Les loisirs
Nos ancêtres ne vivaient pas que pour travailler.
Le nombre de jours chômés était conséquent. En tout cas bien supérieur
au nôtre.
La Fontaine dans la fable "Le savetier et le financier" en fait
d'ailleurs état :
"Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours
Qu'il faut chômer; on nous ruine en fêtes.
L'une fait tort à l'autre; et Monsieur le curé
De quelque nouveau Saint charge toujours son prône.".
En effet sur l'année il faut décompter :
- Les fêtes religieuses, les pèlerinages, les missions etc.
- Les dimanches, jours du seigneur.
-
La fête du village qui à Pouilly tombait le 11 novembre jour de la
Saint-Martin. (Maintenant en juin pour des raisons climatiques !)
- Les évènements familiaux, baptêmes, mariages, décès.
- Les fêtes liées au saint patron de la profession. en effet chaque
métier avait son protecteur.
Ces jours non travaillés permettaient aux gens mais aussi aux animaux
de se reposer.
On n'oubliera pas non plus les fêtes imposées par l'autorité, telles
les naissances royales, la signature d'un traité de paix, l'opération
réussie de la fistule de Louis XIV, mais encore plus ridicule, la fête
de saint Napoléon (qu'on inventa péniblement) et qui remplaça le 15
août, fête religieuse traditionnelle !
La population était alors obligée de pavoiser, éclairer, planter des
arbres, venir applaudir, chanter des Te Deum etc. Et tout cela bien sûr
à ses frais.
Napoléon III reprendra cette date comme fête nationale, associant ainsi
le politique et le religieux.
Le 14 juillet a été instauré en 1880 sans qu'on sache si ce jour
commémore la prise de la Bastille, jugée fête subversive ou la Fête de
la Fédération du 14 juillet 1790. Cette date permet d'atteindre un
consensus et permet d'unir tous les républicains.
Mais en dehors des fêtes religieuses et événements familiaux, que
faisaient nos aïeux pour se distraire ?
Il y avait
les veillées en
hiver. Moment de convivialité, elles se
passaient près de l'âtre, le ventre au feu et le dos au froid, quand ce
n'était pas dans l'écurie pour profiter le la chaleur animale.
Comme éclairage, les flammes, mais aussi quelques lampes à huile
fumantes, puis des lampes à pétrole, détrônées enfin par
l'ampoule électrique dans les années 20. Mais les veillées étaient
tombées en désuétude.
Les femmes filaient, les vieux écossaient et racontaient leurs
histoires.
Le
rôle matrimonial de ces veillées n'est pas à démontrer. Sous une
surveillance discrète, les premiers contacts étaient favorisés par une
demi-obscurité. Les jeunes faisaient connaissance...
Dans la deuxième moitié du XXe le cinéma fit son apparition. Il avait
lieu à la mairie le vendredi soir, organisé par le curé Molhan de
Laneuville. Puis il y eut en concurrence, celui de l'école. L'éternelle
rivalité du goupillon et de la république.
Apparut également la télévision que les jeunes allaient regarder au
"château Noël" et ensuite chez Gregor Rapp, ouvrier agricole arrivé à
Pouilly aprés la guerre.
Le
cabaret était aussi lieu de rencontre. Il en
existait de
nombreux dans le village. On y buvait mais on y refaisait aussi le
monde.
Les deux derniers à Pouilly furent le "Café des pêcheurs" devenu en
dernier le "Gainsbar" et le "Café Granger" dit chez Cicis.
Le
carnaval
Les
bals étaient également
courus.
La
pêche
La
chasse.
Le Jo du 04/09/1936 page 9488, nous apprend qu'une association s'est
créée sous le nom de "Société des chasseurs et des propriétaires de
Pouilly-sur Meuse" dont le but est "l'amélioration et réglementation de
la chasse"
Il devait cependant en exister une autre auparavant mais je ne sais pas
sous quel nom.
Une
autre association est créée le 11/03/1975, prolongement sans doute de
la précédente.
Elle a nourri bien des rancœurs entre ceux qui avaient le droit de
chasse et ceux qui ne l'avaient pas. Aujourd'hui le débat est toujours
vivace entre ses défenseurs qui y voient une tradition et se prétendent
défenseurs de la nature, et ses détracteurs qui voient dans cet
exercice un acte de barbarie parfaitement inutile.
Robert Fossier dans son ouvrage "Ces gens du moyen âge" écrit :
"Aujourd'hui, nos contemporains chasseurs n'attendent de leur activité
ni complément alimentaire, ni attrait du risque, ni œuvre écologique.
