu'une nation puisse recevoir et sans contredit d'être appelé à l'intimité des conseillers de son souverain.
Dès ce moment nous partageons la confiance du monarque dont la sollicitude embrasse ses sujets sans distinction ni de province ni d'ordre, il suffit d'être français pour apprécier un tel honneur et la génération qui va naître enviera à la génération présente le bonheur d'avoir vécu sous le règne auguste de Louis XVI.
Le roi puissant qui se dépouille de l'appareil du trône pour prendre comme avec ses enfants la qualité de père, qui nous associe à ses conseils pour coopérer d'une manière efficace le bien de tous autant son cœur bienfaisant. Létanne ville composée de 49 feux à la distance d'une lieue et demie de Mouzon, va enfin ouvrir ses yeux sur la première aurore des beaux jours qui vont luire sur la tête de ses habitants longtemps opprimés."

"Quoi de plus cruel que cette institution de gabelles les habitants n'ont a liberté de se pourvoir et d'acheter autant de sel que leur consommation peut exiger il se trouve souvent forcé d'aller au dehors, de faire ce qui s'appelle contrebande alors désolation dans les familles liées garrottés où on vous traîne dans des prisons, où on vous fait gémir des années entières, où on vous transfère dans les galères il est donc essentiel que le sel devienne marchand au poids avec de justes proportions dans chacune des provinces. Alors que de victimes de moins à la gente des traitants."

"Létanne doit d'autant plus désirer la suppression des aides que livré à lui-même il essuie souvent des vexations de la part des employés que possédant un petit canton de vignes sur une de ses côtes, il ne peut tirer profit de ses récoltes tant par une perception inouïes de droits multiples que par les entraves auxquelles il est exposé pour sortir de ses vins !
D'après les motifs ci-dessus déduit les habitants de Létanne doivent désirer plus que personne le reculement des barrières à l'extrême frontière il en résulterait un avantage réel ne se rencontrant plus dans l'intérieur de la France des villes de villages même des provinces étrangères l'une à l'autre, alors on pourrait commercer librement sans courir aucun risque."

"Il serait encore à désirer qu'il n'y eut dans tout le royaume qu'une même aune, même poids et même mesure"

"La classe des manouvrier, qui sans contredit est la plus indigente supporte un impôt d'industrie ne pourrait-on pas regarder cet impôt comme l'impôt du sang celui qui n'a que sa substance juste doit être dispensé de l'impôt car comment pourrait-on rogner le pain du malheureux à qui il faut un jour pour le gagner.
Un des besoins essentiels de tous les hommes notamment des Chartiers et laboureurs est la consommation journalière des cuirs tant pour les chaussures que pour les harnais, et équipages, cependant cette espèce de marchandises est assujettie à une perception de droits exorbitante qui affligent non seulement les marchands de cuir mais encore plus ceux que la nécessité force d'en faire emplette. Ne pourrait-on pas rejeter cet impôt sur des objets de luxe comme sur la glace, les équipages, les laquais et les portes cochères etc."

"Reste maintenant à parler des corvées ; qui plus que les deux premiers ordres doivent acquitter cet impôt de corvée en argent ne sera pas encore les seuls affranchis de cet impôt un grand nombre de privilégiés partageant cette prérogative, ils ne peuvent pourtant disconvenir qu'ils contribuent plus que tous les autres au dépérissement des chaussées, tant par le nombre de leurs équipages et voitures que par ceux qui leur amènent avec profusion des denrées et marchandises étrangères dont ils ne peuvent se passer. Ils serait de la plus grande équité, que les deux premiers ordres concourent avec le tiers État et qu'ils acquittent à proportion ledit impôt de corvée."

"De tout quoi nous avons rédigé le présent cahier des plaintes, doléances et remontrances, qui a été signé de tous les habitants etc."

