Des douaniers à Pouilly
En épluchant l'état civil de Pouilly au XIX ème, l'abondance d'actes concernant des douaniers peut surprendre.
Que certains viennent y passer leur retraite, soit, mais qu'un tel nombre s'y établissent laisse supposer une activité
importante au village.
Je me suis donc adressé à l'AHAD (Association pour l' Histoire de l' Administration des Douanes) à La Rochelle.
M. Giroire, vice-président,m'a aimablement répondu :
"Je suis le vice-président de l'AHAD à laquelle vous avez adressé un
courriel en objet concernant la brigade des douanes locale au début du
XIXe siècle.
Nous allons bien entendu faire quelques recherches et vous tiendrons au courant.
Sachez que nous ne disposons pas de la cartographie des brigades à
cette période. Sachez aussi que traditionnellement la surveillance de
la ligne frontière se faisait selon 3 niveaux.: l'extrême frontière, une
seconde ligne en arrière (10 à 20 km) et enfin une troisième ligne à 30
ou 40 km.
La situation géographique de Pouilly accrédite l'appartenance à la troisième ligne.
Vos recherches montrent une présence de 1817 à 1848 de la brigade. Qu'en-est-il ensuite ?
Des recherches aux AD 55 (série P finances) sont susceptibles d'apporter une réponse.
Les annuaires des douanes ne reprennent pas cette brigade en 1927 où
figurent Carignan, Douzy et elle a donc été supprimée dans cet
intervalle.".
Aux archives départementales de la Meuse, les documents de la cote "224
P 1 Douanes. Affaires générales, personnel (1814-1931)" donnent quelques
éclaircissements à cette affaire.
Voici un courrier du 26/06/1816, du directeur de la douane de Thionville, à M. le préfet du département de la Meuse :
"L'article 36 de la loi du 28 avril dernier, a étendu à 2 myriamètres
et demi de la frontière, le rayon soumis à la police de la douane.
(Un myriamètre = 10 km ou 3 lieues environ). L'article 40, de la dite loi, a prescrit en même temps l'établissement
de brigades chargées d'exercer le droit de poursuite de la fraude. J'ai
l'honneur de vous prévenir M. le préfet, que conformément aux ordres
que j'ai reçus de M. le conseiller d'état, directeur général des
douanes, il va être provisoirement établi des postes à cet effet, en
attendant une organisation plus complète. Ces postes seront fixés dans
les communes ci-après de votre département, savoir :
Autreville, arrondissement de Montmédy, 1 brigade
Martincourt, Damvillers et Spincourt, idem.
Je vous prie M. le préfet d'avoir la bonté de donner à Messieurs les maires de
ces différentes communes, des instructions en conséquence de
l'établissement etc.".
C'est donc à Autreville, commune toute proche de Pouilly que devait
s'établir une brigade. Mais un autre courrier du 03/08/1816, émanant de
la même autorité et toujours à l'attention du préfet revient sur le
choix d'Autreville.
"J'ai l'honneur de vous informer que par suite de nouveaux arrangements
pris dans l'intérêt du service, pour le placement de la brigade de
nouvelle création, dans la partie de ma direction dépendant de votre
département, celle que je vous avais annoncée devoir être établie à
Autreville sera transférée à Pouilly sur la rive droite de la Meuse etc.".
Dans l'annuaire de la Meuse de 1835 page 290 (AD55 BIBR 114) on peut lire :
"Le département de la Meuse est compris dans la direction de
Thionville; Il forme une inspection divisionnaire dont le chef-lieu est
Montmedy; cette inspection s'étend :
En première ligne, depuis la limite du département au point de Fagny,
où elle se joint à l'inspection de Sedan, jusqu'à Bure-la-Ville,
département de la Moselle, où elle lie son service avec la
sous-inspection de Longwy.
En 2ème ligne, depuis le point de Pouilly jusqu'à celui de Rouvrois, ayant Thionville en arrière.
L'inspection de Montmédy est divisée en trois contrôles qui sont ceux
de Montmédy, Marville, 1ère ligne frontière et Jametz, 2ème ligne. Les
lignes du premier de ces contrôles s'étendent depuis Fagny jusqu'à
Ecouviez; celles du deuxième, partent de Velosnes et vont jusqu'à
Bure-la-Ville; enfin celles du troisième appuyées sur la Meuse, la
Chiers et Loison, s'étendent du ruisseau de Létanne, prés Pouilly, aux
confins de Rouvroy.".