Ils invoquent souvent, mais à tort (en France du moins), une tradition
ou une conquête révolutionnaire, en se référant à l'abolition du
monopole seigneurial qui datait de 1533, mais en oubliant qu'au moyen
âge rien de tel n'existait ; ou bien ils parlent, et plus justement de
la convivialité ludique de la chasse ; et ils omettent, sincèrement ou
à dessein,le goût de tuer qui habite malheureusement l'esprit de
l'homme..."
La raison doit sans doute se trouver entre ces deux extrémités.
Aujourd'hui le grand gibier prolifère au point de menacer les cultures
et nécessiter des battues administratives. Actuellement ce sont les
sociétés de chasse qui sont responsables des dégâts aux cultures, ce
qui provoque un certain malaise entre chasseurs et exploitants
agricoles. (Qui sont souvent les mêmes à la campagne)
Par contre certaines chasses
cruelles comme la tenderie, la chasse à courre devraient être interdite.
Les excès, les imprudences de certains chasseurs, les accidents qui
en découlent chaque année, les tueries organisées de gibiers d'élevage
entretiennent une image négative de cette
activité.
Et particulièrement quand le responsable de la fédération des chasseurs
Willy Schraen déclare le 10/11/2021 : "T'as pas compris qu'on prend du
plaisir dans l'acte de chasse. j'en ai rien à foutre de réguler. Tu
crois qu'on va devenir les petites mains de la régulation ?"
Les accidents existe depuis toujours. Ainsi l'Est Républicain du
29/09/1889, relate celui qui eut lieu à Clery-Petit. Léon Duchesne (pas
celui qui
habitera Pouilly en 1914) chassait avec Augusta Onésime Leclerc. Ils
s'arrêtent chez les époux Watrin pour manger des pêches de vigne,
"...quand tout à coup une détonation se fit entendre et chacun vit avec
stupeur, Leclerc gisant à terre, la figure fracassée par un coup de
feu... On supposa qu'un chien s'étant embarrassé dans un cep de vigne
avait fait partir la détente....". (AD55 Clery le Petit 1883-1892
72/123 acte 3)
A notre époque, les armes de chasse sont en fait des armes de guerre et
sont létales à plus d'un kilomètre. Malgré les consignes, les tests
d'alcoolémie, les risques pour le permis, certains tirent à tort et à
travers. Chaque année on déplore des victimes chasseurs ou non
chasseurs. (
Selon
l'ONCFS, 410 personnes ont été tuées lors d'accidents de chasse en
France entre 1999 et 2019 et au moins 2 792 accidents sont recensés
pendant la même période. Dans 90 % des cas, les victimes sont des
chasseurs.)
Sous l'ancien régime, la chasse était réservée à la noblesse pour le
gros gibier (cerfs, sangliers etc.). Les villageois
chassaient/braconnaient le petit (lièvres, volatiles) sans trop
de risques. La révolution a "démocratisé" la chasse, au point qu'il a
fallu bientôt la réglementer, tant elle décimait de nombreuses espèces.
Ainsi par exemple :
"Fedricq Jean-Baptiste, 34 ans, manœuvre employé chez M. Labbé,
cultivateur à la ferme de Vigneron, commune de Mouzon, surpris à
l'affût au sanglier, par un garde particulier le 19 juillet, vers 11
heures du soir, et ça, sans autorisation (quoique envoyé par M. Labbé
qui, lui était autorisé, mais ne l'accompagnait pas ) est condamné à 50
francs d'amende et dépens, avec bénéfice de la loi de sursis.
Le tribunal prononce en outre la confiscation du fusil ou faute de la
présentation de l'arme, Fedricq devra verser 50 francs" (AD08 PA
14/08/1902 2/4)
A Létanne il y eut même une tentative de meurtre sur un garde chasse.
Il existait une "baraque des chasseurs" en partie construite à partir
d'un vieux wagon. Elle se trouvait sur la ligne de crête du bois de
Jaulnay près de l'ancienne ligne électrique.
Quand la route de débardage fut construite sur cette crête, la baraque
fut abandonnée au profit d'une construction plus moderne, située en
montant sur la droite vers la crête, à partir de la route de Pouilly à
Luzy.
A noter que c'est au cours d'une partie de chasse, le 27/12/1964, que
René Wendling, marchand et tueur de
porcs, fit un malaise dont il ne se remit pas.
Parmi les chasseurs de cette époque on trouvait Claude Garin et Léon
Garin son père, Marius Maingot, Lucien Ravenel, Robert Granger et bien
d'autres.
Les marchés et foires étaient
aussi le lieu de rencontre des
villageois. On y venait vendre les volailles, les produits du jardin ou
de la ferme.
C'était là que s'échangeaient les nouvelles. C'est là aussi que les
manouvriers cherchaient de l'embauche.