Autreville
Le cahier d'Autreville n'existe pas (ou plus). Par contre un seul document parait avoir tenu lieu de à la fois de procès verbal de l'assemblée des habitants et de cahier par lequel ceux-ci s'en remettaient  à leurs délégués pour défendre l'intérêt du baiilage.

Cesse
Le cahier démarre directement sur un problème de bois (Dieulet). Les habitants se sentent spoliés par M. le prince de Condé, alors que Cesse ne fait pas partie du Clermontois.
Louis XIV avait donné à Condé cet "état dans l'état". Le peuple avait alors été pressuré d'impôts, ne se substituant pas à ceux du Barrois ou de la Lorraine, mais s'y ajoutant.
D'où une exaspération certaine.
On retrouve également les problèmes récurrents des autres villages :
"Il résulte et existe un autre abus aussi préjudiciable pour les pauvres peuples qui serait nécessaire de réformer, qui est qu'il soit défendu aux propriétaires lorsqu'ils voudront faire assigner leurs débiteurs de ne se servir en première instance que du sergent des lieux ce qui vient ruineux pour les pauvres débiteurs qui sont obligés de payer des voyages coûteux.
Un autre abus est que dans les campagnes les seigneurs, ainsi que les nobles qui ont ou qui prétendent avoir droit de colombier, qu'il soit ordonné qu'ils soient fermés dans les temps défendus et qu'au cas qu'on exécute pas ces ordonnances il soit permis de tuer les pigeons.
Enfin supplient très humblement les dits habitants sa majesté de vouloir continuer les suppliants  à aller faire vain pâturer après la moisson des foins et prairies des bans voisins etc."


On pourrait en citer d'autres, tous sensiblement de la même veine.
Celui par exemple de Beaulieu-en-Argonne, conservé aux AD55, cote L2146.

Il faut s'imaginer l'espoir des populations dans les réformes souhaitées et confiées à ces cahiers ! Mais surtout appréhender leur désespoir quand ils s'aperçurent que le roi n'en tenait pas ou peu compte.
Cependant ces cahiers ne remettaient pas en cause la monarchie ou la personne royale, en qui le petit peuple croyait encore.
La qualité de la rédaction, l'emphase, le respect du roi, l'écriture elle même, révèlent parfois des scripteurs instruits et précurseurs de la bourgeoisie qui accaparera la future révolution.

La lecture du livre de Pierre Goubert et Michel Denis, intitulé "1789 Les Français ont la parole" pourra compléter le sujet. (Collection archives isbn  2-07-0288588-7)



Les états Généraux.
Les états généraux s'ouvrirent le 05/05/1789
Les députés attendent le discours du roi qui doit apporter des réponses à la question primordiale: les députés voteront-ils par ordre ou par tête ? Le discours d'ouverture de Louis XVI, laissa les députés sans réponse sur ce point et surprit tout le monde par son ton. En effet, le roi précisait que les États Généraux étaient réunis à sa demande et que lui seul serait juge de décider de ce dont il serait débattu. Vint ensuite le discours du Garde des Sceaux Barentin qui n'apporta rien de plus, puis celui de Necker, trop technique.
Cette première séance se clôturait de manière décevante pour les députés. Aucun mot sur une possible constitution, aucune allusion aux milliers de revendications exposées dans les cahiers remis au Roi, aucune certitude sur le type de vote.
Le Roi, quant à lui, venait de perdre une bonne occasion de mobiliser l'ensemble des députés derrière lui. Il aurait pu à la fois conserver au trône un pouvoir exécutif fort et doter la nation d'une constitution garante des libertés.

Le lendemain le tiers état refuse de se constituer, puis le 17/06/1789, c'est l'assemblée nationale, puis le serment du jeu de paume.
Le 9 juillet l'assemblée nationale devient Constituante.
Puis c'est la prise de la Bastille le 14, symbole de l'oppression de l'ancien régime. En fait il n'y avait que 7 prisonniers.
Mais qu'en fut l'impact dans notre village au moment des moissons ?
L'abolition des privilèges le 04/08 eut sans doute un autre retentissement, car c'était une demande pressante des cahiers.

