Les cimetières
Pour les hommes
Le cimetière entourait l'église.
Il fallait être au plus prés
d'elle pour bénéficier des prières égrainées par les fidèles.
Les riches, les seigneurs, les ecclésiastiques etc. avaient droit au
chœur de l'église.
On voit encore dans celle de Pouilly les tombes de quelques
uns.
Certains se faisaient même enterrer sous les gouttières (sub
stillicidio) pour bénéficier de la grâce récoltée par les eaux
pluviales venant du toit de l'église !
Mais le 10 mars 1776, une déclaration royale interdit ce genre de
sépulture pour des questions d'hygiène et renvoie tous nos ancêtres au
cimetière communal.
Ce cimetière n'avait pas du tout la triste réputation qu'on lui donne
aujourd'hui, mais était
aussi paradoxal que cela puisse paraître, un lieu de vie.
Il suffit de se référer à la question posée lors de
visites épiscopales :
"Y-a-t-il un cimetière ? Est-il bien fermé et n'y tient on pas
les foires et marchés ? "
En fait il était courant d'y tenir conversation, marché, justice et
même pâturage pour les bêtes.
On y côtoyait ses ancêtres, prés de 3000 individus recensés
aux archives jusque 1900.
Enfin pas tous, car certains n'y étaient pas admis :
Les juifs, excommuniés, hérétiques, suicidés, enfants morts sans
baptême. (Encore que pour ces derniers, un endroit leur était souvent
réservé dans le cimetière, mais on n'en connait pas l'emplacement à
Pouilly.)
Régnait aussi un certain ostracisme, même post-mortem.
Ainsi Duhoux avec sa précision habituelle, nous
apprend qu'il a inhumé Marguerite Rigault, née à Nancy, paroisse de
saint-Epvre vers
1727, gouvernante des enfants de M. de Pouilly,
le 22/11/1777 "... à coté du chœur dans le lieu
destiné à la sépulture des étrangers...". (AD55 1760-1791 192/345)
Duhoux toujours, renseigne à chaque décès l'emplacement exact des
tombes :
Près de la petite porte. (Petite porte dont on trouvera la photo dans
la description de l'église).
Coté septentrion. (Nord).
Derrière le chœur. (Est).
Près du corps de garde.
Derrière la chapelle de saint Sébastien.
A coté de la sacristie.
Du côté droit en entrant.
Près du premier pilier coté septentrion.
Auprès de la porte qui conduit au jardin de M. de Pouilly.
Mais je n'ai pas trouvé de logique dans l'emplacement des inhumations.
Qui décidait ? Le fossoyeur ? La famille en regroupant ses
morts ? La fabrique ?
Le curé Josseteau nous met sur une piste quand il dit le 14/07/1673
avoir "...inhumé le corps de Jean Chollet au cimetière de Pouilly au
lieu de ses ancêtres..." . Il y aurait donc eu un regroupement par
famille ? Ou était-ce un privilège ?
Il faudrait acte par acte, vérifier en fonction du lieu d'inhumation le
lien entre les défunts. Vaste travail !
Nos ancêtres n'avaient pas la même vision de
la mort.
Elle était omniprésente, due aux disettes, maladies, guerres, et
surtout mortalité infantile. (voir la page
généalogie
et démographie)
Le cimetière était également au moyen âge un refuge où
normalement on ne risquait rien. Ceux qui y périrent ont dû regretter
avoir cru à cette légende.
Mais au fait combien de cimetières ?
Si il est certain que nos ancêtres dorment à Pouilly, pour autant on ne
sait pas forcément où.
Les tout premiers, ceux qui utilisaient la hache trouvée à La Vignette,
il y a 5000 ans ?
Les autres, quand de nomades, chasseurs, cueilleurs, se
sédentarisèrent, au village ?
Les soldats romains, les premiers fermiers gallo romains (Polliacus) ?
Les Huns et autres envahisseurs qui y décédèrent ?
Ceux qui parait-il, vinrent du nord faire des razzias en nos régions
vers 900 ?
Et bien sûr toutes les victimes du village, d'armées amies ou ennemies ?
Les gens, le temps, tout a dispersé ces possibles tombes si elles ont
réellement existées.
La Meuse, linceul idéal, a dû voir défiler bien des corps.
Ce dont on est sûr.
Lors de l'inhumation de
Jacques
Perard curé de Pouilly, l'officiant note sur l'acte en 1715 :
"a été inhumé dans le chœur de la
nouvelle église qui se bâtît actuellement au milieu du nouveau
cimetière..."
1 - On peut donc supposer qu'il y en avait un ancien...
2 - Nous connaissons
ensuite celui qui entourait
l'église actuelle et qui fut déclassé.
L'analyse du budget nous fait voir des travaux concernant les murs et
en particulier celui de 1866 qui comporte une ligne pour 190 francs de
porte.
La séance du conseil municipal
du 05/06/1952, nous apprend que : "Le vieux cimetière est remplacé
depuis 1883 par un
nouveau cimetière. L'ancien n'est plus entretenu sauf 2 tombes. Le
conseil demande le déclassement de ce cimetière qui entoure l'église.
Les
vieilles tombes gênent la reconstruction de l'édifice. La commune se
dégage des dégâts qui pourraient survenir aux tombes".
