Le rôle des ambulances.
Beaucoup de blessés de la bataille de Beaumont ont été pris en
charge par des ambulances venues de pays étrangers comme la Hollande,
l'Angleterre ou l'Italie.
L'une d'entre elles était à La Vignette, et d'autres au village.
Les moins blessés ont pris le chemin de la captivité ou ont
été évacués.
Les ambulances étaient rudimentaires. L'ambulance volante utilisée par
Larrey en 1797 disposait de voitures à chevaux pouvant transporter 2 à
4 blessés.
Percy imagina également un brancard démontable dont chaque montant
était en fait la lance du brancardier.
En 1870 le matériel n'avait sans doute guère évolué.
Il fallut attendre Dunand et la création de la croix-rouge pour voir une sérieuse avancée dans le secours des blessés.
On retrouve quelques articles de journaux et livres (voir le site de la
BNF) relatant le travail
de ces
ambulances :
Dans
"Rapport du comité évangélique auxiliaire de secours pour les
soldats blessés ou malades" rédigé par
Henri Monod (1843-1911) page 153
et 171 et édité en 1875 on peut lire :
" A mon arrivée à Sedan, j'avais trouvé M. Monnier, secrétaire du
Comité évangélique et délégué de la Société internationale. De concert
avec M. Alfred Monod, avocat à la cour de cassation, M. Monnier avait établi une ambulance à Pouilly, dans l'usine de M.
Renard, à 22 kilomètres de Sedan, et recueilli un grand nombre de blessés français et allemands provenant de Beaumont,
où le général de Failly s'était laissé surprendre. Une petite escouade
de jeunes médecins avait été chargée de soigner les blessés sous la
direction provisoire du docteur Cavila de Bucharest ; il fut entendu
que cette escouade serait officiellement attachée à la 11e ambulance et
j'en pris la direction. Là, comme partout du reste, je trouvai de
nombreux blessés dans l'état le plus grave.
Le personnel médical était insuffisant comme nombre. Je détachai de
Sedan trois médecins, MM. Binet de Stoultz, Chossat, Cordès et un
infirmier.
Malgré ce renfort, le service de Pouilly n'en était pas moins
extrêmement pénible, parce que les blessés étaient disséminés dans tout
le village. Un des jeunes médecins de l'ambulance, Monnier, paya de sa vie le dévouement
extrême qu'il apporta à soigner nos blessés. Rigault, interne de la
Maternité de Paris, jeune homme doué des plus brillantes qualités physiques et
morales, appelé à tenir un haut rang dans sa profession, fut atteint du
typhus et succomba en quelques jours. Qu'il reçoive ici le tribut des regrets et des admirations de ses maîtres et camarades.
Que sa famille ait la suprême consolation de penser que Rigault est mort victime de son dévouement".
"A Sedan, l'ambulance se met immédiatement à l'œuvre. Des locaux sont
appropriés à Pouilly-sur-Meuse, à Raucourt, à Somhaute. A Pouilly,
trois hôpitaux sont préparés, l'un dans l'église, l'autre dans la mairie, le
troisième dans la fabrique de draps de M. Renard. Le 30 août, les
ambulances se portent à Beaumont, et dès le surlendemain, ils avaient 232
blessés à soigner, dont 142 à Pouilly et 90 à Somhaute. Sur ce nombre
40 environ avaient été découverts dans une grange, où ils avaient été abandonnés
après un premier pansement. Presque tous étaient atteints de la
gangrène ; aussi 14 succombèrent-ils dans les 48 heures de leur arrivée.".
Dans "Rapport au comité de la société de secours aux blessés militaires sur la campagne
de l'ambulance internationale n° 11 bis (de Paris) (19 août 1870-28
février 1871)" par Alfred Monod, on peut lire :
Page 7
"Là nous apprîmes que le maréchal Mac-Mahon, avec toute une armée,
remontait vers le nord-est pour tâcher de donner la main à l'armée du
Rhin. Il allait atteindre Vouziers. Du moment qu'il ne se
dirigeait pas sur Verdun, il était évident pour quiconque connaissait
le pays, que le maréchal tenterait le passage de la Meuse à Stenay.
