Louis Albert de Pouilly
Avant l'émigration
Il est né à Pouilly le 13 décembre 1731, fils de
Louis Joseph de
Pouilly et
Luce Louise de
Hezecques.
Nous n'avons pas son acte de naissance car les registres de 1730 à 1737
ont disparu.
On sait qu'il était plutôt corpulent car "... on reconnut
l'ancien seigneur à cheval, toujours
gras et fort, l'émigration ne lui avait point fait tort à la
santé.". C'est ce qu'on dit de lui lors de son bref retour en
1792.
Le "Dictionnaire historique et biographique de la révolution et de
l'empire 1789-1815" de Robinet Jean-François Eugène (1825-1899),
page 666 nous dit :
"Le 23/12/1746, (il est) cornette au régiment Royal-cavalerie, en 1757,
capitaine au régiment de Boisfremont-dragons, 08/06/1789, commandant
d'une brigade de cavalerie à Hainaut...".
Il eut "un
cheval tué sous lui à
Lawfeld". La bataille se déroula le 2 juillet 1747 près de Maastricht
où les
armées alliées subirent une cruelle défaite. (SHAT, MC 3047, doss.
Pouilly.).
Il fit une partie des campagnes de la guerre de Sept ans
(1756-1763) et parvint au
grade de maréchal de camp.
Chevalier de Saint-Louis, il siégea à l'assemblée provinciale des Trois
évêchés, puis le 1er avril 1789 fut élu député de la noblesse aux
États-Généraux pour le bailliage de Verdun.
Il s'opposa à la réunion des trois ordres et au vote par tête.
"Le député de la noblesse du bailliage de Verdun, obligé par son mandat
de ne délibérer par tête, qu'autant que la majorité de l'ordre de la
noblesse seulement y aurait consenti, déclare qu'il ne peut prendre
part à aucunes délibérations qui pourraient être prises par les trois
ordres réunis, jusqu'à ce qu'il ait reçu de nouveaux pouvoirs de ses
commettants, de laquelle déclaration il demande acte." A Versailles, le
30 juin 1789.
Mais ses travaux à l'assemblée ne furent pas assidus et dés le
08/11/1789, il demande qu'on lui nomme un suppléant, au prétexte qu'il
avait des affaires
à gérer et démissionne finalement le 30/05/1790.
Les AD08 conservent la copie d'une lettre qu'il adressa à un député du
Barrois. Il explique quel fut son rôle dans le maintien de l'évêché de
la Meuse à Verdun. Elle est datée du 28/07/1790.
Arrêté (en août 1791) par la municipalité de Rivière-Verdun, il se
réclama
de l'Assemblée, qui donna l'ordre de la remettre en liberté. Il fit
partie du comité des domaines, fut nommé commissaire-conciliateur, et
donna sa démission de député le 30 mai 1790.
(Biographie extraite du "Dictionnaire des parlementaires français de
1789 à 1889 par Adolphe Robert, Edgar Bourloton et
Gaston Cougny. ^page 30 Bourloton éditeur à Paris 1891).
Il avait épousé le 2 décembre 1762, à Louppy-sur-Loison,
Marie Henriette de
Vassinhac d'Imécourt,
qui décéda à 25 ans le 26 décembre 1768 à Inor, sans
postérité. (AD55 Louppy-sur-Loison 1750-1769 67/108) C'est le
curé de Pouilly, Billet qui officie dans la chapelle castrale du
château.
Il avait bénéficié d'une dispense de bans du 25/11/1762
("Inventaire-sommaire des Archives départementales antérieures à 1790:
Marne" fol 394 page 178 )
Aux AD55, on trouve les sommes dues pour l'établissement et
l'enregistrement du contrat de mariage.
"Contrat de mariage fait entre messire Louis Joseph (en fait Albert) de
Pouilly, baron
de Chaufour, résidant en Clermontois et demoiselle Henriette de
Vassinhac d'Imécourt, aussi résidant au dit pays. Le mari qui est
majeur se constitue en dot le terroir de Pouilly, Chaufour et autres
immeubles non estimés et situés dans le Clermontois lesquels lieux lui
appartiennent.
La dite demoiselle future, mineure, et procédant sous l'autorité et
tutelle de la dame de Custines de Wiltz, sa mère, se constitue en dot
tous les droits, terres, seigneuries et immeubles qui lui sont échus
par la succession du sgr son père, le tout situé dans les pays du
Clermontois et Luxembourg, non estimés. Elle est en outre dotée de la
dame sa mère, d'une somme de 20 000 livres en avancement d'hoirie.
