Les conséquences de la deuxième guerre à Pouilly.
Pouilly subit des pertes humaines.
Deux soldats,
Joseph La Marle et
Robert Guichard sont morts.
Mais aussi un civil,
Pierre La Marle qui lui a disparu dans les camps
nazis.
On peut lire leurs destinées sur cette page
Soldats
de 1940
Beaucoup de soldats se retrouvèrent prisonniers pour de nombreuse
années en Allemagne. On peut citer :
Émile Falala né le 04/03/1905 à
Pouilly, 2eme classe Tr.A, prisonnier de guerre au stalag XI B
Georges Vanderesse qui habita
l'ancien presbytère rue de la cure.
Jean Vanderesse qui exploitait
une ferme à Pouilly
Albert Vanderesse frère des
précédents, exploitant de la ferme de Prouilly.
André La Marle
Léon Garin qui s'est évadé etc.
En Meuse on compte 504 déportés dont 301 ne sont pas rentrés.
Il y eut 276 fusillés ou massacrés, 160 victimes civiles de
bombardements, prés de 7 000 prisonniers de guerre et environ 1 500
jeunes envoyés au STO (Service du Travail Obligatoire)
Après la victoire, des soldats allemands furent fait prisonniers et
certains furent employés dans les fermes.
A Stenay un camp de transit installé par les Américains dans les
anciennes casernes Chanzy, vit passer près de 300 000 Allemands.
(Conférence de Frédéric Adam de l'INRAP Grand-Est aux "Journées d'étude
meusienne" 2019 à Doulcon)
A Pouilly on trouve sur la feuille de recensement de 1946 :
Eugen Muller né en 1909,
employé agricole chez Gabriel Georges.
Heinrich Metzger né en 1921 et
Humbert Tedeschi né en 1900, commis
chez Gustave Guichard.
Walther Buttner né en 1916 et
Gerhard Boll né en 1913, commis à la
ferme de La Wame chez Dumont.
Rudolf Well né en 1900 et
Max Watnik né en 1901 commis chez
Émile Jonet.
Il y en eut sans doute d'autres (à la Ruelette par exemple), mais je
n'en ai pas trouvé trace écrite. Hubert Guichard me disait que le sujet
était sensible...
Resté à Pouilly un ex-soldat allemand que tout le monde appelait le SS,
travaillait à la ferme des Dumont. Je pense qu'il s'agit de ce Walther
Buttner. Il s'est marié à Odette Grabowski, née Chiamulera, qui avait
déjà un fils Joël, que j'ai connu à l'école, avant qu'il ne parte avec
ses parents en Allemagne.
Y sont-ils restés ? En effet on trouve une Odette Chiamulera née le
17/01/1931 à Gercourt-et-Drillancourt, et décédée le 25/09/2001 à
Verdun (Insee acte 427)
Les pertes matérielles.
Les
ponts ont sauté comme à chaque conflit. On en compte
290 dans la Meuse.
Sur cette photo de 1950 on remarque l'emplacement des anciens ponts, le
grand comme le
petit.
On voit aussi cette route qui conduisait au
pont de l'usine
Des maisons sont endommagées, pillées. On peut en voir quelques unes
sur la page photos.
Cependant Pouilly n' a pas connu d'incendie volontaire ou de pillage
systématique.
René Guichard (fils de
Clément Guichard et Jeanne Gobert, vétérinaire
en retraite à Avranches parle de celle des
Rambourg,
qu'il a connue,
paisible et musicale. Elle se trouve en face de l'ancien presbytère,
rue de la cure. Elle fut rachetée après guerre par Jacques Delattre,
puis par la famille Fleiger.
L'écluse, la ferme de la Wame sont en ruine.
Les plans des dégâts visibles à la page photo sont incomplets.
Certaines maisons n'y sont pas mentionnées, comme celle de l'ancien
presbytère, par exemple.
Il
faudrait faire une recherche plus poussée au niveau des dommages de
guerre pour apprécier toute l'étendue des dégâts. Ces dommages de
guerre qui furent d'ailleurs à l'origine de fraudes et de
l'enrichissement de quelques uns.
L'église
devra être reconstruite en partie et perdre son clocher.
Le conseil municipal du 03/04/1951 note : "La reconstruction du village
de Pouilly est lente, aucun bâtiment neuf n'est commencé."