Nous engageâmes très vivement M. Monnier à venir installer un hôpital
provisoire à Pouilly-sur-Meuse qui est à neuf kilomètres de cette
ville, et où nous pouvions mettre de vastes locaux à la disposition de
l'escouade. Ce plan fut adopté".
(
Une de ces ambulances, Néerlandaise, était installée à la Vignette,
comme l'acte de décès de Zwilling Philippe le signale.).
Page 8 et suivantes
"M. Monnier
résolut de préparer des locaux pour recevoir les
blessés non-seulement à Pouilly qui est à 27 kilomètres de Sedan sur la
route de Stenay, mais aussi à Raucourt et à Sommhaute, de
manière à échelonner nos stations. Pouilly-sur-Meuse, Raucourt et
Sommhaute forment les trois sommets d'un triangle dont le centre est la
petite ville de Beaumont qui allait devenir tristement célèbre.
Dès le 28 août à Sommehaute. le détachement que nous y laissâmes eut des blessés à soigner.
Le 30 août, le gros de l'ambulance était installé à Pouilly-sur-Meuse
; le 28 et le 29 nous avions entendu le canon ; le 29 au soir 15 000
Français étaient campés sur le plateau auquel Pouilly est
adossé. Le gros de l'armée était sur l'autre rive de la Meuse (rive
gauche) entre Buzancy et Beaumont. La Meuse décrit dans cette région de
nombreuses sinuosités. Elle coule au pied de hautes collines entre les
bases desquelles s'étendent de distance en distance des
prairies que traverse le fleuve. A Pouilly (rive droite) la vallée est
orientée du sud-est au nord-ouest; à son extrémité nord-ouest, la
Meuse coule brusquement à l'est vers Mouzon, refoulée qu'elle est dans
son cours par deux crêtes élevées, séparées l'une de l'autre
par un vallon à l'entrée duquel, sur le bord du fleuve, est le village
de Létanne et au fond la petite ville de Beaumont. La route de Pouilly
à Beaumont passe par Létanne et ce vallon. En face de Pouilly, sur la
rive opposée, à 800 mètres du village, se déroule la
grande forêt du Dieulet qui s'étend d'un côté jusque vers Stenay et que
traverse une route qui conduit de cette dernière ville à Beaumont.
Le 30 août 1870, à midi, nous allions nous mettre à table quand soudain
retentit un coup de canon suivi instantanément de plusieurs autres.
La détonation avait éclaté dans notre voisinage.
Nous nous précipitons aux fenêtres. Sur le haut de la première des deux
crêtes entre lesquelles passe la route de Pouilly à Beaumont, à 7 ou
800 mètres de distance, quelques pièces de canon font feu du côté de
Beaumont. Pourquoi? Nous regardions ces pièces avec une curiosité
pleine d'angoisse, quand nous voyons déboucher de la
forêt du Dieulet une colonne noirâtre de fantassins, puis une batterie;
le tout gravit en courant la première crête.
Toute une armée prussienne attaque l'armée française; à chaque instant,
nous nous attendons à voir les 15 000 hommes qui, dans la nuit
campaient sur le plateau au pied duquel est Pouilly, prendre
part à la lutte. Nous croyons qu'elle va s'engager dans ce village
même. Mais non, les 15 000 Français ont à l'aube filé sur Mouzon et sur
Carignan ; nous grimpons en courant sur le plateau; il est désert, mais
de là, nous pouvons voir ce qui se passe vers Beaumont.