Le 14/12/1789, une loi modifie l'administration municipale qui est confiée à un maire assisté d'un conseil municipal. (44000 communes se substituent aux paroisses).

Mais les finances de l'état sont au plus bas. Des impôts et contributions volontaires sont votés.
Le 28/02/1790, un décret supprime les provinces et crée les départements. La Meuse vient de naître. Inor devient canton dont Pouilly dépend. Une liste des citoyens actifs est établie.
Le 12/07/1790 est votée la constitution civile du clergé. (Une constitution religieuse rédigée par des incrédules, comme l'a si bien défini Albert Sorel). Les curés sont élus et doivent prêter serment à la constitution. Louis Duhoux curé de Pouilly le refuse et s'exile.
Ce ne fut pas le cas partout et certains curés s'accommodèrent de ce serment. Ainsi peut-on lire dans les registres de Ballay (08) : "Le 14 juillet 1790 nous avons fait dans notre église la cérémonie de la confédération qui s'est faite à Paris le même jour. On a chanté la messe du st Esprit après laquelle j'ai parlé au peuple, ensuite on a chanté le Veni Creator. J'ai prêté le serment que le maire a prononcé après moi et a fait prononcer au peuple et cela fini on a chanté le Te Deum" (AD08 Ballay 1719-1791 172/178)

Le 14/07/1790, c'est la fête de la fédération, commémorant le premier anniversaire de la prise de la Bastille. Toutes les communes ont constitué des compagnies de gardes nationaux. A Pouilly c'est Jacques Fauvelet qui en est capitaine en 1798.

Et le 21/06/1791, Louis XVI est arrêté à Varennes. Cette arrestation a plus profondément atteint l'amour-propre des cours européennes qu'elle n'a ému leur sensibilité. La crainte de voir la révolution déborder au delà des frontières de la France et menacer les trônes, les décide à s'entendre pour tenter une intervention commune et armée dont chacun espère bien tirer quelque profit territorial, sous le prétexte allégué de délivrer la famille royale et rendre au roi le libre exercice de son pouvoir.
Le consensus entre le peuple français et la royauté est mis à mal. Le roi aurait trahi... On ne fait plus confiance à l'armée royale et l'assemblée décide de créer une armée nouvelle. Les officiers sont maintenant élus. Leur autorité en pâtit.
L'armée n'est pas prête, l'argent manque, les fortifications de places fortes lorraines ne sont pas achevées.
L'émigration commence. Les de Pouilly ont déjà plié bagages.

Mais la France s'inquiète des menaces et de l'armement de l'Autriche et de la Prusse
Au début de l'année, un camp d'émigrés s'était formé en Belgique à Virton. Ils font quelques incursions jusque Montmédy, mais sans grande portée, autre que psychologique.
Le 20/04/1792, la France (et Louis XVI), prenant les devants, déclare la guerre à l'Autriche. En fait Louis XVI espèrait une victoire de l'Autriche et des émigrés.
En Juillet on proclame la patrie en danger et la levée en masse.
De Dunkerque à Bâle, on compte 3 armées. Notre région est à la jointure entre l'armée de Rochambeau, (50 000 hommes), couvrant Dunkerque à Montmédy et celle de La Fayette, (62 000 hommes), couvrant de Montmédy aux Vosges.