Mais les destructions à Pouilly sont sans aucune mesure comparées à
celles d'Inor ou de Martincourt.
La Meuse compte 2 600 immeubles totalement détruits et 14 000
endommagés.
Il faut noter aussi les nombreuses réquisitions allemandes.
Si l'armée ennemie était motorisée, elle utilisait encore de nombreux
véhicules hippomobiles. Les chevaux furent donc enlevés aux fermes, ce
qui aggrava une situation déjà précarisée par le départ des hommes.
L'armée française avait d'ailleurs déjà fait une ponction sur le
cheptel d'équidés et sur tout ce qui pouvait alimenter en viande les
troupes mobilisées.
Parmi les dommages, on peut citer les exactions de la WOL. (
Wirtschafts ober Leitung, Direction régionale de la mise en
culture).
Cet organisme avait pour but de mettre en culture au profit de
l'Allemagne les territoires occupés. (En Meuse 25000 ha)
Les clôtures furent arrachées pour devenir de grandes parcelles,
cultivées à force d'engrais et en monoculture. Les tracteurs firent
leur
apparition.
Les propriétaires légitimes, expropriés furent parfois obligés de
travailler comme salariés sur leurs propres terres !
Cette obligation ne se fit pas sans réticences et la production s'en
ressentit au point que la Wol ne fut jamais une entreprise rentable.
De plus la jalousie entre paysans fit bien des ravages. Ceux dont les
terres avaient échappées aux réquisition allemandes étaient privilégiés
vis-à-vis des autres.
Après la guerre il fallut rétablir les limites et l'idée d'un
remembrement fit son chemin.
Élisabeth Vanderesse m'a communiqué un bulletin de déclaration agricole
de la ferme de ses parents daté du 15/11/1941. Il y est noté que sur 17
ha de terre labourable, 3 sont pour l'ostland. Il restait donc 14 ha
que Marie-Louise Guichard, épouse de Jean Vanderesse, alors prisonnier,
exploitait.
Les conséquences psychologiques.
Dés l'invasion allemande, le sentiment d'avoir été trahi était vif.
Beaucoup de soldats n'ont même pas tiré un coup de feu avant de se
retrouver prisonniers.
Comme dans tous les villages de France, certains individus se sont
laissés bercer par la propagande nazie ou vichyiste.
Déjà avant la guerre quelques uns avaient choisi leur camp et faisaient
leur propagande dans les cafés à Pouilly.
Certains ont même franchi le pas et rejoint la LVF (Légion des
Volontaires Français) pour soit-disant combattre le bolchévisme.
D'autres et ils sont nombreux, sont restés passifs ou combinards. Le
marché noir a fleuri et enrichi certains sur le dos de plus pauvres
qu'eux, ou de citadins en quête de nourriture. La méfiance, voire
l'hostilité envers le monde agricole y trouva peut être sa source.
Je ne sais pas à Pouilly si des volontaires ou des STO (Service du
Travail Obligatoire) sont partis en Allemagne.
Les difficultés de circulation entre zone libre et occupée, le courrier
et la presse censurée, la confiscation des postes de TSF (Téléphonie
Sans Fil), les interdictions de réunion etc. laissèrent les populations
dans le désarroi.
Il s'installa une certaine résignation mais aussi l'espoir de voir
Pétain résoudre les problèmes. Le portrait du vieux maréchal trônait
sur les cheminées et à l'école on apprenait aux enfants "Travail
Famille Patrie" et "Maréchal nous voilà.".
L'appel du 18/06/1940 par De Gaulle fut peu écouté, les postes ayant
été confisqués.
Par contre l'entrevue de Montoire le 24 octobre de la même année, entre
Pétain et Hitler, entrainant la France dans la collaboration, dégrada
l'image du gouvernement de Vichy. Les lois antisémites, l'encouragement
à aller travailler pour les nazis, (STO, relève, etc.), la répression
policière parfois
plus zélée que celle des Allemands, n'arrangèrent pas la
situation de ce gouvernement.
Cette collaboration voulue par la classe politique et par Pétain nous
valut la méfiance des pays en guerre contre le Reich. La France devint
une nation peu fréquentable et les alliés le firent sentir à De Gaule à
Londres, ensuite à Yalta, où l'on ne souhaita pas notre présence.
L'occupation dura plus de 4 ans.
