usine au 19eme siecle   Le XIXe siècle...


    Les Empires, les restaurations, l'industrie, les grands travaux, 1870 etc.


Le XIXe siècle. Que s'est il passé ?

Le premier empire, une nouvelle administration, mais aussi ses guerres et ses désastres démographiques.
La boucherie impériale  laisse une France  exsangue.
Dans notre région la chute de l'empire nous valut l'occupation ennemie de 1814 qui ne s'achèvera qu'en octobre 1818 après le congrès d' Aix-la-Chapelle.
Napoléon est un génie pour certains, un dictateur pour d'autres, mais un mégalomane dangereux sans aucun doute.
Se qualifier d'empereur pour un ancien nationaliste corse, relève de la farce. L'instauration en 1806 d'une saint-Napoléon (inexistant au martyrologe romain) le 15 août en est une autre.
Il a certes mis fin au chaos post-révolutionnaire en prenant le pouvoir par un coup d'état, ce fameux 18 brumaire an VIII.
Il a bien sûr fait avancer le code civil, réformé un tas de trucs administratifs, légalisé le divorce (surtout par convenances personnelles) obtenu le concordat après avoir fait prisonnier le pape, lancé le cadastre dit napoléonien et la monnaie qui restera stable jusque 1914 etc.
Il faut aussi reconnaître son génie militaire, sa clairvoyance sur les champs de bataille. Mais aussi un ego surdimensionné, lui donnant confiance et certitude, même quand il était en mauvaise posture.
Parmi ses erreurs militaires, on peut citer la guerre d'Espagne et sa tentative malheureuse de marche jusqu'à Moscou. De plus enrôler des soldats de pays qu'on vient de battre, ne pouvait amener que désertions et trahisons.
Mais on peut citer aussi le rétablissement de l'esclavage qui satisfaisait la bourgeoisie, la surveillance policière des populations, de la presse, l'instauration de passeports intérieurs, sorte d'ausweis pour quitter un canton.
Et beaucoup moins glorieux le massacre de 3 000 prisonniers à Jaffa en 1799, un Oradour avant l'heure.

Il fut un temps accueilli par les Français comme un sauveur. Beaucoup ont par la suite déchanté, voyant les forces vives de la France alimenter les charniers européens. Les pertes sont estimées à 2 500 000 militaires en Europe et 1 000 000 de civils en Europe et dans les colonies françaises.
On peut se demander ce qu'il aurait fait, en possession des moyens de destruction dont son admirateur allemand fera usage un siècle et demi plus tard.
Il est assez incompréhensible que deux siècles après, son souvenir reste si présent dans le cœur des Français ! Mais comme le disait déjà sous Louis XIV, Saint Evremont : "Le Français est surtout jaloux de la liberté de se choisir un maître"
Il serait temps que notre pays réévalue le bilan de Napoléon et reconnaisse les crimes de guerre et contre l'humanité qu'il a commis.

Les restaurations. L'industrie dans la région commence à se développer. La bourgeoisie s'installe, la religion reprend ses aises.
Les Bourbons ne sont même plus connus après 25 années d'exil
Louis XVIII règne comme il peut, encadré par les puissances alliées qui ont envahi la France depuis 1815 et les ultra-royalistes aspirant au retour d'un ancien régime dur. Ce n'est pas un politique et les affaires l'ennuient. Il préfère de loin lire Horace et paraître en père du royaume. Mais il est obèse, podagre et on ne l'imagine pas à la tête de troupes...
On voit dans son entourage des Talleyrand, Fouché, Chateaubriand etc. rivalisant de bassesses, de traitrises, d'obséquiosité pour se faire une place à la cour. Les ministères sont remplis d'incapables dont le seul mérite est d'avoir émigré ou d'être royaliste bon teint.
La collaboration avec l'envahisseur hérisse le petit peuple et l'armée impériale qu'on rejette.
Le retour de Napoléon lors des cent jours est favorisé par cet état d'esprit, même si la France laborieuse aspire à la paix.
Pour redorer son blason la France se lance dans la guerre "picaresque" d'Espagne pour conforter le régime de Ferdinand VII (un Bourbon)
Son frère Charles X, après avoir pourri le régime de son frère Louis XVIII, accède au trône en 1824 et le perdra en 1830.
Son règne est marqué par la loi d'indemnisation des émigrés, et par les expéditions françaises en Grèce (1827) et en Algérie (1830).
La mentalité de la noblesse n'a pas ou guère changé. Dans ses mémoires, le général baron de Marbot, d'ancienne noblesse, mais rallié à la cause napoléonienne puis à la royauté, on peut lire : "j'abhorre tout ce qui tendrait à ramener la démocratie, tant je suis convaincu que les masses sont aveugles, et que le pire gouvernement est celui du peuple" ("Mémoire du général de Marbot", tome 1 page 29)
Sans oublier bien sûr le retour en force de la religion. En 1825 il est même votée une loi du sacrilège, prévoyant la peine de mort à celui qui profanerait des hosties ou les vases les contenant ! Elle ne sera jamais appliquée et sera abrogée dés 1830. Mais il n'empêche que l'intention était là.

