Le grand pont
Le tout premier connu.
Ce grand pont qui relie l'île à l'écluse a déjà fait parler de lui il y
a plus de 5 siècles.
En
1451,
une curieuse affaire intéresse le village de Pouilly.
Le 10/04/1451 Charles VII ordonna par lettres au prévôt de Mouzon
envoyées de Tours, de démolir le pont. (ACH 1-E-032)
Il s'agissait d'un pont que les habitants de Pouilly "... estant hors
de notre royaume et du coté de l'Empire" avaient fait construire alors
qu'ils n'avaient pas le droit de "...faire aucun pont sur ladite
rivière de Meuze, de laquelle le cours en souveraineté nous
appartient..."
En voici la transcription :
Charles par
la grace de dieu Roy de france et Senyueur de mousom [sic pour
Mouzon] Au prevost
de mousom ou a Son lieutenant Salut Nostre Receveur / ordinaire dudict
mousom
nous a exposez que Il a environ XVIII ans afin que gens de guerre ne
malfaitteurs ne peussent venir / des pais dalemaingne ne autres qui ne
Sont de
nostre Royaume en Icelluy Sy non par les anciens destrois dangiers et
passagez
de / nos bonnes villes et fortes placez a nous appertenans Scittuez et
assisez
Sur les extremites dicelluy par nos gents et officiers tant dudict /
moussom
que dailleurs Eulx considerans quil estoit tempz dostillite et de
guerre, pour
obvier au grant dommage qui povoit advenir a nous / et a nos Subgetz
par le
moyen dun bac ou chalan estant Sur la Riviere de meuse qui fait
Separacion de
nostredict Royaume et de lempire ou / villaige de lestanne
[sic pour
Letanne] a nous appertenant Et Jasoit ce que Icelluy bac eust ung peage
qui de
toute anciennete Se vendoit a nostre proffit par nostre / Recepveur
ordinaire
dudict mousom, fut advise pour eschuer plus grant Inconveniens de
perdre la
valeur dudict peaige pour certain temps / Jusquez a ce que le pais
feust plus
paisible que Icelluy bac Seroit effondre, Au fermier duquel bac chascun
des
habitans dun villaige / appelle pouilly estant lors de nostre Royaume
et du coste
de lempire au dessus du lieu de lestanne douoient paier certain devoir
de blef
et / et [sic] Dargent pour leur passaige Sans povoir faire aucun pont
Sur
ladicte Riviere de meuze de laquelle le cours en Souverainete nous /
appertient
Ce neantmoins les Seigneurs et habitans dudict pouilly a quy Il ne
loist faire
aucun pont Sur ladicte Riviere Sans nostre congie / et licence, en y
ont fait
construire et ediffier ung dont lung des boutz prent terre Du coste de
nostredict Royaume encores en lieu ou Il na / point de garde par ou
chascun
Jour puelent venir malfaicteurs du coste de lempire en nostredict
Royaume, Et
de fait puis deux mois enca / y a passe gens darmez qui Sont venus
logier en
Icelluy ce quilz neussent peu faire Sil ny eust eu que ledict bac Et
avec ce y
puellont passer / et aler hors de nostredict Royaume marchans et
charroy qui
viennent querir denrees en Icelluy chargiez de vins et autrez
marchandises de
nuyt / et a heure Indeue pour nous deffrauder de nos drois et truaiges
Et ausy
a loccasion dicelluy pont est adnichille et venu a neant Icelluy /
peaige qui
ne nous vault aucune chose pour lesquellez causes et autres bien
Raisonnables,
ne devons toller(er) ne Souffrir ledict pont demorer / en estat, eu
Regart a ce
que onquez nen y et point, mais est le vray passage pour passer toutez
manierez
de gens audict mousom qui est / ville fermee et ou on puet avoir
congnoissance
quelz gens y passent et Repassent Car on ne puet passer au pont qui
audict
mousom Sans / passer par ladicte ville en la quelle malfaiteurs ne Se
bouteroyent
pas voulentiers pour doubte destre prins et apprehandes, pour quoy nous
/ qui
ne voulons Souffrir ledit pont pour les Inconveniens grans maulx et
dommagez
qui par le moyen dicelluy pouroyent advenir a nous / et a nos Subgetz