La libération de Pouilly s'est faite sans combat la première semaine de
septembre 1944, par les Américains de la 7éme DB.
Le responsable de la Wol a un jour disparu et c'en fut fini de la
présence allemande.
Claude Garin, alors âgé de 13 ans, grimpa sur l'éolienne (vestige de l'
adduction d'eau) et y accrocha un drapeau français
avec sa ceinture.
On notera tout de même des actions de sabotage :
Le 02/08/1944 les FFI du secteur IV Nord-Meuse Groupement IV, s'attaque
à un train entre Inor et Pouilly au kilomètre 114.300. La locomotive, 4
wagons sont détruits, 40 soldats allemands tués. Le trafic est
interrompu 39 heures.
Le 13/08/1944, c'est une action de sabotage entre Stenay et Pouilly au
kilomètre 114.200. Résultat : une locomotive hors des voies, 3 wagons
hors service, interruption de trafic pendant 40 heures.
Le 2208/1944 à Pouilly, Destruction d'une locomobile par explosif et
incendie d'une batteuse. (Monique Gini, épouse Toussaint, me disait que
cet acte avait eu lieu sur la route de Pouilly à Moulins, prés du
ruisseau d'Autreville)
Le 01/09/1944, entre Inor et Moulins sue la RN 64, attaque de voitures
allemandes. Plusieurs soldats tués.
Marcel Toussaint (1916-1999)
était alors sergent dans le groupe FFi du secteur IV
Après la
victoire, on découvrit l'étendue de la barbarie nazie, à
travers la
libération des camps et la disparition de voisins, amis, parents.
Mais bien sûr on ne compta pas ou peu de pétainistes, pas plus
qu'on n'entendit parler de marché noir.
L'oubli sait être sélectif.
Les
résistants, eux furent légion et on ne comprend pas comment l'Allemagne
a pu nous occuper 5 ans, devant une telle hostilité ! Je parle des
résistants de la dernière heure.
La
victoire
a
cent pères,
mais la
défaite
est orpheline...
Les règlements de compte suppléèrent une justice qu'on trouvait trop
lente ou trop laxiste. A Pouilly quelques personnes furent
inquiétées... Ailleurs certaines furent tondues pour "collaboration
horizontale".
La police qui avait largement collaboré ne fut pas inquiétée (ou si
peu) car on en avait besoin, tout comme beaucoup de fonctionnaires, qui
se retranchèrent derrière les ordres reçus. Défense facile...
C'est amusant de voir ces fonctionnaires qui firent la chasse aux
Juifs, aux résistants, retourner leur veste et se parer de quelques
actes courageux, inventés ou en tout cas exagérés.
On pourra lire : "La police de Vichy" de Maurice Plocki dit Rajfus
(1928-2020) aux éditions du "Cherche Midi"
Mais on ne doit pas en faire une généralité et couvrir tous les
policiers d'opprobre. Leur situation entre l'arbre et l'écorce n'était
pas simple et seuls, les plus courageux, ont su se tenir à l'écart
d'une collaboration passive ou voulue.
Ainsi,
Eugène Adrien Berthelemy
(1895-1976) s'est distingué à Troyes, où il était capitaine de la
gendarmerie. Dans son dossier de la légion d'honneur, on peut lire :
"Patriote doué d'un courage et d'un esprit de décision remarquable. A
organisé l'évasion de 30 détenus à Troyes, leur a fourni les moyens de
transport ainsi que des papiers d'identité.
En mars 1943 est entré au réseau Samson et a pris part aux
parachutages. Le 19 mars, a réussi à sauver un dépôt d'armes repéré par
l'ennemi. Poursuivi a été obligé de prendre le maquis. Officier
d'élite, bel exemple de Français.". Il n'était pas de Pouilly, mais
s'était marié le 02/04/1921 à Marie Amélie Noémie Dupront (1900-1992)
qui elle, était d'une vieille famille de notre village.
Quelques notoriétés issues du spectacle, de la littérature, de la
presse ou de la mode ont été inquiétées. Si certaines ont été
condamnées, d'autres sont passées à travers, comme Coco Chanel par
exemple, maîtresse d'un
proche d'Hitler, espionne à la solde du Reich qui s'exila en Suisse
avant
de revenir en 1954. Elle continue cependant à être encensée !