Les révolutions parisiennes de juillet 1830 et février 1848.
L'insurrection du 23 au 26 juin 1848.
Jean-Baptiste Aubert de Pouilly participa à l'insurrection (et non la révolution) de juin 1848.
Marie Nicolas Augustin George en fait aussi partie.
Ils furent parmi les 11 662 inculpés jugés par 8 commissions militaires à la suite de l'insurrection parisienne.

Les guerres
On en compte une trentaine pour ce siècle, où les Français participèrent. Nos ancêtres y furent mêlés inévitablement, puisque la conscription devint obligatoire.

Les guerres coloniales. La conquête de l'Algérie et autres colonies. Près de 100 000 hommes y participèrent.

Le second empire et ses guerres malheureuses mais aussi ses succès économiques.
La révolution de 1848. Napoléon neveu de Bonaparte devient premier président de la république, avant de devenir empereur.
Le coup d'état de 1851, mais aucun ressortissant de Pouilly n'y a été mêlé.
Les plébiscites dont les résultats jusqu'au 08/05/1870 frisaient ceux des républiques totalitaires ou bananières actuelles !
Le Mexique,
La guerre d'Italie de 1849 et le rétablissement de Pie IX (un pape bien peu progressiste)
La guerre de Crimée. Elle coûta cher à la France. "Sur les 309 278 hommes soldats et officiers français, 200 000 ont été soignés dans les ambulances et dans les hôpitaux, 150 000 pour maladie, 50 000 pour blessure guerre, 95 000 morts, soit 31 %, dont 75 000 de maladie" ( "La IIe république et le second empire" Sylvie Aprile p 264)
Mais je n'ai pas trouvé de victimes originaires de Pouilly.
La guerre de 1870 qui dans notre région toucha Beaumont, mais surtout Sedan et valut à notre région une occupation jusqu'en 1873.
La naissance de la 2 ème puis 3 ème république dans l'attente d'une restauration improbable.
Sans oublier l'anticléricalisme devant la main-mise religieuse (La loi inspirée par Falloux), l'esprit revanchard post 1870, l'affaire Dreyfus etc.
Et la loi Grévy qui fit tant pour l'éducation de nos ancêtres.





Mouvement de populations et changement de mentalité au village.


Le passage de troupes armées a dû amener du "sang neuf" au village, consenti ou non.
Un Christophe Lukas né en Allemagne reste en France après l'occupation en 1815. En 1819 il était canonnier dans la batterie no 22 de l'armée prussienne résidant et en cantonnement à Carignan. (AD55 Pouilly 1813-1847 22/134)
Il aura 9 enfants de Marie-Anne Hautdecoeur, originaire de Létanne et décédée à Pouilly le 12/02/1859.
Ce n'est pas un cas unique, puisqu'à Beaumont Gaspard Schwab se marie le 27/12/1820 à Jeanne Fortier.(1795-1880). Il était né le 15/06/1789 à Boppard en Prusse et décéda le 18/07/1827 à Beaumont. (AD08 Beaumont 1819-1847 17/301)

Les occupations ennemies. Celle de 1814 et de 1815 à 1818  après Waterloo. Notre région est sous la botte prussienne.

Nous connaîtrons ensuite celle de 1870 à 1873.

Parmi les mouvements de population on remarque l'arrivée à Pouilly d'une brigade d'agents des douanes. Si ceux-ci se marient souvent entre eux, certains  trouveront chaussure à leur pied au village.