Voilà donc l'explication de la présence des douaniers dans notre village.
Quelques éléments pour comprendre cette implantation :
À partir de 1815, l'installation durable du
protectionnisme, assure à la douane une place de premier plan dans
l'appareil d'État. La surveillance douanière se renforce sur tout le
territoire.
Prohibitions et droits de douane élevés doivent protéger l'agriculture et l'industrie.
Comme sous la Ferme Générale,
la douane du XIX ème siècle est cloisonnée en deux services :
- Les
agents des bureaux (service sédentaire), relativement favorisés, dépendent de la
direction générale pour leur recrutement et pour leur avancement.
- Les agents de brigade (service actif), organisés militairement. Ils se distinguent par le port de l'uniforme et des
armes. Les conditions de travail sont dures et la rémunération assez
faible. Les brigades comptent dans leurs rangs beaucoup d'anciens
militaires et de fils de douaniers embauchés comme demi-soldes. Ce sont ceux là qui nous intéressent à Pouilly.
En 1860 le retour
du libre-échange assouplit la réglementation douanière, ce qui stimule
les échanges internationaux, que le chemin de fer et la navigation à
vapeur accélèrent.
A Pouilly la disparition de la brigade semble antérieure à 1860 si on
en juge par la population douanière extraite de l'état civil.
La liste des douaniers.
Voici une liste, non exhaustive de ces agents qui ont vécu à Pouilly.
Non exhaustive, car certains
n'ont pas laissé de trace de leur passage dans l'état civil.
Jean-François Joly est préposé
des douanes royales dans la brigade de Pouilly. Il déclare la naissance
de son fils Pierre Albert le 02/03/1817, qu'il a eu avec son épouse Anne
Dorothée Salzer.
Avant d'être douanier il était tailleur d'habits à Badonvillers
Le 14/06/1814 il était préposé des domaines en cantonnement à Ennetieres-en-Weppes (59) où nait Christine Marguerite Sophie.
Le 15/09/1819 il a un autre fils
Jean François Joly, qui entrera dans la carrière militaire, et décèdera au Val-de-Grâces le 30/12/1844.
Le 30/04/1839 se marient à Thionville Pierre Joseph Joly et Madelaine
Moreaux. C'est aussi un de leurs fils né à Badonviller (54) le
04/06/1809. Mais en 1839 ils sont déjà décédés.
Nicolas Gaspard Frings est
lieutenant des douanes royales de la brigade de Pouilly et y habite.
Il était né à Cologne le 05/08/1783 et fut naturalisé le 03/12/1817
Marié à Marie Françoise Julie Bardurouy (en fait Badureau), il déclare la naissance de
Lambert son fils le 20/06/1821. (AD55 1813-1822 xx/200).
Il avait déjà eu Catherine Thérèse le 21/04/1817 et Louis Joseph le 20/03/1819.
Ils s'étaient mariés à Othe (54) le 01/01/1815. Auparavant il était en poste à Chauvency, mais lequel ?
Jean Baptiste Colin est préposé
des douanes royales de la brigade de Pouilly et y habite. Marié à Marie
Balan qui accouche d'Anne Thérèse le 03/02/1821. (AD55 1813-1822
xx/200). On ne sait rien d'autre sur eux.
Nicolas Pelletier est préposé
aux douanes royales de la brigade de Pouilly. Il déclare son fils
Nicaisse, né le 12/03/1819. Il est l'époux de Françoise Maudoi. On ne
sait rien d'autre sur eux. (AD55 1813-1822 124/200).
Onésime Jurion est sous-lieutenant des douanes royales de la brigade de Pouilly. Il a avec
Nicole Cochaux, un fils Louis Jurion le 20/05/1819. (AD55 1813-1822
125/200). Il avait eu auparavant une fille Jeanne née le 18/01/1800 à
Charency-Vezin en Meurthe-et-Moselle. C'est donc comme les autres
employés des douanes une pièce rapportée au village, au hasard de ses
affectations.
Il est né le 30/09/1775 à Boutancourt (08) et décédé à Prez (08) le 19/12/1862.
Remy Michel Chausson est
lieutenant des douanes royales de la brigade de Pouilly, où il est
domicilié. Il épouse Marie Sophie Berlet le 21/07/1823. (AD55
1823-1832 75/212).