La guerre ne commence qu'à l'été.
Le 27 juillet, Brunswick publie le manifeste qui porte son nom, mais dont on soupçonne les émigrés d'en être les instigateurs.
La Fayette le 19/08/1792, abandonne son armée, le jour où les Austro-Prussiens réunis à Coblence, entrent en France. Un certain "flou" s'installe dans l'armée française.
Le 23 août, Longwy se rend. Les Prussiens se dirigent sur Verdun qui tombe sans trop de résistance (ce qui lui sera reproché) le 31/08/1792.
Pendant ce temps Clerfayt à la tête des Autrichiens, se dirige vers Stenay.
Le 30, l'armée française est à Mouzon, puis le général Dillon se rend à Stenay.
Mais raconte James Money dans "Souvenirs de la campagne de 1792" page 41 : "Il était à peu près une heure, quand apparurent un si grand nombre d'ennemis que Dillon fut forcé de quitter Stenay et de se retirer à Pouilly".
"Stenay occupé par près de 7 à 8000 hommes ayant du canon avec eux.". (Dillon à Pouilly le 31/08/1792 à 20:00).
"Je reçus l'ordre de le secourir. Cet ordre fut exécuté avec la plus grande célérité et sur les 8:00 du soir, nous arrivâmes au pont de Godron. Mais à peine avais-je fait faire halte, que je reçus l'ordre de retourner sur mes pas. Le lendemain qui était le 1er septembre, Dumouriez passa par Mouzon avec toute son armée et s'en alla camper à Beaumont, à peu de distance de nous. Le 2 septembre, l'avant garde marcha et s'en alla se reposer sur les hauteurs, prés de Chehery. Là nous apprîmes que Verdun venait de capituler".
Montmedy tombe le 31 août.

Entre temps, le 10 août, eut lieu la prise des Tuileries et le début des massacres. Les prêtres réfractaires, par la loi du 26/08/1792, ont 15 jours pour s'expatrier.
Le 02/09/1792, les biens des émigrés sont confisqués en vue d'être vendus.Voir cette page ventes des biens.
Le 21/09/1792, la monarchie est abolie. Les vendanges sont proches. A Pouilly la crainte s'est installée.
L'ennemi est là et vit sur le dos de la communauté. On peut lire les réclamations des habitants pour les pertes subies. Dommages 1792

Et puis arrive Valmy et le départ des armées ennemies, non sans quelques excès, comme à Voncq (un Oradour avant l'heure) le 24/09/1792, mais de la part des émigrés.

Il y eut comme partout en France un Arbre de la Liberté. Charles Jean-Baptiste Marie Pilard (1843-1902), écrit : "Chaque bourgeois apporta son cent de foin au pied de l'arbre de la liberté qui s'élevait sur une petite éminence devant la maison aujourd'hui à M. Georges (Jean Joseph 1805-1882), le buraliste."
Ces arbres plantés de 1790 à 1792, devinrent symbole de l'idéal révolutionnaire.

Le calendrier républicain entre en vigueur le 22/09/1792. Tout est bouleversé, les semaines remplacées par des décades, les noms de saints disparaissent au profit de noms saluant le travail, la nature, la patrie etc. Le repos dominical devient le repos décennal et n'a pas de quoi réjouir le travailleur...

En octobre 1792, les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire de la république. Ceux qui seront pris les armes à la main seront exécutés, ceux qui rentreront en France seront condamnés à mort.

Le 21/01/1793 Louis XVI est décapité. Dameras écrit :
"... 21 janvier. Mort de Louis XVI, roy de France. On l'a fait guillotiner parce qu'il a abdiqué la constitution. C'est l'affaire du 10 août qui l'a condamné à mort. Ce qui causera encore la guerre plus fort, toutes les couronnes sont contre la France. C'est bien fort de faire mourir son roy. Requiescat in pace Amen..."
En effet la guerre durera jusqu'en 1815.

1793 est l'année de la terreur et de la lutte antireligieuse.
Les comités de surveillance sont créés.
Pouilly en a un le 15 octobre 1793 et la délation commence dés le 18. (AD55 L2175).
La petitesse, la jalousie, la rancune s'étalent..

