Le pâtre
Contrairement à l'idée bucolique qu'on peut s'en faire, mener paître un
troupeau n'était pas une sinécure.
En effet les clôtures barbelées ou électriques n'existaient pas.
Certaines parcelles étaient interdites, seigneuriales ou ensemencées,
ou simplement réservées par un propriétaire.
Le soin des bêtes était comme pour les gens, empirique, et le
vétérinaire souvent hors de portée financière et géographique des
paysans.
La crainte du loup n'est pas une légende et nombreux furent les enfants
qui en firent l'expérience en Lorraine.
La Meuse, abreuvoir naturel, était aussi un danger pour les
animaux.
Sans oublier l'agressivité de certaines bêtes : Taureaux, animaux en
chaleur etc.
On imagine aisément la responsabilité du pâtre si une bête venait à
disparaitre.
Les communautés firent donc appel à des gens capables de mener le
troupeau du village sur les communs ou aisances.
Cette activité existait encore au début du XX ème et faisait l'objet
d'un strict règlement :
En juillet 1903
1 - Le parcours existera du jour de l'enlèvement des récoltes jusqu'au
15 novembre.
2 - Les bêtes resteront 5 heures le matin, 5 heures le soir, aucun
taureau ne pourra prendre part au troupeau commun.
3 - Le prix est fixé à 35 centimes par tête de bétail et par mois. Les
veaux de l'année ne paieront que la moitié de la taxe.
4 - Le premier mois ne sera payé qu'après le second mois, afin de
laisser un fond de réserve pour la responsabilité du pâtre.
5 - Dans le cas où le bétail serait mal gardé, les propriétaires se
réservent le droit de révoquer le dit garde par un arrêté de la
commission de surveillance.
6 - Quelles que soient les raisons mises en avant par les propriétaires
qui retireraient leur bétail du troupeau commun, ils seront tenus
à
payer intégralement le pâtre jusqu'au 15 novembre.
7 - Le changement de prairie pour le parcours du troupeau sera réglé
d'après l'avis de la commission.
8 - Conformément au règlement de police municipale, il est interdit au
pâtre de faire garder le troupeau par des personnes de moins de 15 ans.
L'article 10 est modifié comme suit ; "Art 10 Le preneur doit garder le
troupeau personnellement. Si le pâtre se sert de chien, ce chien devra
être agréé par la commission".
Et puisqu'on parle de chiens, il faut savoir qu'il existait une taxe
sur ces animaux. Ainsi le conseil du 03/12/1931 décide que cette taxe
sera de 40 Fr pour les chiens de luxe et de chasse, et de 10 Fr pour
les chiens de garde.
La surveillance des petits animaux, oies, poules, moutons etc.
souvent victimes du renard ou de chiens errants, voire du loup, était
dévolue aux enfants et aux vieillards.
Le métier de berger disparut dans les années soixante.
Menant son troupeau de moutons, je me souviens d'avoir vu un berger
monter au Châtillon. Il logeait dans une "cabane" roulante en bois. Son
chien dressé ramenait les égarés et il possédait une houlette avec
laquelle il balançait avec dextérité des mottes de terre sur ses
ouailles récalcitrantes.
René Dumont parle de ces pâtres au début du XXe
"Arthur Young à Mars-la-Tour (prés de Metz) note : A 4:00 du matin, le
berger du village sonnait son cor, et rien n'était plus drôle que de
voir chaque porte vomir ses moutons et ses porcs, quelquefois des
chèvres.
Il en était de même à Pouilly. Les prés communaux étaient loués, mais
le troupeau commun partageait deux jours durant les chaumes d'avoine,
jusqu'en 1914. On y semait du trèfle et le berger inquiet de ses
responsabilités a plus d'une fois alerté à tort les cultivateurs. Il
voyait toujours les vaches gonflées, météorisées...".
Cette pratique de tonte écologique revient à la mode.
On trouve parmi les bergers et pâtres :
Jean Maupassant né vers
1676 "...berger de
profession..." apprend-t-on au décès de son épouse Marguerite Lejeune
le 19/10/1756. (AD55 1723-1759
235/267). Ce métier est confirmé à son décès le 05/03/1764.
Nicolas Bourgerie
(12/02/1741-06/02/1812), est pâtre à Pouilly.de 1765 à 1807 Son
fils Nicolas lBourgerie (1773-1866) le sera aussi en 1805
Jean Scholtaisse, né à Pouilly
le 08/08/1809, pâtre en 1836. Il a été
manœuvre, fileur, pâtre, laineur, cantonnier, journalier...