Il
était né à Alland'huy-et-Sausseuil (08) le 25/10/1790. Il est
mort à Coucy (08) le 20/10/1864, à 73 ans et journalier. Ce qui
surprend pour un ancien lieutenant des douanes... (AD08 Coucy
1863-1872 34/171).
Jean Nicolas Chaussier est
employé dans les douanes royales de la brigade de Pouilly. Marié le 03/08/1812 à Anne
Claire Nikeltz, il déclare le 18/05/1825 la naissance de son fils Jean
Chrisostome. Au décès de cet enfant le 29/05/1827, la mère est appelée Anne Claire Niquelle. (AD55 1823-1832 160/212).
Il est né à Richemont (57), le 04/12/1789.
Jean Louis Brabant, 38
ans, est employé dans les douanes de la brigade royale de Pouilly,
quand il perd son épouse Anne-Marie Bazare le 28/05/1826. (AD55
1823-1832 157/212).
Nicolas Grégoire, natif de
Grand-Verneuil (55) est préposé des douanes royales de la brigade de
Pouilly. Epoux de Anne Josèphe Dassis, il décède à l'âge de 63 ans au
village le 07/02/1829. (AD55
1823-1832 167/212).
Mathieu Jacob âgé de 59 ans,
domicilié à Pouilly, préposé des douanes de la brigade royale de
Pouilly, comme grand-père déclare le décès de Jean Milers le
02/03/1829, fils de Pierre Milers âgé de 30 ans, préposé et de Marie-Anne Jacob décédée.
Il décède le 31/03/1832 à l'âge de 62 ans. Ses père et mère sont
inconnus, d'après l'acte. En fait il était né le 06/04/1770 à Bassing,
en Moselle, de Mathieu Jacob et de Maria André. Il se marie le
03/07/1794 à Morhange (57) à Catherine Thomas, née le 03/11/1768 à
Morhange et décédée à Pouilly le 26/10/1842.
Arnould Renaux est employé des douanes, quand il déclare la naissance de sa fille Marie-Catherine le 25/09/1829. (AD55 1823-1832 49/212).
En 1807 il avait eu une fille Anne Elisabeth née à Bockum près de
Dusseldorf, en ce qui était alors la Prusse. Il était marié à Marie
Marguerite Koeppen née en Allemagne et qui décédera à Pouilly le
26/06/1864 après avoir donné naissance à 9 enfants de 1807 à 1829. Un
espace intergenesique de 1807 à 1813, laisse supposer quelques enfants
de plus ou quelques fausses couches.
Claude Remy Toully âgé de 59
ans est employé des douanes à Pouilly. Il était né à Jonquery (51) vers 1772. Il déclare la naissance de sa
fille Anne-Marie le 08/10/1831. (AD55 1823-1832 60/212), puis Marie Marcelline en 1834.
Il s'était marié à Marie Françoise
Sauvage le 02/09/1829 à Thonnelle.
Jacques Bernard Avocat âgé de
44 ans est employé des douanes et domicilié à Pouilly. Il déclare
la naissance de sa fille Léonide Emelie le 10/03/1834 qu'il a eu de
Marie-Catherine Robert. Elle était originaire de Laneuville où ils se
sont mariés le 12/02/1816. Il était alors en poste à Fagny, commune de
Breux (55). Marie-Catherine Robert est une des rares à avoir encore sa
tombe ou tout au moins sa stèle, dans le cimetière autour de l'église de Pouilly.
Né à Evian dans le royaume de Sardaigne le 09/04/1790, le 11/06/1817 lui
sont accordées ses "lettres de naturalité". En effet la Savoie ne fut
rattachée à la France que le 27/11/1792.
Il est alors sous-lieutenant. (Mémoires et documents publiés par la société Savoisienne d'histoire... 1878 T17 page 339).
Augustin Xavier Dournel, 43
ans, sous-lieutenant des douanes, époux de Marie Baro, 41 ans,
originaire d'Alberstroff (57), déclare la naissance de Nicolas Adolphe
son fils le 16/03/1834. (AD55 1833-1842 46/352).
Il déclare aussi le 08/06/1846 sa petite-fille Marie Julie Adelphine, enfant naturel de sa fille Marie. (AD55 1843-1852 88/369).