Je ne sais pas si les habitants de notre village participèrent aux fêtes pompeuses de l'être suprême. Ce culte destiné à remplacer la religion traditionnelle, nous semble en notre XXI ème siècle d'un ridicule achevé.
Dans "Le journal de marche sergent Fricasse de la 127e demi-brigade 1792-1802", il décrit un autel dédié à la déesse Raison : "Cet autel était construit par derrière avec des branches de chêne ; il avait douze pieds de diamètre, les balustrades étaient couvertes de tapis de différentes couleurs; sur l'autel, étaient placés des vases remplis d'encens, avec la déesse au milieu... Les principaux membres du cortèges sont montés sur l'autel, et un d'entre eux a fait un discours sur la fondation de la république etc.". En fait les penseurs de la révolution recréait une religion  laïque...
Car la population rurale en dehors de quelques excités, était toujours attachée à ses croyances. Le service religieux, interdit, se faisait clandestinement, aidé par des gens comme ce Gobert Brice et sans doute d'autres.
On appréciait peu ces curés ayant prêté serment et se mariant avec leur gouvernante !
Pierre Jadot, curé constitutionnel de Pouilly, y exerça tout de même son sacerdoce.
Les édifices religieux non aliénés furent restitués pour l'exercice du culte par la loi du 11 prairial An III. (30/05/1795).
Mais dans la plupart des communes du district de Montmedy, comme partout en France d'ailleurs, les fidèles avaient déjà repris leurs églises et les prêtres réfractaires leur service, en aussi grand nombre que les constitutionnels. La convention, mise devant le fait accompli, n'avait pu que voter la loi du 11 prairial.
La paix religieuse ne reviendra qu'avec la signature du concordat le 15/07/1801. Les prêtres émigrés reviendront. Mais Duhoux ne rejoindra pas son ancienne cure.
La dévotion aura cependant perdu de sa force et si le culte renait c'est plus pour les sacrements essentiels que pour une pratique de tous les jours.

En fait nos ancêtres voulaient plus d'équité, moins d'impôts, un peu plus de facilité à vivre.
Il souhaitaient conserver la royauté, mais une royauté paternelle, constitutionnelle qui les aurait compris et soulagé.
La suppression des excès des fermiers, un peu moins de morgue de la part de leurs seigneurs ou curés ou moines.
(A Pouilly comme dans la plupart des campagnes ils étaient sans doute peu à avoir lu Rousseau, Voltaire et autres philosophes du siècle des lumières.)
Mais les revendications et colères de ce quatrième ordre furent habilement exploitées par le bourgeois.
Jean Leflon écrit dans son ouvrage sur Nicolas Philbert (Evêque de Sedan) :
"La bourgeoisie de la cité (Sedan en l'occurrence, mais ce fut partout pareil), s'accommode fort du régime nouveau qui garantit sa prépondérance sur la ci-devant noblesse et confie à son administration les affaires municipales. Monarchiste, mais monarchiste constitutionnelle, férue d'ordre et de légalité, si elle se résigne aux démonstrations populaires de la capitale, qui ont assuré la victoire de la constitution, c'est avec l'espoir de les contenir en les utilisant pour faire prévaloir sur les aristocrates ses propres aspirations et ses propres intérêts. Modérée de tendance, elle entend rester conservatrice. A ses yeux la révolution est faite puisqu'elle procure à sa classe tout ce qu'elle en attendait. Il s'agit de maintenir tous les résultats acquis".

La vente des biens d'émigrés a profité essentiellement à la bourgeoisie. Il suffit pour s'en convaincre de connaître les acheteurs à Pouilly. (La Vignette, Prouilly, La Wame, le moulin etc.).
La restauration a dû en angoisser plus d'un. N'allait-on pas leur reprendre ce qu'ils avaient acheté en biens nationaux ?
Même si certains émigrés revinrent (les De Pouilly ne sont pas de ceux là) et bénéficièrent de la fameuse loi du milliard le 27/04/1825, c'en était fini de la noblesse traditionnelle.
Au XIX ème, ce seront des entrepreneurs, bourgeois, industriels qui mèneront l'économie, mais aussi quelques ex-nobles qui n'hésiteront pas à mettre la main à la pâte et "fumer leur terres" en se mariant à la roture.