Vers une heure et demie, nos troupes se massent sur le flanc de la
seconde crête, elles répondent au feu de l'ennemi, mais elles cèdent du
terrain. Peu à peu, elles remontent vers le haut de la seconde
crête se rabattant vers Mouzon ; mais elles luttent cependant avec
énergie ; la canonnade devient de plus en plus intense accompagnée du
crépitement âcre des mitrailleuses. Jusqu'à deux heures et demie, les
feux d'artillerie se croisant sur la route de Beaumont d'une crête à
l'autre, on ne peut passer.
A ce moment, les batteries prussiennes descendent au galop la pente de
la première crête, elles traversent la route et rouvrent leur feu de
l'autre côté, vers le haut de la seconde crête d'où les nôtres tirent toujours.
On pouvait alors essayer d'aller à Beaumont, où nombreuses devaient
être les victimes. Le docteur Davila conseille de partir immédiatement;
son avis rencontre dans l'escouade une vive adhésion. Elle se met en
route avec douze grands charriots à quatre roues, remplis de paille. Au
moment où nous atteignons Létanne, un obus
parti des batteries françaises vient éclater près de notre colonne et
les quatre dernières voitures s'enfuient à toute bride avec
les paysans qui les conduisent ; M. Monnier, M. Davila et nous-même,
nous mettons pied à terre et nous entrons dans Létanne pour nous rendre
compte de la situation, avant de faire engager la colonne dans le
vallon. Le village est en partie en flammes,
il vient d'être occupé par les Prussiens dont les batteries adossées
aux dernières maisons, font vers le haut de la seconde crête,
un feu des plus violents; les rues sont sillonnées de troupes ennemies
qui courent prendre position ; on nous arrête, on nous refuse
le passage; mais un officier supérieur accourt, il nous salue: "
Messieurs, nous dit-il, soyez les bienvenus; vous venez ici pour
faire votre devoir, je vais moi-même vous escorter jusqu'à Beaumont".
Nous nous empressons de le suivre ; nous passons derrière les batteries
prussiennes à 150 ou 200 mètres, sans pouvoir nous empêcher de nous
dire que si les nôtres reprennent l'avantage, ne
fut-ce qu'un moment, notre colonne court de bien grandes chances d'être
écrasée par le feu même des Français. Nous arrivons à Beaumont: le
village est rempli de blessés; l'ambulance Pamard qui y a couru de
grands dangers, y travaille avec la plus grande
activité. On nous engage à nous rendre au camp où il y a encore des
blessés. Nous y allons en toute hâte ; il n'y avait au camp que des
blessés français; ils avaient été surpris dans leurs tentes; les morts
sont moins pressés qu'à Saint-Privat. On en trouve un à peu près tous
les vingt-cinq pas; mais il y a encore beaucoup de blessés à relever.
On s'en occupe partout. Nous en prenons 76 ; c'était
tout ce que pouvaient contenir les huit voitures qui nous restaient.
Le lendemain on nous envoya à Pouilly 19 blessés allemands ; le
surlendemain, nous recueillîmes une quarantaine de blessés français
oubliés dans une grange isolée, après un premier pansement et dans un
état déplorable. Il en arriva encore un certain nombre les jours
suivants ; ce qui porta à 142 le chiffre de nos blessés: 14 ont
succombé dans les quarante-huit heures de leur arrivée; 13 autres dans
le courant de septembre, en tout 27; depuis comme on le verra, la
mortalité a été beaucoup moindre; mais il faut observer que les 40
blessés amenés le 2 septembre, étaient
presque tous atteints de gangrène plus ou moins avancée ; les 14 décès
des premiers jours ont eu lieu presque tous parmi eux.
Sur le champ de bataille de Beaumont, nous avons rencontré un médecin
militaire, M. Raymon, aide-major au 86e de ligne ; il avait le cou
éraflé par une balle; cette blessure, heureusement très légère,
ne l'empêcha pas de nous aider à relever les blessés ; ne sachant où
aller, il nous suivit. Avec l'autorisation des pouvoirs militaires,
il est resté parmi nous jusqu'au mois de décembre ; son habileté
chirurgicale et son expérience de la guerre en ont fait souvent un
collaborateur fort utile.