demourer
en estat nous mandons et commettons par ces presentes que Sil vous
appert que
danciennete Il ny ait acoustume davoir / pont et que par le moyen
dicelluy
puisse avenir aucun dommage a nous ou a nos Subgetz qui Incontinent et
Sans
quelquez delay ou / dissymullation, vous faittez desmolir et abattre
ledit pont
Et pour ce faire et acomplir Convocques et assamblez nos Subgetz de
ladite /
Seigneurie de mousom et autres de nostredit Royaume garnis dabillemens
nessessairez
a abattre ledit pont tant et en tel nombre que mestier / Sera et que
verres estre
expedient et neccessaire En les conttraingnant ad ce faire Tout ainsy
et par la
fourme et maniere quil est / acoustume de faire pour nos proprez
besongnez et
affairez Car ainsy nous plait Il estre fait nonobstant oppositions ou
appellations quelconquez / pour les quellez choses ne voulons
aucunement estre
differe, et lettres Subreptices Inpetreez ou a Impetrer a ce contraire
Donne a
Tours / le Dixiesme Jour davril lan de grace mil CCCC Cinquante avant
pasques
Et de nostre Regne le XXIX°
par le Roy
a la Relacion du consseil
Duchemin
Cette première destruction sera suivie de bien d'autres !
Jusqu'à la révolution.
Il y en avait deux. Le
petit
pont sur le canal usinier, et le grand
pont de l'île (actuellement "camping et la prairie devant la gare. Le
canal n'existait pas encore).
En 1792 ces ponts étaient en bois. Lors du retour du sgr de Pouilly il
est bien noté qu'on a retiré les planches pour empêcher le passage.
Mais surtout nous avons un compte rendu de leur état d'avril 1797.
"Aux citoyens président et administrateurs municipaux du canton d'Inor.
Exposent les citoyens Jean-Baptiste Gobert, agent et Jean-Baptiste
Guichard, adjoint de la commune de Pouilly et stipulant pour elle et en
son nom.
Que la dite commune de Pouilly est chargée de l'entretien et de la
réparation de deux ponts construits en bois, à ses frais, sur la
rivière de Meuse, vis à vis du dit Pouilly, et servant au passage de la
dite rivière, tant aux habitants de cette commune pour communiquer,
dans leurs coutures, leurs prairies et leurs bois communaux, qu'aux
voyageurs et étrangers de pied et avec voiture en général.
Que ces deux ponts sont dans le moment actuel dans un état de vétusté
et de délabrement qui annoncent et font craindre leur ruine prochaine,
tant par le peu de solidité des matériaux en bois avec lesquels ils
sont construits que par le déplacement des pierres de la masse sur
lesquels les bouts de cales poutres sont posés.
Que ce délabrement a pour cause principal le débordement des eaux et la
rapidité des glaces dans les temps d'hiver, qui ont emportés les
pilotis qui soutenaient ces masses.
Qu'étant urgent de prévoir aux moyens d'empêcher la ruine totale de ces
deux ponts, il est nécessaire d'en faire de suite, constater l'état par
expert, pour sur le procès verbal de leur visite, être pris telle
mesure et être avisé au moyen de les réparer le plus promptement
possible, la matière requérant célérité etc."
Est donc nommé comme expert le citoyen Lallemand, fils, meunier
domicilié à Stenay.
Le compte rendu ajoute :
"Observent aussi les pétitionnaires que la dite commune de Pouilly n'a
aucun fonds desquels elle puisse disposer pour faire faire les
réparations des ponts dont il s'agit. Que la seule ressource est dans
la délivrance et exploitation du quart en réserve de ses bois communaux.
En conséquence elle demande à ce que le dit quart en réserve lui soit
accordé pour les bois nécessaires en provenant, être employés à la
reconstruction et réparation des dits ponts et le surplus, si surplus
il y a, être vendu pour le prix de ce bois servir à acquitter les frais
de reconstruction et autres que nécessiteront les dites
réparations".