Saltimbanques,
colporteurs et autres arracheurs de dents y exerçaient leurs talents
mais aussi les sergents recruteurs, les demoiselles de petites vertus
etc.
L'almanach du département de la Meuse
1792
page 147, (BIBR 114) nous apprend que les foires à Stenay se tenaient
le 21 février, le 20 juin et le 22 septembre. Elles duraient 3 jours.
Celui de 1824 rajoute la date du 15 novembre.
A Mouzon les foires avaient lieu le 20 mars et le 29 septembre.
Le retour au village était parfois vacillant...
Je ne sais si je dois classer
tabac
et alcool dans les loisirs, mais il est certain que ceux-ci
agrémentaient la vie de nos ancêtres.
Il existait plusieurs cafés à
Pouilly. On y consommait la goutte, le vin du pays, de la bière et
peut-être de l'absinthe avant qu'elle ne soit détronée par les alcools
anisés.
Si le
lavoir était du domaine des femmes, les cafés étaient celui des hommes.
On s'y retrouvait le dimanche après la messe. On y commentait les
potins du village mais aussi la politique. On y refaisait le monde !
Cela finissait parfois par quelques disputes voire quelques
horions.
Le
tabac. Ce fléau, faisait
partie depuis le XVe siècle du quotidien au début comme remède (
Catherine de Médicis traitaient les migraines de son fils François II)
puis pour une consommation "festive", au point que Richelieu en 1629
instaura une taxe sur celui-ci. Il devint finalement un monopole royal.
En Lorraine sa culture remonte au XVIIe siècle. Il pouvait être prisé,
chiqué, roulé ou fumé dans la pipe.
J'ai connu à Pouilly Gabriel Aristobule Georges, qui chiquait et
rangeait sa chique dans le pli de sa casquette...
En 1897, le Petit Ardennais relate une étude sue la consommation du
tabac en France. Il écrit : "A l'intérieur, c'est-à-dire abstraction
faite de l'exportation, on a consommé pour 192 millions de tabac,
correspondant à un peu plus de 18 millions de kilos... Les cigares
communs représentent un poids d'environ un million et demi de kilos;
les cigarettes environ 700 000 kilos, et les tabacs à fumer ou à priser
11 millions de kilos"
Très longtemps le tabac fut présenté comme un signe d'appartenance au
groupe des adultes. Il était courant de fumer (officiellement) sa
première cigarette le jour de la communion solennelle. Plus tard
l'armée alimentait le bidasse en "Troupe", équivalent de la "Gauloise"
et ce jusqu'au dernier quart du XXe siècle.
Autre fléau bien pire que le tabac, la drogue qui s'est installée en
France dans ce même dernier quart du XXe siècle, mais on ne peut plus
parler de loisir, même si à plus ou moins long terme, le cannabis sera
légalisé comme d'autres pays d'Europe l'ont déjà fait.
Jusqu'au XXe
la lecture
n'était
pas la préoccupation principale de nos anciens. Cependant les
colporteurs vendaient déjà sous l'ancien régime, de petits ouvrages
brochés, imprimés sur du mauvais papier, donnant quantité de recettes,
d'astuces, etc. C'est ce qu'on appelle la bibliothèque bleue, de la
couleur de la couverture.
La médiathèque de Troyes conserve une très grande collection de ces
ouvrages. Voici la première page d'un de ceux-ci, imprimé à
Saint-Mihiel vers 1787. (Med. Troyes Cote Bbl 3374)
Comme les journaux, ils étaient lus à la cantonade et largement
commentés, par ceux que l'école avait suffisamment instruit.
Parmi les journaux meusiens, on peut citer pour notre région :
"L'avenir de Stenay", "L'avenir de Montmédy", "Le courrier de la
Meuse", "La croix meusienne", "L'est républicain", "Le journal de
Montmédy", etc. Beaucoup de ces journaux sont consultables sur le site
des Archives de la Meuse. Ils sont sources de découvertes des potins
locaux et des conditions de vie de nos ancêtres.
Au XXe avec l'apparition de cours pour adultes et la création de
bibliothèques scolaires, le livre fit son entrée dans les foyers. On
pouvait lire "Le sapeur Camembert", "La famille Fenouillard",
"Les trois mousquetaires", les Jules Verne etc.
Un livre en particulier a eu un succès retentissant: "
Le tour de France par deux enfants".
En 1914, il comptait déjà près de 400 éditions et sera encore utilisé
jusque dans les années cinquante pour l'apprentissage de la lecture
dans les écoles.
(On note tout de même que le budget de la commune accorde 15 francs à
la bibliothèque communale dés 1862, puis 45 en 1863 etc. )
Et en 1867 il est noté "Bibliothèque scolaire communale". On peut donc
penser que l'emprunt de livres était déjà ouvert à chacun.