Est-ce à dire que la révolution n'a rien amené au petit peuple de Pouilly ou ailleurs ?
Non bien sûr.
L'instinct et la protection de la propriété est né. On peut tenter d'entreprendre. Les droits de l'homme assurent les acquits.
Des lois, des mesures, des libertés existent, les mêmes partout !
L'idée de nation est née, mais on demeure paysans et plutôt pauvres, dans ces nouvelles entités géographiques que sont les départements. Les évêchés se calquent sur ces découpages administratifs. Les communes du nord-meusien, se retrouvent sous la dépendance de Verdun, tandis que la préfecture est à Bar-le-Duc.

Mais la révolution, ce fut aussi l'abolition de l'esclavage (Que Napoléon rétablira), la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'adoption du système de mesure actuel

Les désordres, le marasme économique, l'effondrement des assignats, la disette, la conscription, la perte de repères religieux etc. tout cela expliquera la versatilité de nos ancêtres et leur désir d'un "homme fort".
Ce sera Napoléon, plus qu'un roi, un empereur mais qui laissera la France exsangue après des guerres inutiles.
La restauration ramènera la paix mais aussi une perte de liberté. Noblesse et clergé rivaliseront de manœuvres politiques pour recouvrer leurs privilèges d'antan. Une fois de plus le peuple répondra par la révolution, celle de 1830 et 1848 avant de repartir dans un second empire aussi catastrophique que le premier. Mais c'est un autre chapitre.

La vraie révolution arrivera plus tard, avec l'industrialisation, les transports, les progrès de la médecine. Elle sera sociale.
Elle changera les mentalités mais hélas sans enrichir le petit peuple. Pouilly n'y échappera pas avec l'installation d'une usine textile.

En attendant révolution ou pas, il fallait manger... Et nos ancêtres retournèrent au travail...



Les dégâts à Pouilly

Le château  ne subit que peu de dégâts matériels.
On peut lire dans la page Retour du seigneur de Pouilly

"... Ils entrèrent dans le château et M. de Pouilly en tête, l'épée au côté et leurs pistolets en main. Le mobilier était déjà bien dilapidé et les plus belles boiseries avaient été enlevées. Cependant les panonceaux et des attributs de noblesse sculptés sur les portes n'avaient pas encore été détruits par Noël Arnould. Ce ne fut que plus tard...". (Noël Arnould (19/05/1749-05/02/1835) était maçon, comme de nombreux autres Arnould de Pouilly. Encore que lui était né à Germont dans les Ardennes)

Dans l'église quelques plaques funéraires subirent la vindicte de certains villageois. (A noter, que les tombes des curés ne furent pas endommagées, signe peut être d'un reste de respect du religieux ?)
A l'extérieur, coté sacristie, une inscription fut burinée. La qualité de son encadrement laisse supposer l'importance du personnage qui en bénéficiait.
L'église fut-elle profanée, transformée en temple et vouée à la déesse de la Raison, à l'être suprême ? On ne sait. La cloche en tout cas ne fut pas fondue en canon. Par contre les calices et autres objets cultuels disparurent comme partout.
Il est aussi à craindre que des archives aient disparues, celles de la fabrique par exemple. (Je n'en ai pas trouvé trace en république tchèque.)

En effet on ne sait pas en quelles circonstances le seigneur de Pouilly s'est enfui à l'étranger et si il avait pris l'ensemble de ses papiers, voire ceux de l'église. Le curé Duhoux avait en effet stocké ses meubles et ses papiers au château.
On ne sait pas non plus si les habitants de Pouilly ou leurs représentants, n'ont pas fait un autodafé de ce qu'ils estimaient être les preuves des anciens droits de la seigneurie. (Terriers, titres etc.)