Les grands travaux comme la construction de la voie ferrée, vers 1874, du canal, vers 1860, la transformation du moulin en usine, vont faire affluer au village une main d'œuvre étrangère.
La population s'accroit mais les conditions de logement et de vie se dégradent. Pouilly va gouter aux joies de l'industrialisation.

La cellule familiale était protectrice à la campagne, mais elle commence à subir l'érosion d'un apport de population exogène.
On se marie un peu plus loin et les naissances d'enfants naturels sont de plus en plus nombreuses.
La religion n'est plus omniprésente pour régenter les mœurs.

On va travailler à la ville et même jusque Paris. Le réseau ferré ouvre des horizons aux audacieux. Le courrier, le télégraphe, sont les vecteurs d'un rapprochement qu'on imaginait pas.
Les préceptes ancestraux se trouvent laminés, par la presse qui se développe, les mouvements ouvriers, l'anticléricalisme mené par des enseignants actifs et revanchards.

Un article du Petit Ardennais du 18/02/1887 donne une idée de l'ambiance anticléricale de la fin du XIXe. Cet article explique le remplacement d'un instituteur M. Michel, par M. Charles (soit disant à Pouilly, mais je n'ai rien trouvé les concernant .Ce qui ne retire rien sur le fond de cet article.)
"On est dés maintenant certain que M. Charles, successeur de M. Michel s'attaquera à enseigner à ses nouveaux élèves, l'histoire contemporaine et non celle des saints du paradis, à leur apprendre de savoir aimer au dessus de tout la Patrie et la République.
Certes quelques cléricaux doivent être affligés du changement précipité de M. Michel qui, chacun le sait, est et sera toujours un rat d'église, mais tous les républicains se réjouissent de l'arrivée de M. Charles".

Les catholiques ne semblent pas plus tolérants. Le Petit Ardennais du 05/04/1888 relate  cette  affaire :
"Intolérance ridicule. Un petit garçon de dix ans, gagne sa vie en vendant le Petit Ardennais. Il fait sa tournée en sortant de l'école, entre 11:00 et 12:00, sans que son gagne-pain l'empêche d'étudier comme ses camarades.
A l'exemple de ceux-ci, il allait au catéchisme et à l'église, trop jeune encore pour comprendre la portée des ses actes. Or M. le curé a trouvé que vendre le Petit Ardennais constituait un péché plus que mortel, et il a renvoyé le pauvre enfant du catéchisme, lui défendant d'y revenir jamais. Mais là ne s'est pas bornée son action mauvaise contre lui. Prenant à part les camarades de notre jeune vendeur, il leur a ordonné, s'il venait à la messe le dimanche, de ne pas lui donner de pain bénit.
Ces mesures par trop mesquines, dignes d'un esprit étroit, ont révolté les honnêtes gens.
Aussi a-t-on résolu de ne plus laisser aller le petit garçon à la messe, et c'est encore M. le curé qui y perdra, surtout dans l'estime de ses paroissiens.
Avant de faire un crime à ce jeune enfant de vendre le Petit Ardennais, besogne qui seule le fait vivre, M. le curé aurait dû lui procurer un autre travail. Mais comme tous ses pareils, il se moque bien des besoins d'autrui. Pourvu qu'il mange et qu'il boive, peu lui importe la vie des autres ! Aussi le catéchisme ni la messe n'ayant suffi jusqu'ici à faire vivre qui que ce soit, notre petit vendeur se passera fort bien de l'un et de l'autre"
Le curé était François Alfred Gilles. Quant à l'enfant ?

Mais quand la religion se mêle aux élections la situation devient tendue.
En mai 1896, une polémique  secoue le village à propos de l'élection du maire. Le Petit Ardennais des 16, 24 et 29 mai en parle :

Le 16 mai
Le Petit Ardennais donne les résultats des élections à Pouilly. L'auteur de l'article (de Pouilly sans nul doute) se réjouit de la défaite de la liste adverse en ces termes : "Depuis plusieurs années, ils faisaient les malins avec leurs titres de conseillers, mais maintenant ils seront contents d'affronter l'hiver avec leur veste: Ils n'auront pas froid. Leur déroute est complète, même foudroyante. Les conseillers élus ne démentiront jamais la confiance des électeurs et ils se dévoueront aux affaires et intérêts de la commune.
Vive la République"