Pendant que la portion de notre escouade qui se trouvait à Pouilly se
rendait sur le champ de bataille de Beaumont, les membres de l'escouade
qui étaient à Sommhaute recevaient 90 blessés.
A Pouilly-sur-Meuse, nous n'eûmes qu'à nous louer de nos rapports avec
les Allemands, et en particulier avec les chevaliers de Saint-Jean.
Pour nos 142 blessés dont 19 seulement étaient allemands, on
nous fournissait tous les deux jours (ainsi que pour notre personnel, qui
avec les infirmiers recrutés sur place, s'élevait à environ 35
personnes), 150 livres de pain et 200 livres de viande que nous
partagions avec une ambulance voisine.
Page 14
A Verdun la Meuse est navigable. Voulant tirer parti du meilleur de
tous les modes d'évacuation, le transport par eau, nous affrétâmes à
Stenay trois grands bateaux que nous fîmes descendre à Pouilly. 40
blessés furent conduits par cette voies à l'hôpital fixe de Mouzon"
page 28
"En septembre nous avons, nous et nos malades, été en grande partie
nourris, à Pouilly-sur-Meuse, par les Prussiens; à Raucourt et Sommhaute, les habitants qui logeaient des blessés les nourrissaient.".
Alfred Monod se félicite de ces bonnes manières de la part de l'ennemi,
mais il ne faut pas oublier que pendant ce temps un camp de
concentration s'organisait sur la presqu'île d'Iges à Sedan où
moururent des
milliers de soldats prisonniers.
Ne pas oublier non plus ceux qui furent déportés en Prusse et y moururent de maladie ou de faim.
Cet Alfred Monod
est avocat au conseil d'état et conseiller à la Cour de cassation,
directeur de l' ambulance n° 11 de la société de secours aux blessés en
1870/71
Il
est le neveu de Charles Henri Monod secrétaire général de la préfecture de l'Isère, préfet du Gers (1877),
de l'Allier (1879), du Finistère, conseiller d 'état, directeur de
l' Assistance Publique, membre de l'Académie de Médecine.
Mais c'est aussi le cousin germain de Léon Monod (1852-1904) qui sera maire de Pouilly en 1878.
Il était né le 09/05/1836 à Paris.
Le rôle de ces ambulances a été primordial pour la prise en charge des blessés.
Dans son rapport Alfred Monot écrit :
"L'ambulance a, du 28 aoüt au 30 septembre, soigné 362 blessés. Elle a
organisé un hôpital provisoire à Pouilly-sur-Meuse. Elle a dépensé 45
000 fr. fournis par la société. Enfin elle a serviune fois d'abulance
de champs de atailleà la bataille d Beaumont le 30 août."
A Cesse, les "ambulanciers" ont été mis à l'honneur, comme on peut le
voir ci-dessous :
Et pourtant on ne trouve à Cesse
qu'un seul soldat décédé. Louis Vigeant, 26 ans soldat au 17e régiment
de ligne, faisant partie de la deuxième portion de la classe 1863,
résidant à Charnizay, canton de Preuilly, Indre et Loire, déposé comme
blessé chez Mme Vasseur Jeanne Geneviève, veuve Raucart. (AD55 Cesse
1863-1872 96/213 acte 3)
A Luzy, deux morts:
Xavier Michel, 26 ans soldat au 17e régiment de ligne, 1er bataillon,
2e compagnie, né à Lettes (Hérault) de parents inconnus. Il décède le
19/08/1870 chez Guillaume Henry, cultivateur. (AD55 Luzy 1863-1872
107/176 acte 6)
Célestin Cordier, 27 ans, sergent au 46e régiment de ligne, né à
Petitefontaine (Haut Rhin, en fait Territoire de Belfort) décédé le
22/10/1870 chez Nicolas Auguste Dupuis, 55 ans, manœuvre.(AD55 Luzy 1863-1872 107/176 acte 7)