Le pont de la gare
Ce pont est récent mais réclamé depuis des lustres sous forme d'un pont
ou d'une chaussée surélevée.
En
effet pour se rendre à la gare, il fallait compter avec les crues, or
le transport ferroviaire (y compris le courrier) était alors important
et la récupération des
marchandises n'était pas sans risque.
De plus les cultivateurs et bûcherons devaient emprunter ce chemin.
Cette nuisance aurait
empêché dit-on, l'implantation à Pouilly, de la papèterie, qui de ce
fait
s'installa à
Stenay...
Si cette idée d'implantation fut un jour envisagée, une analyse du
cadastre montre que le terrain disponible, condamnait ce projet.
Pourtant dés le 18/03/1879, l'agent voyer avait établi un projet avec
plan d'une levée insubmersible avec passerelle ou travées
insubmersibles.
Il ne fut pas pris en considération, puisqu'il est présenté à nouveau à
Montmédy le 08/04/1884, sans doute après la réunion du conseil
municipal le 03/01/1883 où il était dit :
"...depuis longtemps déjà l'administration municipale a eu la pensée
d'élever la chaussée entre les ponts et la gare, chaussée qui, pendant
la saison d'hiver est couverte par les eaux du débordement et la voie
de communication entre la gare et le village se trouve interceptée. On
ne peut passer qu'en bateau ou en voiture. Le passage en voiture n'est
pas toujours sans dangers, car cette année encore nous avons été sur le
point d'un accident. Le 30 décembre, un homme passant avec son fils
dans son cabriolet a failli y périr etc."
Il est donc proposé l'élévation de la chaussée par l'établissement d'un
nombre d'arches convenables pour l'écoulement des eaux. Ce souhait
est d'autant plus justifié que la décision d'établir le chemin
vicinal de Pouilly à Luzy vient d'être actée dans cette même séance.
L'agent voyer se remet au travail et le 28/11/1884, présente le projet
avec plans et chiffrage.
Cependant les moyens de la commune sont insuffisants face à une dépense
de 80 à 85 mille francs. Elle fait en effet construire la maison
d'école des filles et l'établissement d'un cimetière nouveau. Elle
compte donc sur l'aide de l'administration et s'engage à souscrire un
emprunt de 20 000 fr à la caisse vicinale. (AD55 8 O 589) Voir la page
voirie.
Le projet n'alla pas plus loin...
Le 29/03/1885 le conseil municipal adopte le projet d'une levée avec 13
ouvertures de décharge, sous réserve d'une subvention de 65 %. Il
rappelle que Pouilly a déjà consacré 200 000francs pour construction de
deux ponts et 30 000 pour celle d'une école de filles, et ce, sans
subventions.
La délibération part en préfecture.
Le 30/06/1885 l'agent voyer écrit au préfet :
"Par une note du 24 juin courant à laquelle était joint le projet de
construction, sur 355 m de longueur ...entre le pont sur le canal du
moulin et le chemin de fer... comprenant un pont de 13 ouvertures de
décharge dans la vallée, vous me demandez de vous adresser au sujet de
cette affaire... telles propositions nouvelles que je pourrai juger
convenable". Il explique au préfet qu'il ne reste que 3376 fr sur
l'emprunt départemental de 200 000 et que les travaux ne peuvent être
envisagés.
Le 09/07/1885 le conseil municipal vu l'état de ses finances préfère
ajourner le projet. la chaussée étant évaluée à 53 057 francs.
Il faut attendre le 06/10/1908 et la délibération du conseil municipal
pour que ça bouge :
"...il fait ressortir aussi que
d'autres travaux urgents vont être également à la charge de la commune
notamment l'établissement d'une chaussée reliant le village à la gare à
travers les prés..."
A quelle date fut exécutée cette chaussée ? Sans doute entre 1909 et le
début de la guerre.
Mais elle n'était pas insubmersible et le problème des crues demeurait.
En 1918 l'armée américaine lors de patrouilles de reconnaissance, note
: "Ce que nos premières patrouilles avaient pris pour un pont
intact était en réalité une longue chaussée au dessus de la plaine
jusqu'au canal."
On le constate en effet sur cette photo allemande d'avant 1917. (La
mairie n'a pas encore été incendiée).
Les Allemands avaient construit une passerelle en bois après 1917. Elle
reliait le village à la gare.
C'est cette passerelle que les Américains n'ont pas
considéré comme un pont stricto-sensu à la
libération de Pouilly
On la distingue d'ailleurs dans la galerie photos.
Jean Guichard se souvenait en 1919 avoir traversé sur une passerelle
portant des rails de chemin de fer.
Cette passerelle avait servi au transport des grumes, pillées dans les
bois de Jaulnay, et qui sciées par les Allemands servaient de bois de
tranchée.