Puis les publications illustrées et romans d'aventure prirent une
place considérable dans la
lecture des jeunes. Les "Fripounet", "Sylvain et Sylvette", "les Pieds
Nickelés", "Tarzan", "Tintin" et autres "Bob Morane" occupèrent les
loisirs de
beaucoup.
Le "Chasseur Français", le "Système D", "Le Pèlerin", "La Vie
Catholique" concernaient plus les adultes.
Les journaux régionaux ou nationaux complétaient l'information entendue
à la TSF ou plus tard, vue à la Télé.
La vente par correspondance mit à la portée de beaucoup des catalogues
comme celui de
Manufrance,
puis
la Redoute, les Trois Suisses etc. Ce
n'était pas à proprement parler de la lecture instructive, mais
beaucoup ont découvert dans ces pages, qui une mode nouvelle, qui un
outil ou un fusil différent du sien, ou simplement des objets inconnus
à
la campagne etc.
Je me souviens d'avoir rêvé devant les pages du Manufrance...
Mais la télé, les tablettes, téléphones et autres ordinateurs ont mis
depuis un coup d'arrêt à cette littérature.
Les jeux d'hiver. Dés les
premières chutes de neige, tous les gosses ressortaient la luge ou le
traineau. On ne parlait pas encore de ski dans les années 50/60. Le peu
de circulation et la compréhension des gens du village, permettaient de
transformer les rues en patinoire. De l'église on pouvait descendre
jusqu'au petit pont. Parfois c'était sous le bois que se passaient ces
grioleries. Si la Meuse avait débordé, on pouvait aussi s'aventurer sur
la glace.
Les parties de boules de neige défoulaient les gosses.
La musique. En 1866 une
dépense de 160 francs apparait au budget. Elle concerne un
"Encouragement à la société musicale", puis 40 francs en 1868. Cette
fanfare existait encore en 1896 comme l'indique l'article du Petit
Ardennais du 28/06/1893, puisqu'elle est invitée au festival du
28/06/1896 à Charleville, signe d'une certaine notoriété.
"La mairie de Pouilly conserve une bannière donnée à l'ancienne fanfare
de cette commune par un membre de la famille de Pouilly et portant ses
armoiries" Elle a sans doute disparue lors de l'incendie de 1917.
(AD08 PA 17/12/1912 2/4)
A
l'occasion de ses noces d'or, on apprend par le Petit Ardennais
qu'Edouard Gobert a dirigé pendant 25 ans la fanfare de Pouilly. (AD08
PA
10/06/1928 6/6)
Plus prés de nous Pouilly connut un
club
de bridge sous la houlette de
Sylvain Vanderesse. Jeunes et
vieux se mirent à ce jeu de cartes réputé
difficile. Le club "l'ami bridge" dura quelques années.
Belotte et manie avaient aussi leurs adeptes et les "engueulades"
en cas de fautes allaient bon train.
Le théâtre eut aussi ses heures
de gloire. Les pièces de Labiche jouées
dans la salle de la mairie attiraient les gens du village, mais aussi
des alentours.
Le
jeu de quilles du café des
pêcheurs était le lieu d'âpres
discussions entre joueurs, "recampeux", "reouaitants". Le tout se
terminait devant une tournée payée par les perdants.
Le théâtre et le jeu de quilles du "père Remy".
Sur cette photo de la fin des années soixante, de gauche à droite
parmi les acteurs, on reconnait Françoise Guichard, Claude Carpentier,
Michel Vanderesse, Michel Lisembard, Hubert Guichard, Sylvain
Vanderesse.
Devant la scène à droite, Claude Bestel.
L'hiver était l'occasion de superbes glissades. Sur des luges
fabrication maison, les gosses descendaient de l'église jusqu'au petit
pont.
Il fallait parfois transformer la route en patinoire avec quelques
seaux d'eau pris au lavoir.
Mails il ne passait pas ou peu de voitures et les adultes comprenaient
ces jeux d'enfants.
Les batailles de boules de neige étaient aussi l'occasion de se
défouler.
Le 21/08/1991 fut créée une association "Les joyeux pouillots" dans le
but d'animer la commune. La dernière modification date du 25/04/2019 ce
qui semble qu'elle existe toujours.
Le 28/09/1995 fut également créée "La ruche de Pouilly" dont le but est
de : "Rassembler les familles et les personnes vivant en milieu rural
et assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux".
On notera la création d'un terrain de jeu pour les enfants, suite
aux travaux de l'EPAMA en 2006, Une rampe pour un accés facile
permet d'y accéder.
Quelques pages à consulter :
La baignade
le bal
Le carnaval
La pêche