La dame comtesse de Gevigny, mère du mari (Il s'agit de Luce Louise de
Hezéques, remariée à Gevigny Joseph, comte de Pointe), lui fait
donation
entre vifs, pure simple et irrévocable de la terre de Monceville (en
fait Montzeville 55) et dépendances située dans le Clermontois.
Comparait au dit contrat de mariage, M. le comte de Custines de Wiltz,
oncle maternel de la demoiselle future épouse, lequel lui fait
donation... de terres, seigneuries, haute, moyenne et base justice,
d'Allamont (54), Dompierre (55), Brainville (54) et dépendances, le
tout situé en Lorraine et du bailliage de cette ville exceptée une
petite portion située à Sponville (54), France qui est estimée au
contrat à 2500 livres de France, le surplus situé en Lorraine estimé au
même contrat 50000 livres de France aussi.
Le seigneur futur époux fait donation à la demoiselle de la somme de
3 000 livres pour lui tenir lieu de bagues et joyaux". (AD55 C 1257).
Il se remaria à Roussy prés de Thionville le 3 avril 1770, avec
Marie
Antoinette Philippine de Custines,
née à Metz le 20 Août 1746 et décédée
à Bayreuth le 29 mars 1800.
Une dispense de ban avait été demandée. (AD51 Registre des insinuations
ecclésiastiques du diocèse de Reims 1767-1771 Fol 191).
Un contrat de mariage fut
signé le 02/04/1770 auprès de Bonjean, notaire à Thionville. (AD57 3 E
7935).
La copie du contrat est collationnée par Me Goffard à Stenay. (AD55 C
3164).
Elle était la sœur du général en chef, comte de Custine, mort sur
l'échafaud le 28 avril 1793.
Elle lui apporta en dot le comté de Roussy.
Notre Albert Louis faisait donc un beau mariage, lui qu'on peut
qualifier de pauvre vis-à-vis de sa belle-famille ! Ils eurent 8
enfants
de 1771 à 1785.
La richesse lui importait peu écrivait-il : "...Je n'ai jamais envisagé
mon métier (de militaire) du côté de l'argent et je servais,
parfaitement, content de mon traitement... ce n'est point l'argent que
je désire...". (SHAT, MC 3047, lettre d'Albert-Louis de Pouilly du 22
mars 1784.).
Mais c'était tout de même le nerf de la guerre et en 1787, Albert-Louis
de Pouilly signa une quittance d'un montant de 6 976 livres
10 sous (payable en deux ans), pour un droit de passage de minorité et
dispense
d'âge, afin que son fils Louis-Joseph, âgé à peine de huit ans, puisse
être reçu au rang "des chevaliers de
justice en la vénérable langue de France et Grand Prieuré de
Champagne".
Emmanuel, à l'époque de la Révolution, aurait du devenir un chevalier
de Malte.
(SOAK, RAMP, cart. I, n° 15, doss. A.
).
Charles Pilard parle de Louis Albert dans son ouvrage " Souvenir d'un
vieux
Sedanais", page 32 à propos de M. de Vissecq-Latude, lequel sera
assassiné plus tard dans des conditions assez sordides.
Ce Vissecq qui avait refusé d'émigrer s'entourait du restant de
noblesse de la région les visitant et les recevant.
"Un
de ses plus intimes amis était M. de Pouilly,(Albert Louis donc),
grand-père du (futur) comte Mensdorff-Pouilly qui fut récemment
ministre de l'empereur d'Autriche et seigneur du village de la Meuse
qui porte son nom. Un jour donc il arriva que La Fayette avec les
officiers de la place (de Sedan) examinait les réparations qu'on
faisait
aux fortifications des portes de Balan, au moment où M. de
Vissesq et M. de Pouilly rentraient en ville à cheval. La Fayette et
son
entourage s'attendaient à échanger au moins des saluts avec ces
cavaliers décorés de la croix de Saint-Louis, mais les deux
gentilhommes passèrent raides, sans paraître les avoir remarqués, et
le général en fut extrêmement froissé, d'autant plus qu'il avait connu
jadis à la cour M. de Pouilly qui était colonel d'un régiment de
hussards.".