Joseph Gabriel Augustin Gobert
né à Malandry le 22/08/1789, marié à Marie Durlet (1796-1882) à Pouilly
le 12/11/1821 est berger en 1837. Il décède à Pouilly le 01/09/1854
Jean Baptiste Fiquemont est
berger en 1840 et 1845. Marié à Marie Augustine Sauvage, il déclare la
naissance de son fils Celestin le 20/05/1845. (AD55 1843-1852 62/369).
Ils étaient originaires de Neuville-Day (08). Lui y était né le
20/01/1815
Charles Victor Lequy, né à
Pouilly le 9/12/1819, marié à Adelaïde Lukas
(1831-1906) et décédé le 02/12/1893 à Pouilly. Il est pâtre en 1873
Louis Auguste Fallot, né
à Bonvillet (88) le 10/9/1873. Il est
pâtre le 14/07/1923 (Réunion conseil du 14/07/1923 art 11) Il est de
nouveau choisi en 1925. (Réunion conseil du 07/06/1925 art 28)
Il decède à Pouilly 14/05/1926. Il s'était marié à
Alexandrine Roze le 25/05/1902 à Vitry-le-François. Alexis François
JosephAlexis François JosephAlexis François Joseph
En 1914 il habitait déjà Pouilly.
Jean Joseph Onésime Gobert né à
Pouilly le 29/04/1854 et décédé le
03/01/1932 à Raon-L'étape. Il est pâtre en 1930. Il s'était marié à
Carignan le 08/01/1876 à Marie Eugènie Vernel (1852-1928)
Jean-Jacques Hubert né à
Fontenoille (88) le 20/05/1764)
Il est pâtre en
1817. Peu de renseignements sur lui si ce n'est qu'il décède le
01/01/1841 à Pouilly.. Marié à Marie-Jeanne Bertrand (1767-1835)
le 26/12/1796.. Il est héritier de
Jacques Arnolet, (mais on ne sait comment...), qui meurt le 10/05/1817.
Le 04/07/1904 c'est
Adolphe Collard qui
est chargé du troupeau. Il touche 0.60 Fr par tête de bétail et par
mois. Les veaux de l'année ne paient que la moitié de la taxe.
En 1910 il est de nouveau pâtre. à 0.70 Fr par tête (CM du 03/07/1910)
Il le sera encore en 1912 (Conseil du
28/06/1912) puis en 1913 (CM du 28/06/1913).
En 1913, c'est 1Fr par tête et les ceaux de l'année paient plein tarif.
Jacques Onésime Lemoine né à
Martincourt le 11/07/1860, marié le
31/12/1802 à Pauline Marguerite Guichard et décédé le 10/08/1943 à
Pouilly.
Il est pâtre le 06/07/1903
De nouveau en 1906 (Conseil municipal du 04/07/1906) Il est payé 0.70
Fr par tête, et moitié pour les veaux de l'année.
Le 05/07/1908 à 0.70 Fr dans les mêmes conditions qu'en 1906.
18/07/1909 mêmes conditions que ci-dessus.
Le 11/06/1911 à 0.80 Fr. par tête
Puis en 1921. (Réunion conseil du
26/06/1921 art 5)
Il est de nouveau berger les 10/06/1926 (art 44 de la réunion du
conseil) Il touche alors 6 fr par mois et par tête de bétail.
Puis en 1927. (Conseil municipal du 10/03/1927 art 53) en 1928 (Conseil
municipal du 10/03/1927 art 57) 1930 (Conseil municipal du 15/06/1930
art 68) avec une augmentation de 1 fr par tête et par mois pour ces
deux dernières années.
Un
Jean-Baptiste Jonet est
nommé pâtre par le conseil municipal du 30/06/1907, mais quel
Jean-Baptiste ? Il accepte le prix de 0.50 par tête et moitié pour les
veaux de l'année.
C'était le garde-champêtre qui était chargé à la fin de chaque mois de
récupérer l'argent.
On imagine facilement les querelles, rancœurs etc. de ceux qui se
perdaient leur place de pâtre parés ces adjudications...
Il en existe sans doute d'autres mais qui n'ont pas exercé leurs
talents dans leur village de naissance.