Les militaires nés à Pouilly et d'autres.
Parmi les soldats évoqués dans ces pages, tous n'étaient pas de
carrière, mais de simples villageois tirés au sort ou appelés.
La liste n'est pas exhaustive, car certains ont fait leur service et
n'ont laissé aucune trace. Ils sont revenus et ont repris leurs
activités
après cet intermède de quelques années.
Il faut aussi être conscient que beaucoup de nos ancêtres (et surtout
sous l'ancien régime), n'ont pas d'acte de décès à Pouilly.
Ils
sont morts à la guerre ou de maladie dans un hôpital lointain, ou
prisonniers. Les transcriptions de décès n'apparaissent que tardivement.
Les seigneurs de Pouilly, militaires de naissance n'apparaissent donc
pas dans ces pages.
"À la demande du roi les membres de la noblesse sont tenus de se
présenter en armes lors de la convocation du ban et de
l’arrière-ban. Il s’agit
d’une organisation féodale impliquant la réunion des vassaux
du roi ainsi que des vassaux de ces derniers. C’est l’impôt du sang, le
service militaire noble et obligatoire en quelque sorte. Dans ce
système l’argent comme toujours est le nerf de la guerre et
l’équipement coûte très cher : il faut un cheval, une armure et
une arme. Certains membres de la petite et de la moyenne noblesse ont
des difficultés financières et sont quelquefois renvoyés chez eux faute
d’un équipement suffisant. D’autres un peu plus aisés peuvent
participer mais sont parfois mis en difficulté voire ruinés par le
nombre importants de campagnes.
À la fin du règne de Louis XIV la pratique de la guerre se modernise,
s’organise et l’existence de troupes régulières devient indispensable.
Le ban et l’arrière-ban, désormais institutions obsolètes,
disparaissent. Mais en pratique un conflit coûte toujours beaucoup
d’argent à la noblesse : quand un noble achète une charge de
capitaine il lui revient de lever sa propre compagnie et les troupes
sont désormais soldées. Les nobles constituent donc les cadres de la
nouvelle armée. Toutefois le pillage étant de mise les gains sont
souvent supérieurs à l’investissement de départ et faire la guerre
devient rentable tout en continuant de procurer un pouvoir politique et
une aura non négligeable, mise en avant dans les actes." ("
La noblesse d’épée et le service du roi" Nadège Béraud
Kauffmann Dans Histoire et généalogie)
On trouvera donc parmi nos gens ordinaires :
Quelques
gradés (il en fallait bien). Idéalistes ou voués par la
tradition familiale à cet état, comme certains finissent curés.
Tradition du sabre et du goupillon. On est tenté de penser que leur
condition était meilleure que celle du pauvre bougre resté au village.
Et les autres, les appelés, les "tirés au sort", les remplaçants qui
donnèrent leur vie
sans toujours savoir pour qui et pourquoi ils se battaient.
Pour exemple :
Ce Jean-Baptiste Saussette, qui va mourir à
Saint-Domingue en 1802, ou ce Pierre
Guichard que la dysenterie abat au Mexique en 1864.
Ou encore cet autre, Jean-Louis
Gobert mort de fièvre à l'hôpital de Plock prés de Varsovie en 1807.
Plus près de nous, Bernard
Lequy,
menuisier, qui à 22 ans se fait tuer pour une guerre (un maintien de
l'ordre !) qui n'était sans doute pas la sienne.
Je ne suis donc pas certain du tout que tous ces gens soient montés au
"casse pipe" par pur patriotisme ou par goût de l'aventure.
Certes une fois dans l'action, ils ont fait preuve pour la majorité de
courage, d'abnégation, de dévouement. Il suffit de lire les dossiers
militaires et les termes élogieux de leurs supérieurs pour s'en
convaincre.
Mais nos chers poilus de 14/18 ne sont pas, loin s'en faut, partis au
front la fleur au fusil...
Voici ce qu'écrivait Emile Rasquin, illustre inconnu, dont j'ai
recueilli contre 1 € le carnet de route, vendu sur une brocante, sans
doute par des descendants peu intéressés :
"Dimanche 2 août. La mobilisation tant redoutée a lieu à 6 heure du
soir. Je dois me rendre le 2e jour à Mézières au 45e territorial...
cela me fait beaucoup de peine de quitter ma femme et mes enfants que
j'aime tant....
3 aout. J'ai le cœur gros mais je ne le fais pas voir..."
Ne perdons pas de vue que l'aventure commençait, au moins jusqu'au XIXe
siècle, aux limites du canton. Les courbes isochrones nous
montrent qu'en quatre heures on était au mieux à 12 kilomètres du
village.
Que représentait alors l'Indochine, le Canada, l'Égypte ou même
l'Italie ?