Mais l'affaire traine...
Un deuxième expert est nommé le 30/04/1797 par l'administration.
Le 20/08/1797 ils rendent leur rapport :
"Considérant qu'il résulte du procès verbal adressé par les experts
Limouzin et Lallemand fils, que les deux ponts en bois ...sont dans le
plus mauvais état et qu'il est nécessaire de reconstruire l'un et de
réparer l'autre.
Que ces reconstructions et réparations sont d'autant plus urgentes que
les ponts dont il s'agit venant à être emportés par les eaux, les
glaces, la commune de pouilly n'aurait plus aucun passage pour aller
dans ses bois, à la culture de ses terres et dans ses prairies qui sont
situées au delà des deux ponts etc."
Le 22/09/1797 les officiers forestiers de Stenay donnent leur avis
quant au bois à utiliser. "...que pour faire face aux dépenses,
détaillées en l'état estimatif du 15 fructidor (01/09/1797) dernier,
les
pétitionnaires ont la seule 1ère sortie de leur réserve contenant 37
arpents 5 perches de bois ou 24 arpents 24 perches de France, gauli (?)
de 30 années de recru, dont la futaie nombreuse et abondante de chênes
pourrait fournir la meilleure partie des solives mentionnées aux devis,
que les autres sorties exploitées en 1777, 1786, 1791, et 1793 ne
peuvent être maintenant d'aucun produit utile etc."
En résumé il faudra tirer dans les coupes suivantes pour avoir assez de
bois et reconstruire ces ponts.
Je n'ai pas trouvé le devis ni les plans de ce projet. Mais a t-il
abouti puisqu'en 1820 se repose le problème ? (AD55 L 589)
Le pont en 1820
En décembre 1820 devant l'état de vétusté du pont, l'architecte du
département de la Meuse de Montmédy avait été chargé de faire les plans
et devis pour le rétablissement de ce pont. Mais il signale que "...ce
n'est qu'en mars 1822 que le conseil municipal a décidé qu'il serait
reconstruit au même endroit que l'ancien au lieu de descendre vis-à-vis
le petit pont".
Le projet finalement se chiffre à 24 038,53 fr en 1823.
Le 14/06/1828, l'ingénieur des ponts et chaussées de la Meuse écrit un
mémoire sur le projet de reconstruction du grand pont :
"Ce grand pont actuel de Pouilly, en charpente est composé de 2 culées
en pierre de taille, de 9 palées et de 10 travées dont les ouvertures
varient depuis 4 m jusqu'à 6,70 m. Sa longueur entre les
culées est de 49,50 m et la largeur entre les poutres de rive de 4,70 m.
Ce pont est dans un état de vétusté qui exige une reconstruction
entière; presque tous les bois en sont pourris et hors d'état d'être
remployés, d'ailleurs le plancher est beaucoup trop bas. Les hautes
eaux s'élèvent toujours jusqu'au dessus des culées et couvrent le
terrain du vallon situé sur la rive gauche.
Comme ce pont est plus étroit que le lit de la rivière, en amont, et
comme il est démontré par l'expérience que son débouché n'est pas
suffisant pour l'écoulement des grandes eaux, qui alors se dirigent
vers la rive gauche et occasionnent des dégradations, on propose d'en
augmenter la longueur de 8,30 m du coté de la prairie. Alors le nouveau
pont aurait 57,70 m entre les culées.
D'après le projet de (la date exacte n'est pas indiquée, mais il s'agit
du futur canal) MM Sartoris et
Vallée, dressé en 1823, pour redresser le lit de la Meuse et en
faciliter la navigation, le grand déversoir de Pouilly, situé à 250 m
au dessus du pont serait conservé avec la même hauteur. La dérivation
du canal commencerait au point A, en amont de ce déversoir et
rejoindrait le lit principal de la Meuse, au point C, à 640 m en
dessous du pont.