Et en effet un compte rendu du conseil municipal en session
extraordinaire, daté du 25/10/1920, nous apprend :
"M. le président expose au conseil que la passerelle en bois établie
par les Allemands lors de l'occupation, reliant le village à la gare,
est sur le point d'être supprimée. Il prie le conseil d'aviser au moyen
de la conserver.
Le conseil après en avoir délibéré, considérant que cette passerelle,
construite en bois, supportée par des chevalets espacés est d'une
utilité incontestable pour la commune, surtout au moment des
inondations qui durent parfois plusieurs mois d'hiver, que sa
suppression obligerait les piétons se rendant à la gare, le facteur
allant au train pour son service à traverser l'eau, ce qui serait très
désagréable, demande à monsieur le préfet et à l'administration des
ponts et chaussées de vouloir bien renoncer à la démolition de la dite
passerelle.
Au cas où au court des inondations, des arbres ou des branchages
viendraient à s'arrêter contre les chevalets, obstruant ainsi le
passage des eaux, le conseil décide de faire procéder aux frais de la
commune à l'enlèvement immédiat de ces arbres ou branchages etc."
Lors d'une session du conseil municipal du 05/08/1923 il est envisagé
la construction d'une levée insubmersible :
"Considérant que les communications avec la gare de la localité sont
interrompues une bonne partie de l'hiver en raison des crues qui
recouvrent le chemin vicinal ordinaire qui aboutit à la station, lequel
est submersible.
Que cette situation est non seulement préjudiciable à la population de
Pouilly mais trouble aussi les relations avec les communes voisines.
Que la construction d'une levée insubmersible supprimerait tous les
inconvénients actuels.... demande à M. le préfet Etc."
Le 14/07/1924 rien n'est fait. La commune de Pouilly relance auprès du
préfet la construction d'une levée insubmersible. "...elle est décidée
à consentir tous les sacrifices nécessaires pour arriver à ce résultat,
mais que ses ressources étant limitées, elle ne pourra aboutir etc."
En janvier 1925 le conseil adopte l'idée d'un emprunt de 125000 francs
pour un ensemble de travaux : bâtiments communaux et eaux 40000,
électrification de la commune, 30000, établissement d'une chaussée
insubmersible vers la gare 50000, le téléphone 5000 francs.
Le 12/04/1931 le maire en séance du conseil, explique qu'en " raison de
la situation financière et des travaux urgents à faire dans la commune,
il ne peut prendre l'initiative de la construction d'une levée
insubmersible du canal de l'est à la ligne de chemin de fer". Il
maintient toute fois la subvention de 50 000 francs à condition que la
levée soit à 2 voies et que les villages de Moulins, Autreville et Inor
participent par une subvention proportionnée au bénéfice qu'elles en
tireront.
Le 19/02/1932, un écrit (feuille volante aux AD55) du conseil municipal
nous apprend que la levée n'est toujours pas faite.
"M. le président lit la proposition du service vicinal en ce qui
concerne la construction d'une chaussée insubmersible à Pouilly. Après
examen de ces propositions, tant du coté financier que du coté
technique, le conseil émet les conclusions suivantes :
1- La commune accepte de participer financièrement à ce projet jusqu'à
concurrence de 50 000 francs. Somme qui ne pourra être dépassée.
2 - De l'expérience des diverses crues, il semble qu'un ouvrage de
décharge de 90 mètres est superflu. Trois ouvrages(un à chaque
extrémité et un au centre) d'environ 5 mètres seraient suffisant et
réduiraient les dépenses permettant d'établir 2 voies charretières. De
même de part et d'autre et à chaque extremité, il serait nécessaire
d'établir une sortie sur la prairie obliquement par rapport à la levée"
Le conseil du 27/02/1932 accepte les plans et devis de la levée
insubmersible. 49 000 Fr sont votés et seront financés par un emprunt.
Pour la petite histoire, voici un courrier d'Yvonne Luperne-Berthelemy
(1909-2001) du 07/01/1991 :
"Les débordements de la Meuse m'ont fait penser aux inondations
d'autrefois où, avec le pépère, nous allions en charrette à chevaux, en
traversant la prairie inondée où l'eau arrivait jusqu'au ventre des
chevaux, chercher les sacs de courrier à la gare. Le courant était très
fort, les chevaux, de solides percherons, avaient besoin de toute leurs
forces pour ne pas se laisser entrainer, et nous avec.
quelques arbres existaient le longe du chemin qui permettaient de se
guider et de rester sur la route empierrée. C'était la période
héroïque..."
Lettre communiquée par Anne Marie Guichard.
Le "pépère" était Alibé Adolphe Berthelemy, (1859-1937) facteur
receveur à Pouilly.