Il quitte la France sans doute en juillet/août 1790. Son dossier
militaire
signale qu'il a cessé de servir le 01/07/1790. (SHAT MC3047 Pouilly).
Le 10/04/1792 les loyers, fermages etc. qui lui sont dûs sont saisis.
Il apparait sur la liste des émigrés du 01/07/1793 avec son épouse et
ses domestiques. Lesquels, gens du peuple, se verront considérés comme
hostiles à la révolution, alors qu'ils ne faisaient qu'obéir à leurs
"maîtres".
S’il ne
fut, à l’opposé de ce qu’ont cru de nombreux
généalogistes de la famille, ni ambassadeur à la cour de Berlin, ni
général-commandant de Luxembourg, s’il ne rejoignit pas l’armée
contre-révolutionnaire, sa position dans les événements de 1792 n'en
fut pas moins
importante. Dans le cadre d’un contact étroit avec les princes, il se
vit
confier des missions importantes.
Tout d’abord, en mai 1792, il est chargé de recevoir le régiment de
Royal-Allemand cavalerie, à Bittburg (à environ à 25 km au nord-est de
Trèves) et accorder à chacun des cavaliers une gratification "d’un
petit écu (trois livres) par homme". Puis il délivre aux
émigrés au Luxembourg des certificats, attendant son grand moment qui
devait arriver avec le premier affrontement des "républicains" et
des
armées coalisées. (Radmila Slabakova)
Le baron de Pouilly fut remarqué par le duc de Brunswick car il
connaissait bien la région qui allait dés le 23 août être envahie par
l'armée prussienne.
Il participe à la prise de Longwy, puis Verdun le 02/09/1792.
Mais à
Valmy le 20/09/1792, tout espoir de reprendre pied
en France est perdu. C'est le retour vers l'exil.
Pour lui ce fut dans un premier temps le Luxembourg (jusqu'en
1794) où il était
"possessionné". Il y accueille son vieux complice, le curé
Duhoux et
son frère.
A. Lapierre en parle dans son ouvrage "Campagne des émigrés dans
l'Argonne en 1792".
Page 13, "...Cependant il arrive toujours des émigrants. Ils reçoivent,
à Luxembourg, un passeport du baron Louis-Albert de Pouilly et se
rendent à Coblenz etc."
Page 20, "...Le roi (de Prusse) avait un cortège d'émigrés attaché à sa
personne. Le baron de Roll représentait le comte d'Artois et le marquis
de Lambert le comte de Provence... Le baron de Pouilly et Heymann se
joignirent à eux.".
Page 29, A propos du siège de Verdun qui tombera le 02/09/1792, "...MM.
de Pouilly et Turpin avaient signalé les endroits propres à établir des
batteries.".
Page 30, "Ribiere (un monarchiste de Verdun), alla au devant des
Prussiens et embrassa de Pouilly, qui marchait à la tête des troupes.".
Page 30, " Le duc (de Brunswick) avait amèrement reproché au baron de
Pouilly et au général Lambert les promesses mensongères des émigrés.
Ils s'étaient vantés d'avoir des intelligence dans le pays, d'être sûrs
des commandants de place, du mécontentement des troupes, des sentiments
royalistes des campagnes, et partout on se heurtait à l'hostilité du
pays etc.".
Page 61, "... Le général prussien interrogea le baron Albert de
Pouilly,
qui était de la suite du roi et qui en sa qualité de gentilhomme
ardennais, connaissait assez les trouées de l'Argonne pour guider la
marche en avant. De Pouilly lui conseilla de prendre à gauche et de
tourner Les Islettes etc.".
Radmila Slabakova dans sa thèse de 1999, "Le destin d'une famille noble
etc." met en doute cet auteur et parle des "informations
fabuleuses de Lapierre". C'est dommage qu'elle n'argumente pas ses
doutes.
C'est vrai que Lapierre donne une importance à notre De Pouilly qui
semble démesurée. Il parle avec les généraux prussiens, se fait tancer
par Brunswick, fait partie de la suite du roi en sa qualité de
"gentilhomme ardennais"..(sic).
Cela semble un peu exagéré.
Arthur Chuquet dans sa thèse, "La campagne de l'Argonne",
présentée à la faculté des lettres de
Paris en 1886, nous apprend également :
Page 81, "Le duc Charles, Ferdinand voulait entreprendre une guerre de
siège et non une guerre de campagne. Il exposa ses intentions le 1er
septembre, avant la reddition de Verdun, au camp de la côte
Saint-Michel, dans la tente du roi après le dîner. Les princes de
Hohenlohe,
de Bade, de Nassau-Siegen, les émigrés Lambert et Pouilly...
assistaient à ce conseil de guerre improvisé...".