On doit établir un sas, avec un pont-levis dans la direction du chemin
de Pouilly à Luzy. Il suit de cette disposition que la reconstruction
du pont de Pouilly, ne porterait aucun obstacle au projet en instance
de la navigation de la Meuse". (AD55 8 O 589)
"Le nouveau pont sera reconstruit dans l'emplacement de l'ancien, avec
culées et murs en aile en pierre de taille. La charpente sera composée
de 8 palées et de 9 travées dont celle du milieu aura 6,50 m
d'ouverture et les autres chacune 6 m. La longueur entre les culées
sera de 57,70 m et sa largeur entre les garde-corps de 4,56 m. Son
plancher sera incliné pour l'écoulement des eaux pluviales avec une
pente et contrepente de 2 cm etc."
Suivent des détails techniques quant à la construction.
"Pour ne point intercepter la communication pendant la construction du
pont, une barque sera établie en aval, pour le passage des gens de
pied. Les voitures et les bestiaux passeront au gué situé au dessus du
pont.
Comme la commune de Pouilly se trouve dans la zone militaire, il a été
dressé un procès verbal... il résulte que la reconstruction en bois du
pont de Pouilly, ne présente aucun inconvénient sous le rapport de la
défense de la frontière etc."
Pierre Julien Lallemand (1799-1837), entrepreneur à Stenay, est
finalement adjudicataire pour la
reconstruction du pont le 27/04/1829.
Le procès verbal de réception par l'ingénieur Vincent, des ponts et
chaussées à Verdun, a lieu le 29/09/1832. Le montant l'opération est de
22746,09 fr.
Tout irait donc pour le mieux si une mauvaise querelle de préséance ne
venait pas s'immiscer dans cette affaire.
Lors de la réception, étaient présents M Gobert, maire, M Ravignaux,
adjoint et M. Lamarle ancien ingénieur en chef. Ce dernier souhaitait
qu'il fut signalé que "...l'établissement de la fabrique de drap de M
Renard ainsi qu'un mur fait récemment sur la rivière lui paraissait
devoir porter un grand préjudice à la commune. Il aurait désiré que
l'on fit mention dans le procès verbal de réception. Nous avons observé
à M Lamarle que cette affaire étant étrangère à la réception du pont,
il convenait d'en faire l'objet d'une réclamation particulière".
Vincent rédige donc son procès-verbal en ne citant que le maire et
ignorant que MM Deleau et Lamarle étaient délégués par le maire.
Lamarle fait donc valoir qu'on a pas tenu compte de son avis, que le
maire est parent avec l'entrepreneur et qu'il faut donc faire une
nouvelle réception. A priori elle n'eut pas lieu ou en tout cas ne
figure pas au dossier. La mauvaise foi de M Lamarle a dû être reconnue.
Finalement l'affaire est liquidée le 09/05/1833.
Pouilly a enfin un pont neuf.
Qui était ce La Marle ? Il s'agit de Pierre La Marle, né le 13/04/1756
à Metz et décédé le 23/10/1842 à Pouilly. Il était ingénieur en chef
des ponts et chaussées. Le 20/10/1796 il a acheté la ferme de La
Vignette.
Y a t-il eu conflit d'intérêt comme il le prétendait ?
La parenté entre Pierre Julien Lallemand 1799-1837) et Jean-Baptiste
Gobert (1794-1880) le maire est avérée. Mais il faut remonter au couple
André Adnesse (1720-1793) et Jeanne François (1716-1779) pour la
trouver soit 3 générations au dessus. Et lors de l'adjudication du
27/04/1829, ce n'était pas Gobert mais Jean-Baptiste Hussenet qui était
maire.
De 1832 à 1868
Le pont était donc en bois et en 32 ans il a vieilli.
En 1865 il est en mauvais état et doit être reconstruit. Mais avant
même d'être construit on envisage déjà sa destruction en cas de guerre.
Dans un procès verbal de conférence entre l'ingénieur ordinaire des
ponts et chaussées de Verdun et le capitaine du génie à Stenay, en date
du 03/03/1865 voici ce qu'écrit l'ingénieur des P et C.