Radka Svarickova Slabakova, l'auteur de l'article : "Les archives de famille de Mensdorff-Pouilly en Bohéme et en Moravie" (Publication: Historica. Acta Universitatis Palackianae Olomucensis - Facultas philosophica (27/1996) page 117 à 125), écrit :
"Les archives de famille de Mensdorff-Pouilly, déposées dans une ville de Klatovy en Bohême, n'ont jamais encore été classées. Pourtant, il est possible de diviser le fonds en trois parties, selon l'origine des pièces. Les archives originelles de la famille de Pouilly, transportées aux pays tchèques et déposées au château de Nectiny, constituent la première partie du fonds. Elles contiennent des pièces, originaux français ou leur copies, datant du 12ème au 18ème siècle."
Voilà qui ouvre des horizons. Je l'ai contactée en 2017 et elle m'a fourni quelques notes sur des documents qu'elle a consultés.
Une visite en république tchèque s'est donc imposée en 2018. Il me reste près de 600 photos d'archives à dépouiller !

Les dégradations qui accompagnèrent la révolution, n'honorent pas forcément leurs auteurs, mais les condamner sans appel, ferait oublier des siècles de servitude.
A Pouilly le curé Duhoux, intransigeant, voué aux De Pouilly, régissant jusqu'aux dates de vendanges, ne pouvait qu'attiser la colère populaire.
On ne peut donc s'étonner des représailles qu'un village se sentant "libéré", ait pu exercer. On ne brûla cependant pas le château de notre village, ni ne pendit qui que ce fut.

Ce ne fut pas (en tout cas à Pouilly), ce que souhaitait le citoyen Vassant qui devint maire de Sedan. Il réclamait la suppression physique de tout ce qui pouvait de prés ou de loin rappeler la monarchie. Tout objet ayant une fleur de lis ou une couronne devait disparaître, y compris les étains dont le poinçon en comportait ou les cloches, les serrures, les girouettes !
"Hâtez vous de détruire ces signes dégoûtants qui ne peuvent se trouver que partout où l'on rampe sous un insolent despote". (Lettre du 12 messidor an II) Il était d'autant plus virulent qu'il avait subi quelques échecs dont il ne se remettait pas.

On est loin encore de ce que décrit Nicolas Tilliere dans son "Histoire de l'abbaye d'Orval" page 318 :
"La prise de la Bastille, l'arrestation du roi, quel sujet d'insurrection pour les province ! Voyez vous ces vagabonds de toute espèce, braconniers, contrebandiers, faux-sauniers, mendiants, repris de justice, qui se disent patriotes et poussent le cri sinistre :
Guerre au château, paix aux chaumières.
Puis les paysans racolés par ces bandits se lèvent à leur tour. Excités par la fièvre du désordre, animés par l'âpre convoitise des biens de la noblesse et de l'église, ils procèdent méthodiquement à une dépossession violente et préparent ainsi la curée légale des biens nationaux.
Dans les 40 000 communes de France, un attroupement de scélérats fournit sur l'heure des législateurs, des juges et des bourreaux."
Mais Nicolas Tilliere écrit en 1897 soit un siècle après ces événements. Il est surtout ancien curé de Villers-devant-Orval et à ce titre peu enclin à l'impartialité.



Il existe une littérature surabondante sur la révolution. On peut citer :
"L'ancien régime et la révolution" d'Alexis de Tocqueville.
"La révolution française" de Gustave Aubry.
"Histoire de la révolution et de l'empire" de Patrice Gueniffey.aux éditions Perrin. Isbn 978-2-262-03333-0
"Quatre vingt neuf" de Georges Lefebvre. Aux éditions sociales.1970
"L'énigme de Varennes" de Charles Aimond. Les éditions lorraines Fremont Verdun 1957
"L'arrondissement de Montmédy sous la révolution" par Alfred Pierrot
Les articles de Mourroux concernant Stenay et sa région.

Et quantité d'ouvrages et d'articles que le bicentenaire a fait fleurir.