Page 82, Brunswick est partisan de passer l'hiver sur la rive droite de
la Meuse et au printemps 1793 continuer la campagne. "...Mais Lambert,
Pouilly, Nassau-Siegen ne partageaient pas l'opinion du général en chef
etc.".
De Pouilly aurait donc pris une part active à la campagne de 1792 ?
Quand Luxembourg fut menacé par les armées française, Albert Louis
de Pouilly chercha un refuge plus sûr à Miltenberg. C'est là
qu'il mourut le 29/06/1795.
Sa veuve, ses enfants et sa suite composée de 9 personnes se
réfugièrent alors à Bayreuth. L'argent manquait cruellement et la
baronne se décida à demander aux princes le remboursement des frais de
la campagne de 1792, qui se montaient à 45 000 livres. Mais ce fut en
vain.
Dans "Mémoires du marquis de Toustain 1790-1823" publiées par la
marquise de Perry de Nieuil, Plon 1833, pages 108 et 109, on peut lire :
La baronne de Pouilly à Beyreuth, où elle arriva "...ne possédant
que quatre louis, avec sa famille et sa suite, composée de neuf
personnes qu'elle y a soutenues décemment pendant plusieurs années,
n'ayant que le produit de son travail, de celui de ses enfants et des
gens qui lui étaient attachés"
A ses déboires financiers s'ajoutèrent une série de décès, trois fils
et deux filles. Elle même s'éteignit le 29/03/1800 à Beyreuth..
Il ne restait plus qu'Emmanuel et deux filles, Amélie et Adèle.
Pour la petite histoire, le 23 août 1787, il avait accueilli au château
de Pouilly cette fameuse
comtesse de Sabran
qui fit les "délices" des historiens locaux.
Ses biens furent vendus comme biens nationaux, ce qui nous permet de
connaître l'importance de sa fortune.
L'inventaire de ses biens date du 03/05/1792. (AD55 Q959).
Voir la
vente des biens d'émigrés.
Les contributions patriotiques suite à la loi du 06/10/1789 font état
d'un don de 3072 livres, ce qui devait correspondre au quart
des revenus du baron, soit 12288 livres.
Ses archives retrouvées à Nepomuk en république tchèque, nous montre un
homme qui sait compter. Ses inventaires et comptes sont soigneusement
tenus
Le petit
détour par Pouilly
Sa petite incursion à Pouilly lors de son retour de
Valmy,
nous
en apprend beaucoup sur son
caractère. Voir la page de ce
retour
provisoire.
On peut aussi en déduire qu'il n'était pas au
courant du fameux
trésor découvert à Pouilly en 2006.
Sinon pourquoi l'aurait-il abandonné, alors qu'en position de force
vis-à-vis des villageois, rien ne pouvait s'opposer à sa récupération.
C'était un ennemi de
la
révolution et le parfait représentant de la noblesse de l'ancien
régime, arrogante et jalouse de ce qu'elle considérait comme ses
droits.
Il était sans doute loyal et très attaché à la personne du roi.
Son fils
Emmanuel Mensdorff Pouilly et ses descendants,
ne firent
que confirmer le peu de cas qu'ils faisaient de la France.
Les restaurations successives, la loi du milliard, ne les ont pas fait
revenir. Il faut reconnaître que leur brusque ascension sociale et
politique ne devait guère les inciter au retour...
Louis Albert de Pouilly écrivait : "Il me serait facile d'obtenir ma
radiation. Or je ne veux pas, absolument
pas faire aucun acte de reconnaissance d'aucune autorité usurpatrice.
Je sais
fort bien que je fais un sacrifice, mais la justice et l'honneur qui
sont ma
première règle, le commandent. (Histoire de la noblesse
française 1789-1989, t. I : "Les aristocrates, De la
Révolution au Second Empire", Albin Michel, Paris, 1988, p. 218
Christian de Bartillat).
Une
généalogie ambigüe...
A lire aussi cette curieuse généalogie que notre Louis Albert se serait
concoctée, et que pratiquement tous les "historiens" ont adoptée
aveuglément.
On peut lire cette page concernant
Victor de
Poliaco