"Le pont en bois établi à Pouilly sur la Meuse pour le passage du
chemin vicinal de Beaumont à Pouilly est dans un état de vétuste qui
exige sa reconstruction complète.
Le pont projeté situé entre le pont en bois établi sur le bief des
usines et le pont construit en 1863 sur la dérivation éclusée de
Pouilly, est destiné à franchir le bras principal de la Meuse à Pouilly.
Ce pont sera composé de 5 travées de 10,42 m d'ouverture. Les deux
culées
et les quatre piles seront reliées par des poutres en fonte qui
supporteront un dallage en pierre sur lequel sera posée la chaussée du
pont.
Il est évident que l'exécution de cet ouvrage peut être autorisée
puisqu'il ne s'agit pas ici de créer un passage nouveau, mais seulement
de pourvoir à la conservation de celui qui existe et qui est
indispensable pour le maintien des communications établies depuis
longtemps entre l'extrémité NO du département de la Meuse et la partie
est du département des Ardennes"
Le capitaine du génie donne ensuite son avis :
"...Les piles n'ont qu'une épaisseur de 1,30 m. La largeur de la
chaussée entre les parapets n'est que de 4,25 m.
La Meuse étant un obstacle sérieux que rencontrerait l'ennemi, dans le
cas où il opèrerait vers ce coté de la frontière entre Montmedy et
Sedan, il importe d'assurer les moyens de détruire tous les passages de
cette rivière.
Le mode de construction du pont projeté permettant d'en obtenir la
destruction avec rapidité, tant pour le tablier que pour les piles,
dont l'épaisseur est d'ailleurs trop faible pour permettre d'y
organiser convenablement une chambre de mine, le commandant du génie
est d'avis que la construction puisse être autorisée librement selon
les dispositions indiquées au projet sans qu'il y ait lieu d'y ajouter
quelque dispositif de défense en exécution de l'instruction
ministérielle etc."
Les travaux peuvent donc commencer.
En août 1866 le vieux pont est démoli comme le montre une lettre de
l'agent voyer, réclamant sur les instances de la municipalité, une
solution provisoire pour franchir la
Meuse.
Le conseil avait pensé se servir d'un ponton, mais n'a pu s'en
procurer un.
Il a pensé ensuite à l'amélioration du gué situé à 50 m à l'aval de la
reconstruction projetée, mais la Meuse a 1,30 m de profondeur ce qui
rend les travaux trop dispendieux.
L'autorité locale de Pouilly a donc décidé de l'établissement d'un pont
provisoire en bois, à l'emplacement du gué sus-dit accusant une largeur
de 40 m. Ce pont comprendrait 4 travées de 10 m chacune.
Le tablier formé de pièces de sapin recouvertes de madriers et reposant
sur des chapeaux encastrés dans des files de pieux, serait surmonté de
deux gardes corps en bois laissant 3,50 m de largeur de voie.
Le dessus des sapins formant poutres serait placé au dessus des fortes
crues.
Deux rampes faciliteraient de chaque coté du cours d'eau l'accès du
pont."
L'agent voyer demande donc l'autorisation au sous-préfet de construire
ce pont provisoire.
Ce pont fut sans doute construit et dura jusqu'à l'achèvement du
nouveau, sans doute jusque 1869.
Un procès verbal de réception daté du 26/12/1868 et signé de l'agent
voyer et du maire Louis Balland, nous apprend que le sieur Guinard
Jean-Baptiste de Dun-sur-Meuse, en vertu de l'adjudication passée à son
profit le 15/01/1866 a fini les travaux pour la somme de 34359,26
francs. (Une ligne du budget de 1866 signalait déjà en dépense pour
reconstruction du grand pont, la somme de 16 500 francs, puis en 1869
la somme de 1859,26)
Pouilly est donc doté d'un pont tout neuf que l'on peut voir
ci-dessous. Le plan est daté du 31/08/1864.
Mais dés 1882, le conseil municipal dans sa délibération du 12 novembre
signale déjà des défauts :
"...les poutres en fer, supportant le dallage du grand pont sur la
Meuse, cherchent à s'écarter. Si cela devait continuer, des dalles
pourraient tomber et peut être en résulterait-il des accidents graves.