Que certains par esprit d'aventure ou par nécessité aient choisi cette
voie, c'est certain, mais pour eux aussi, abandonner le noyau familial,
la routine du village, la terre ferme même, fut sans doute une
véritable épreuve.
D'autant qu'on ne partait pas pour un an ou deux ! Les périodes
pouvaient aller jusqu'à sept ans et "rempilables".
Et partir où ? Les guerres, les traités, les alliances en décidaient.
Les sergents recruteurs faisaient miroiter la solde, l'uniforme et son
prestige, la retraite (qui fut réduite à la restauration de moitié) à
l'auberge du lieu, enivrant souvent le futur soldat.
L'idée de revenir et briller par ses exploits, n'était sans doute pas
étrangère à ces engagements "coup de tête".
Mais quelle désillusion, quand sac au dos il faut rejoindre son
unité, escorté par quelques gendarmes.
On
perd son identité car le surnom est de coutume. On finit par
s'appeler Brindamour, La grenade, Barrois, Belhumeur, Sans regret, la
Tendresse, la Ramée, la Violette, Sans pitié ou autres qualificatifs
hauts
en couleur.
On se regroupe entre "pays". Mais la belle solidarité disparait souvent
dans l'adversité.
Et finalement on s'éteindra loin de
tous, dans des contrées qu'un maître d'école avait peut être affirmé
qu'elles existaient. Mais si loin !
Ces soldats disparus ne sont pas connus. Rares étaient les
transcriptions de décès. L'armée parfois constatait qu'il y avait eu
tant de morts à telle bataille et c'est tout. Les journaux de marche et
opérations, JMO, de la première guerre citent souvent les gradés, mais
les simples troupiers sont résumés sous forme d'une quantité de
blessés, tués ou disparus.
Parmi les pertes on ne trouve que rarement cette frange de population
qui suivait les armées. Les vivandières, les cantinières, les familles
qui accompagnaient parfois le soldat, mais aussi les approvisionneurs
de vivres, de munitions, de logements etc. Tous ces gens subissaient
les vicissitudes des guerres, du climat sans protection officielle.
Combien sont disparus sans la moindre trace ?
L'identification des tués était rendue difficile par les vols commis
par les détrousseurs de morts. Détrousseurs amis ou ennemis ou encore
étrangers aux armées, mais charognards des champs de bataille.
Un corps nu n'a pas d'identité.
Le général Marbot dans ses mémoires (tome 1 page 351) écrit : " lorsque
je repris mes sens, voici l'horrible position dans laquelle je me
trouvais : j'étais complètement nu, n'ayant plus que mon chapeau et ma
botte droite. Un soldat du train, me croyant mort, m'avait dépouillé
selon l'usage, et voulant m'arracher la seule botte qui me restât, me
tirait par une jambe, en m'appuyant un de ses pieds sur le ventre..."
Xavier Chevallier (président de la SHA) dans la "Revue d'histoire
ardennaise" RHA no 53 2021, a étudié le cas des détrousseurs de
cadavres aux environ de Sedan en 1870 mais ses conclusions s'appliquent
sans aucun doute à tous les conflits.
Ainsi Aimé Achard dans "Récit
d'un soldat" écrivait en
1870 : "Parmi ces morts
étendus dans les poses les plus terribles, il y avait un
lieutenant-colonel de la mobile éventré par un obus; il paraissait
dans la force de l'âge, l'une de ses mains était gantée, l'autre
portait la trace d'une abominable mutilation ; le quatrième doigt, le
doigt annulaire manquait; la trace de l'amputation était fraiche
encore, on lui avait coupé pour avoir la bague" (
Michel Levy frère, Editeurs,
Paris 1871)
Les conflits modernes ont vu apparaître les
plaques d'identité
militaire. Portée autour du cou, elle porte le nom, la classe, le
rattachement etc. Elle est en deux parties. L'une qu'on laisse sur le
soldat tué et l'autre qu'on ramène comme preuve du décès.
La désertion était alors fréquente, mais gare à ceux qui se
faisaient pincer par la maréchaussée... De la galère aux Bat d'Af,
rien n'a vraiment changé. Le pauvre type devenait un paria si il
n'était pas jugé et exécuté.
Les fusillés pour l'exemple de la première guerre en sont la triste
preuve.
Le sergent Charles Gouverneur, (arrière grand-père d'une amie) dont
j'ai pu lire le carnet de route écrit :" Le 09/06 23 hommes du 57e
bataillon passent au conseil de guerre à Braisme pour mutinerie et
refus d'obéissance pour marcher contre l'ennemi. 22 sont condamnés à
mort. Le 10/06 9 poilus de la 9e compagnie de chez nous y passent
également et sont aussi condamnés à mort, et le lendemain 6 poilus de
la 8e compagnie ont subit le même sort. C'est bien terrible"
Il explique que ces soldats venaient de Verdun et qu'on les envoyait au
chemin des Dames de triste réputation...