Le 24 mai
"Ils ont un fier aplomb ceux qui vous adressaient la note qui a paru dans votre numéro du 16 mai dernier, lorsqu'ils terminent leur lettre en se félicitant que les républicains aient remporté une veste, et en terminant par l'exclamation : Vive la République.
Ils ont donné la dose de leur prétendu républicanisme en nommant un maire qui se déclare lui-même rallié, parce que depuis 6 ans il reconnait qu'on ne peut plus trouver les moyens d'établir une monarchie, et en nommant un adjoint dont les plus grands titres sont ceux d'être un fidèle serviteur de M. le curé qui le paie et le choie pour exercer les fonctions de chantre.
Quelle confiance les républicains peuvent-ils avoir en un nouveau conseil dont les membres les plus influents sont, l'un chantre, l'autre conseiller de fabrique, et un autre encore trésorier de fabrique ?
Que ces aboyeurs aient donc un peu plus de pudeur et de franchise; qu'ils crient : Vive le roi ! Cela sera bien plus dans leur cordes , car ils doivent bien savoir qu'on les connait bien, et qu'à part électeurs rendus dépendants par le besoin de gagner leur pain, ils n'ont pas eu de voix du parti républicain.
En tout cas on ne pourra pas dire que le niveau du conseil se soit beaucoup élevé, car il est question d'inscrire au prochain budget la dépense d'une chaise à remontoir pour les conseillers qui ne seront pas à la hauteur"

La réponse arrive le 29/05/1896 par la vois de Camille Vivier, faisant appel à son droit de réponse :
"Je demande aux auteurs de l'article de dimanche quels sont ceux qui ont le plus d'aplomb :
1- De parler contre les conseillers de fabrique et de mettre en tête de leur liste soi-disant républicaine le sieur Launay J-B, président du conseil de fabrique, qui est resté sur le carreau avec 38 voix sur 116 votants.
2 - De prendre le chantre Chauvancy à partie ainsi que M. le curé qui ne se mêle jamais d'élections, et d'aller depuis 4 ans à chaque procession leur offrir la musique de Pouilly pour les accompagner et les aider.MM. Gobert Ed. chef de musique et Collignon, sous-chef, candidats de la liste qui se dit républicaine.
3- De nous demander de crier plutôt vive le roi que vive la République et de porter aussi sur leur liste un candidat qui, pendant longtemps a été choyé par le comte d'Imécourt et dont la famille est encore aujourd'hui au service de cette maison qui ne passe pas dans le pays pour aimer très fort la République.
Quant à la chaise à remontoir, je suis assuré que la commune de Pouilly aurait très bien fait de la commander quatre ans plus tôt, ou plutôt d'en commander plusieurs.
Les électeurs vraiment républicains de Pouilly.l'ont compris aussi bien que moi et ont agi en conséquence. Encore une fois, quoiqu'on dise : Vive la République !
Camille Vivier, conseiller municipal, trésorier de fabrique soumis à la nouvelle loi sur les fabriques et présentant mes comptes régulièrement à la préfecture."


L'armée noyaute la société en attendant la revanche. La germanophobie est bien ancrée.
Le 30/04/1887 à Pouilly "Arrestation de deux Prussiens. Les pompiers de Pouilly avertis par un télégramme émanant de la gendarmerie de Stenay, ont arrêté mercredi à six heures du soir, le long du canal vers Létanne, deux Allemands porteurs de renseignements sur la frontière.
Ces personnages se donnent comme déserteurs, mais il y a plutôt lieu de croire que l'on se trouve en présence de deux espions. C'est là; d'ailleurs une question qu'une enquête sérieuse éclaircira" (Petit Ardennais 30/04/1887)


Le cellule familiale se fragilise.
Eugène Weber dans  "La fin des terroirs, la modernisation de la France rurale 1870-1914" Fayard Recherches 1983, montre bien "....comment ce monde est passé de son isolement à l'ouverture sur l'extérieur, d'une économie de subsistance à une économie de marché, de l'usage de la langue locale à celui de la langue officielle..."

Mais le  coup de grâce à notre vie campagnarde arrivera au XX ème siècle, avec le bouleversement de la première guerre mondiale.