Pour prévenir le mal, le conseil demande que le grand pont soit visité
par MM les agents voyers etc."
Ce qui nous vaut le 16/01/1883 un rapport des agents avec un descriptif
technique du pont :
"Le pont dont il s'agit comprend 5 ouvertures de chacune 10,42 m de
largeur sur 3,20 de hauteur, avec culées et piles en maçonnerie,
tablier en fonte supportant un dallage en pierre de taille recouverte
de pierres cassées et garde-corps en fer sur les rives".
Il ajoute à propos des malfaçons :
"Par suite de la trépidation les poutres de rives se sont légèrement
courbées à l'extérieur et tendent à s'écarter encore, ce qui fait
craindre leur rupture et en même temps la dislocation de partie du
tablier.
Plusieurs dalles en matériaux provenant des carrières de Pouilly, de
qualité médiocre, sont aussi exfoliées. Quelques unes qui sont brisées
peuvent tomber d'un moment à l'autre et créer un précipice (sic). Il
importe donc de remédier à l'inconvénient".
Il propose d'utiliser de la pierre de taille "aux carrières de
Chauvency-saint-Hubert, offrant toutes les garanties désirables de
durée et solidité".
Et pour le fer destiné à brider le tablier, il viendrait des usines de
Stenay.
Le montant des travaux serait de 1800 francs, ce qui autorise une
adjudication en mairie ou par voie de régie.
Une étude technique destinée à évaluer l'écoulement de l'eau en
fonction du nombre de piles est lancée en 1884.
Le sous-ingénieur Roussel y donne son avis le 24/06/1884 :
"Les débouchés linéaires résultant des deux solutions proposées par M.
l'agent voyer en chef sont très sensiblement les mêmes que celui qui
avait été adoptées. le soussigné propose donc de les accepter sous la
réserve que le projet définitif sera ultérieurement soumis à l'examen
du service hydraulique". On ne sait pas quelles étaient ces
solutions... Dragages ?
Le 08/11/1890 une réunion entre
le capitaine Auscher, chef du génie à Montmédy et le sous ingénieur
Roussel a pour sujet "...l'installation du dispositif de mine permanent
dans le pont de Pouilly sur la Meuse.
Il consiste dans l'installation de chambres de mine dans la culée et
les deux piles voisines".
Il est alors noté que "...ces travaux pourront être exécutés sans
interruption dans la circulation sur le pont..."
On y apprend aussi que "...le tablier est supporté par des piles et
culées en maçonnerie, il est formé de 5 poutres en fonte avec dalles
intermédiaires".
En décembre 1890 la décision est donc prise de pourvoir le pont de
chambres de mine.
Ces renseignements sont issus d'un dossier "Projet d'installation d'un
dispositif de mine permanent dans le pont de Pouilly sur la Meuse" du
08/11/1890. Ce dossier comporte un plan détaillé du pont avec les
chambres de mine. (AD08 DDEN 422)
Un courrier du 09/09/1891 de l'agent voyer nous apprend que ces travaux
prescrits le 23/12/1890 ont bien été effectués et que la dépense de
940,40 francs est à la charge du département de la guerre. (AD55 8 O
589).
On connait aussi ce pont par une carte postale, mais on ne peut en
déduire la date de construction exacte.
Après la première guerre.
La première guerre voit la destruction de ce pont. Certainement
dés le début du conflit en août 1914. Encore ne fut-elle que partielle,
à en croire le rapport de l'armée américaine sur la décision de choisir
Pouilly comme lieu de passage le 11/11/1918. Il est dit :"
Il ne restait plus qu' Inor et Pouilly. De bons ponts avaient existé
dans ces deux places et leurs démolitions n'avaient été que partielles."
Las Allemands l'avaient sans doute rétabli pendant l'occupation et
détruit à leur départ.
L'armée américaine
l'utilise cependant en le "rafistolant", comme on peut le voir sur les
photos.
Mais dés le 16/11/1918 le 2ème régiment de pionniers américain a
rétabli un pont de bois digne de ce nom.