Moins chanceux Brassillach, Louis Ferdinand Céline etc. ont été
condamnés.
Un film réaliste, retrace la vie d'après guerre dans une bourgade. S'y
cotoient vrais et faux résistants, collabos notoires, communistes,
policiers véreux, catholiques, braves gens et fripouilles avérées. Le
titre de ce film est "Uranus" et date de 1990.
Enfin Pouilly reprit ses activités. Reconstruction, remise en culture
dans une situation économique désastreuse. Le rationnement ne
disparaitra qu'en 1948 et même février 1949 pour le pain.
Le procès de Nuremberg fit pendre quelques responsables nazis. Mais
l'Allemagne ne fit guère de zèle pour rechercher ses
anciens criminels parfois aidés par l"église ! Mais qui avait
intérêt à dénoncer un père, un frère, un grand-père ou un ami ? Voire
se dénoncer soi-même ! Et pourtant les populations allemandes ne
pouvaient ignorer le sort des civils, juifs, tziganes, des soldats
prisonniers qui arrivaient en masse dans les camps et n'en repartaient
pas.
Les sociétés allemandes continuèrent a prospérer comme IG Farben,
Mercédés, BASF etc.
Puis la France et l'Allemagne se réconcilièrent.
Commencent
alors l'Europe et pour l'instant 75 ans de paix, troublée
parfois par des "nazillons" nostalgiques, des partis d'extrême-droite.
On notera tout de même les conflits de l'ex Yougoslavie, la montée des
nationalistes et des révisionnistes.
Je m'aperçois en 2022 que je m'étais réjoui trop vite à propos de la
paix en Europe. puisque le 20/02/2022 la Russie menée par Poutine a
attaqué l'Ukraine, sans raison valable. Ce dictateur revendique des
provinces où la population serait pro-russe et parait-il menacée.
Hitler avait déjà fait le coup à propos des Sudètes... L'histoire se
répète.
Mais contrairement à ce qu'espérait Poutine, l'Europe et l'OTAN ne se
sont pas divisés et aident l'Ukraine contre l'envahisseur russe.
En 2023, suite à un attentat du Hamas, Israël attaque les Palestiniens
et provoque la mort de près de 30 000 civils.
La Chine et Taïwan se regardent en chiens de faïence.
Le dictateur de la Corée du nord ne cache pas son bellicisme, etc.
Allons nous vers une 3e guerre mondiale ?
Les mariages fleurirent après cinq ans d'abstinence.
Guichard Jean et Lequy Maria le 20/06/1946
Darte Henri et Granger Micheline le 22/06/1946
Guichard André et Forestier Thérèse le 07/09/1946
Vanderesse Georges et Henrion Yvonne le 28/10/1946
Vanderesse Albert et Jonet Camille le 14/04/1947
Tramecourt Henri et Yvette Vignol le 08/11/1947
Et les naissances qui les accompagnèrent, ce qu'on a appelé le
Baby-boom.
Une agriculture modifiée ?
Comme lors de la première guerre, mais cette fois dans l'idée d'une
colonisation, les Allemands changèrent les habitudes de culture de nos
habitants.
Abréviation de "Wirtschaftsoberleitung", direction des services
agricoles, la
W.O.L. désigne l"administration allemande qui dirigeait en zone
interdite française les exploitations agricoles, sur le modèle et
l"expérience de l"Ostland en Pologne
Finies les parcelles exiguës et inexploitables avec du matériel
moderne. Finis les barbelés séparant les propriétés. Finie la
polyculture.
Le chef de culture a ses objectifs à atteindre. Pour Pouilly ce sera le
chou-fleur !
Une nouveauté pour nos parents et grand-parents ! Un choix dicté par
des technocrates allemands peu experts, puisque les rendements seront
assez médiocres.
L'après guerre vit l'arrivée des tracteurs, mais lentement. Le
gouvernement misait sur les "lessiveuses" remplies d'argent du marché
noir pour en voir arriver 200 000. Ce ne fut pas le cas et à Pouilly
dans les années cinquante beaucoup de fermes avaient toujours leurs
chevaux.
La FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles)
supplanta la vieille et inopérante CGA (Confédération générale de
l'agriculture)
Comme lors de la première guerre, l'impact obsidional n'est pas connu,
mais sans doute négligeable en tout cas à Pouilly.