A Pouilly je n'ai trouvé que trois cas
d'insoumission, mais qui s'expliquent aisément :
Ambroise Jules Fraikin né le
11/04/1888 à Pouilly, mais sur le bateau de son père, batelier belge.
Il n'était donc pas Français.
Gédèon Justin Attencourt, né le
19/05/1886 à Pouilly. Le conseil de révision le déclare bon pour le
service en 1907 bien qu'étant absent. Il est alors.déclaré insoumis le
04/12/1907 puis le 18/02/1911. Que l'armée se soit évertuée à le
retrouver, semble normal, mais que la mairie de Pouilly n'ait pas fait
de redcherches est déjà plus curieux. Comment pouvait-il apparaître sur
la liste des conscrits puisque n'habitant plus à Pouilly et de surcroit
décédé ?
En effet cet Attencourt est mort à l'âge de 5 ans à Remilly-Aillicourt,
le 05/06/1891. (AD08 Remilly aillicourt 1891-1900 14/312 acte 18)
Il
vivait alors chez son père Henry Attencourt. Sa mère Elisabeth
Victorine Dumont, elle, demeurait à Pouilly où elle était journalière.
Pourquoi étaient-ils séparés à cette époque ?En 1912 ils sont ensemble
habitant cette fois dans le Lot à Saint-Cirq-Madelon. C'est ce qu'on
constate dans l'acte de mariage de leur fils Urbain Henry le 02/03/1912
à Revin. (AD08 Revin 201/237 acte 15)
Les dossiers d'insoumission ont été égarés au cours de la guerre
1914-1918. L'original de l'ordre de route n'ayant pas été retrouvé à la
mairie de Pouilly (Elle a brûlé en 1917), l'infraction relevée à la
charge de ces insoumis manquait ainsi de base légale.et ils ont fait
l'objet d'une ordonnance de non-lieu le 31/07/1930.
Paul Nicolas Godet, né le
17/12/1864 à Pouilly a été omis de la classe 1884. Il est déclaré
insoumis le 19/02/1887. Il se présente volontairement à Bordeaux le
28/11/1888 et arriva au 106e d'infanterie le 29. Le 06/12/1888 il fait
l'objet d'une ordonnance de non-lieu.
Il faut dire qu'avec ses parents Pierre Godet et Catherine Adnesse, il
vivait à Loredello de Ouro au Portugal.
Il passe dans la réserve le 22/09/1890 avec certificat de bonne
conduite. Il retourne alors à Porto.
On le retrouve condamné à Paris le 31/03/1909 à 15 jours de prison pour
mendicité en réunion,
Il est de nouveau condamné, mais cette fois à Bordeaux le 30/08/1910 à
un mois de prison pour mendicité et vagabondage.
Par contre on trouve des déserteurs :
Jean-Baptiste Saucette (ou
Saussette) fils de Gilles et de Marie Anne Maupassant, né à Pouilly le
07/08/1787. Conscrit de 1807 il arrive au corps le 12 mai. Il est
considéré comme déserteur le 30/04/1814.
Il se marie à Pouilly le 14/01/1817 avec Marie Madeleine Evrard et
meurt à Sedan le 04/12/1866
Evrard Léon Jean-Baptiste, né
le 15/11/1847, boulanger. Il est incorporé en 1868, participe à la
guerre de 1870. Il est condamné le 21/06/1872 à 2 ans de prison, pour
désertion à l'intérieur. Il est gracié pour le restant de sa peine le
28/11/1873
Il passe quand même 1ere classe le 14/07/1874 et reçoit le certificat
de bonne conduite. Il entre aux chemins de fer de l'Est et se marie à
Paris le 01/02/1877 avec Bonne Victoire Dewinck.
Fedricq Victor né le 30/07/1877
à Pouilly, domestique. Il arrive au
corps le 15/11/1898, mais le 06/03/1899 il manque à l'appel et le 21
est déclaré déserteur. Il revient le 25/05/1904 et passe aussitôt
dans
la réserve.
Il sera tout de même mort pour la France le 22/02/1916 à Baleycourt
(55).
Alors comment classer tous ces soldats ?
Il y eut tellement de guerres qu'en faire le détail serait fastidieux.
Je les ai donc classé par grands conflits.
La guerre de 1870 aurait dû être classée dans les guerres d'empire,
puisque déclenchée par Napoléon III, mais par ses conséquences
dans
notre région, elle méritait un chapitre à part.