En 1919 le génie militaire français établit un pont provisoire en "bois
tendre", (du sapin sans doute), qui s'avère en automne 1926 être dans
un
état de grande précarité. La photo est celle du pont de 1924. En effet
la mairie n'a été reconstruite qu'en 1925.
Il est alors décidé de construire un "...pont provisoire latéral,
destiné à assurer la circulation jusqu'au moment où l'ouvrage détruit
en 1914 serait reconstruit définitivement..." Courrier de Martinot du
22/02/1927.
Mais ce pont provisoire remplaçant celui de 1919 tarde à se finir, à
cause des crues, et M. Martinot dans ce courrier, recommande au maire
de
Pouilly de prendre un arrêté interdisant le passage d'engin de plus de
2 tonnes sur l'ancien pont. La décision est prise le 10/03/1927 par le
conseil municipal art 52.
Jean Guichard, faisait état d'un pont de fer construit en 24-25 en
attendant un pont définitif. Ce doit être celui ci-dessous.
En effet la mairie est celle reconstruite en 1925
On notera que ce grand pont subit au gré de
ses destructions un emplacement variable.
En 1925 il n'était pas reconstruit, comme on le constate dans l'ouvrage
"Reconstitution du département de la Meuse" 1928 page 100. Il y est dit
: "Tous ces ponts sur la Meuse sont aujourd'hui achevés et seul un
ouvrage reste à reconstruire sur la même rivière, celui de
Pouilly-sur-Meuse, dont la restauration est retardée par l'examen de
diverses
variantes".
Le 22/08/1929, le président de la séance du conseil expose ce qui suit
:
"La démolition totale du pont établi sur la Meuse par le Génie en
1919, nécessite le déplacement de la canalisation d'eau potable
nécessaire à la population toute entière. Le travail de démolition,
doit d'après l'entrepreneur qui en est chargé, être effectué dans un
délai trop court, 15 jours au plus..."
Le conseil considérant qu'il serait regrettable de priver tout un
village d'eau potable etc. demande au préfet que les travaux de
démolition du pont soient reportés à une date plus éloignée.
Le 07/11/1929 le conseil doit une nouvelle fois réclamer la
reconstruction des ponts.
"Le président attire l'attention du conseil sur la situation pénible
dans laquelle se trouve la commune, par suite de la non réfection des
ponts établis sur la Meuse et sur le canal,avant guerre et qui ont été
détruits en 1914. Des ponts provisoires ont été établis par le génie en
1919; devenus inutilisables, ils ont à nouveau été remplacés par
d'autres encore provisoires en 1927. Ces derniers peuvent à la rigueur
servir, mais bien souvent ils sont en raison de leur peu de largeur,
une gêne pour le passage des voitures chargées de récoltes, des
machines agricoles (moissonneuses lieuses) des troupeaux communaux.
De plus la non reconstruction de ces ponts oblige la conseil à retarder
la construction de la levée insubmersible projetée depuis 5 ou 6 ans".
(Il s'agit du
pont de la gare).
Il demande donc au préfet d'user de son influence auprès des services
intéressés afin de faire cesser une situation qui dure depuis 10 ans
déjà.
Le journal "L'usine" du 14/03/1930 annonce pour le 28 mars la mise en
adjudication à la préfecture de Bar-le-Duc du pont de Pouilly pour un
montant de 330 000 francs.
Le 31/05/1930 le maire prend un arrêté relatif à la limite de charge
sur le pont. Le pont est interdit aux véhicules dont le poids par
essieu est supérieur à 3 tonnes. De plus la vitesse maximale est
limitée à 10 km/h.
La consolidation du pont provisoire de Pouilly est constatée par un
relevé horaire du 21/09/1932, envoyé à M. Martinot, ingénieur des ponts
et chaussées de Stenay. Ce relevé de la Sté Binon et cie de Reims, fait
état du 27/12/1931 au 01/03/1933 de 108 heures de charpentier et 96
heures de manœuvres en 7 jours d'intervention.