Il était originaire de Galametz (62) né vers 1789. Il décède à Pouilly le 18/07/1847 et son épouse le 28/02/1876.
Nicolas Joseph Bonnet sous-lieutenant des douanes royales, âgé de 28
ans, déclare la naissance de son fils Joseph le 29/08/1834 qu'il a eu
de Marguerite Maquet. (AD55 1833-1842 48/352).
Le 11/05/1841 il n'est plus à Pouilly car il déclare la naissance de son fils Alphonse à Juvigny-sur-Loison.
Né le 10/03/1804 à Juvigny, il décède à Remoiville le 12/02/1875.
Jean Philippe Petitjean est
employé aux douanes royales de Pouilly quand il déclare le décès de sa
fille Anne-Marie le 04/09/1834. (AD55 1833-1842 60/352).
Jean-Louis Isidore Brasseur est retraité des douanes à Pouilly. Il a 54 ans et se remarie à Marie-Josèphe Saussette, vigneronne de 41 ans le 28/04/1835.
Ils en profitent pour reconnaître Madeleine, une fille qu'ils ont eue le 30/12/1829. (AD55 1833-1842 77/352).
Il était marié précédemment à Marguerite Pieronnet, décédée le
28/03/1829 à Hayange (57), soit neuf mois avant la naissance de cette
Madeleine.
La peine de perdre sa femme n'avait pas entamé semble-t-il la le besoin de s'exprimer de notre Jean-Louis Isidore.
A sa décharge si j'ose dire, Marie-Jeanne Saussette semblait
hospitalière puisqu'elle eut auparavant quatre enfants de pères non
connus.
Antoine Noël est employé des
douanes. Marié à Marguerite Genin, il en a deux enfants Alexisse qui
décède le 04/12/1837, (AD55 1833-1842 126/352) et Louis le 31/01/1840. (AD55 1833-1842 182/352).
Ils habitaient une maison à l'ancien château.
Dominique Mathieu est employé
des douanes. Marié à Marguerite Berno, il déclare le décès de son fils
Jean-François Mathieu le 26/01/1840. (AD55 1833-1842 182/352).
Jean Baptiste Claude, sous-brigadier des douanes, marié à Rosalie Franclet, déclare la naissance de
Léon Émile Claude le 19/08/1842. (AD55 1833-1842 224/352).
Antoine Lafolie est douanier.
Il épouse Madeleine Josèphine Galot le 27/04/1842. Elle est la fille de
Charles François Galot, lui aussi préposé des douanes. (AD55 1833-1842
239/352). Sur l'acte il signe "
Lafolly".
Il est né à Nouart (08) le 16/051814. Les archives concernant les
naissances ont disparues, par contre celles des mariages existent
toujours et si on y trouve le patronyme Lafolie, celui de Lafolly
n'existe pas. Avait il honte de son nom ?
La copie de son acte de naissance se trouve dans les registres de
Pouilly avec le nom Lafolly, mais elle date de 1842, (AD55 1833-1842
340/352) et d'ailleurs notre Antoine signe au verso Lafolie... Il est
décédé à Velosnes le 28/10/1875. (AD55 Velosnes 1873-1882 52/231)
Jean Dominique Matheu est employé des douanes. Il déclare le décès de sa fille Marie-Jeanne le 20/08/1842. (AD55
1833-1842 246/352).
Louis Victor Compère est douanier. Le 22/05/1844 il déclare la
naissance de Marie Josephine qu'il a eu de Marie Caroline Lafolie.
(AD55 1843-1852 38/369).
Joseph Hanen, douanier âgé de 45 ans déclare le décès de sa fille, Josèphine Sophie Hanen, le 08/12/1846. (AD55 1843-1852 108/369)
Pierre Hippolyte Bernaux est
douanier, domicilié à Pouilly. Marié à Marie Barbe Alpret, il déclare la
naissance de Jean-Baptiste Virgile, son fils le 14/06/1847. (AD55
1843-1852 114/369).
Louis Brinster est douanier, domicilié à Pouilly. Son épouse Agnès Camus accouche de Marie Catherine Zélia le 01/08/1848. (AD55
1843-1852 133/369).
L'étude de l'état civil aprés 1848 ne fait plus état de personnes travaillant dans les douanes à Pouilly.
On peut donc en conclure que le bureau de Pouilly a disparu ou a été transféré dans un autre lieu.