On note trois déclarations d'accident du travail, les 13,19 et 21
octobre 1931 sur le chantier du pont, déclarations faites par Liévain
Lucien, chef de chantier. Elles concernent Paulin Peltier d'Inor, Félix
Gillet de Pouilly et Marcel Lombard, chef dragueur.
Le 11/06/1932 un autre accident est signalé mais sans précision du nom
de la victime. Il s'agit d'un ouvrier qui est tombé dans un puits de
mine de 3m de profondeur.
En 1934 un pont en béton assure enfin la traversée de la Meuse.
La mairie de Pouilly possède le dossier de reconstruction de ce pont.
La deuxième guerre.
Fini en 1934, sa vie sera courte, puisqu'en 1940 il saute.
Le lieutenant Lallemand dont les carnets viennent d'être édités par la
"Société d'Histoire des Ardennes", à l'initiative de Manuel Tejedo
Cruz, vice-président de l'amicale du 136e RIF, écrit le 14/05/1940 :
"... Il fait nuit quand nous arrivons à Pont-Gaudron. Nous y faisons
halte, et la roulante distribue à manger aux hommes. nous poursuivons
notre route vers Pouilly-sur-Meuse. Nous n'en sommes plus qu'à deux
kilomètres, quand dans la nuit montent trois longues gerbes de feu,
suivies bientôt après, d'une explosion formidable. Nous croyons que ce
sont des torpilles qu'un avion vient de lancer sur le village, mais
deux civils que nous rencontrons une peu plus loin nous disent qu'un
premier pont vient de sauter et que l'on s'apprête à faire sauter le
second. Il faut donc se hâter. Nous envoyons immédiatement un cycliste
en avant pour prévenir de notre approche et nous passons le pont entre
deux rangs de fourneaux de mine..."
Il ajoute le 15/ mai 1940 :
"...Le lieutenant Pichard nous vers le soir, avec son détachement. Il
n'a pu franchir la Meuse hier soir à Pouilly, le pont étant sauté..."
Le vendredi 17 mai il constate que le pont bien que détruit est encore
utilisable :
"Dans la soirée du 15 mai à la suite du 246e RI, dont il avait reçu des
ordre assez imprécis, il a franchi la Meuse sur les ruines du pont de
Pouilly..."
Il n'est donc pas infranchissable comme on le constate sur
une photo.
Un pont de bois provisoire fut établi, mais endommagé par les crues de
décembre 47- janvier 48, il fut fermé à la circulation.
Enfin le génie construisit un pont dit Bailey, provisoire, qui dura
jusqu'en 1982.
(L'avantage de ce type de pont est que sa construction n'exige ni
outillage spécial ni équipement lourd.C'est une sorte de meccano. Sa
modularité permet de le décliner en 7 versions différentes en fonction
du nombre de poutres porteuses.
Donald Bailey (1901-1965) ingénieur au War Office en fut le concepteur.
Son invention est toujours utilisée dans les zones de combat ou de
catastrophe.
Le tablier de ce pont était fait de planches. Sa traversée faisait un
fameux vacarme.
Il y avait de chaque coté du pont une passerelle pour piétons, mais ces
passages, devenus dangereux, faute d'entretien furent vite abandonnés.
Mais bien qu' ingénieux, ce pont avec le temps atteignit ses limites.
Une inspection du ministère de l'équipement en 1979 le déclara
dangereux.
Le tonnage fut limité à 3,5 tonnes et la vitesse à 10 km/h.
Donc plus de car scolaire, sauf à le prendre à la gare, et de gros
problèmes pour les poids lourds et les agriculteurs.
Une réunion du conseil du 06/04/1979 demanda donc la reconstruction
d'un pont.
Le 30/01/1981, ce même conseil reposait le problème, puisque rien
n'avait bougé.
Et enfin commencèrent les travaux qui aboutirent en novembre 1982 à ce
pont moderne, dont l'esthétique tranche avec notre fâcheux petit pont.
Quand il fut reconstruit, le "
camping" fut évacué. Il eut été alors judicieux de
restructurer ce no mans'land.