Il est bien dommage qu'un état des sépultures encore existantes n'ait
pas été fait.
On y trouve encore quelques vestiges dont :
Une plaque au nom d'
Alexis Guichard,
né le 02/02/1847 et décédé le 05/05/1883 à 36 ans (en fait Xavier
Alexis). Il était
cultivateur, fils de Guichard Antoine et de Marie Anne Ravigneaux.
(AD55 1883-1892 133/185). Il était célibataire. En 2018 cette plaque a
disparu...
Une pierre au nom de
Marie Catherine Robert
le 22/01/1864, femme de Jacques Bernard Avocat, retraité des douanes.
(AD55 1863-1872 35/179)
Une stèle au nom de
Madeleine Schaffner
décédée le 24/03/1862 à la Vignette, femme de
Vincent Gambaro. Elle
était la mère de Françoise Virginie Gambaro, femme de Dominique Eugène
Lamarle.
Et bien sûr l'épitaphe de
Nicolas Lambotin.
Dans ce cimetière sont connues plus de 2700 inhumations (2727 d'après
les registres paroissiaux et d'état civil) de 1673 au 10/10/1885, date
de réception des travaux du nouveau cimetière.
Encore faut il retirer de ce nombre ceux qui ont bénéficié d'une
inhumation dans l'église.
Mais on peut sans doute en rajouter quelques uns, car les curés
ne notaient pas tout, et particulièrement les enfants morts nés.
3 - Puis celui actuel dont l'installation fit bien des vagues et bien
des ragots. On pourra lire la page concernant la
translation du cimetière.
Une délibération du conseil en date du 04/05/1886 établit un règlement
du cimetière et fixe les prix des concessions et travaux liés aux
inhumations.
Il fut réceptionné le 10/12/1885 et son premier occupant dut être
Jean Félix Ravigneaux, mort le
01/03/1886. (AD55 1883-1892 143/185).
Il mesure 51 mètres sur 40 et se trouve orienté nord-sud.
Il était prévu une répartition des tombes tout le long des murs. Mur
sud, concessions centenaires, mur nord, trentenaires, murs est et ouest
perpétuelles. Les quatre zones du milieu servant aux sépultures
communes.
Mais en 1920 se pose un problème. Les demandes de concessions à
perpétuité dépassent le nombre de place, "...par suite du retour au
pays d'origine des corps de soldats de Pouilly, morts au champ
d'honneur et des corps de réfugiés décédés au cours de leur
évacuation...". Le conseil à la séance du 10/11/1920, demande donc au
"... préfet l'autorisation de transformer en concessions perpétuelles
les 34 tombes communes du carreau nord-est du cimetière...". Le
16/12/1920 l'autorisation est donnée.
Début janvier 1921, le conseil cette fois demande la transformation des
10 tombes trentenaires nord-est, en concession à perpétuité. Ces tombes
avaient été occupées par les corps de soldats allemands morts au cours
de l'occupation. Ces corps ayant été relevés, ces tombes redevenaient
disponibles.
C'est par adjudication qu'était nommé le fossoyeur. Les tarifs
pratiqués faisaient l'objet d'une grille détaillée, suivant la
profondeur
de la tombe, du défunt, enfant ou adulte etc. Pour le détail, voir par
exemple la délibération du conseil du 25/07/1924. Pour un adulte, la
profondeur de la fosse varie de 30 francs à 1,75 m à 100 francs pour 4
m. Un enfant de moins de 12 ans n'aura qu'une profondeur de 1,50 m pour
15 francs.
Les inhumations pour les familles indigentes seront prises en charge
par la commune etc.
Quelques fossoyeurs :
Etienne Joseph.(1883-
) (Réunion conseil du 09/01/1920 art 1) L'adjudication est pour 2
ans.
L'art
funéraire
Le cimetière actuel possède quelque tombes intéressantes.
En effet il existe une symbolique funéraire que l'on peut observer et
dont je me demande si les familles des défunts avaient la signification.
Le 16/09/2018,
Nicolas Lemmer,
archiviste de Stenay, organisa dans le
cadre des journées du patrimoine une visite à Pouilly. J'en fus le
"conférencier" pour la partie histoire locale.
Et Francine Saint-Ramond, docteur en histoire, nous expliqua quelques
symboles comme :
- La colonne cassée, signe de la mort d'une personne en pleine vitalité.
- La stèle en pyramide souvenir de l'égyptologie alors à la mode.
- Les couronnes de myrte, les voiles sur les croix.
- Les torches à l'envers, signe de l'extinction de la lumière, donc de
la vie etc.
Nous y avons observé quelques types de sépultures comme le caveau
familiale de la famille La Marle, les monuments uniques mais avec
inhumation collective, l'enclos familial avec plusieurs monuments.
Et une tombe avec croix de Lorraine. Celle de Nicolas Adolphe Dournel
(1834-1896) et de son épouse Marie Demoulin (1895-1911). son père était
sous-lieutenant des douanes et sa mère était originaire d'Albestroff en
Moselle qui était alors allemande.
Serait-ce l'origine de cette croix ?
Remarquable aussi la tombe du curé
François
Alfred Gilles,
juste à proximité de la croix du cimetière. Mais après tout il méritait
sans doute cette place d'honneur pour avoir servi 52 ans durant la
paroisse de Pouilly. Cette place avait d'ailleurs fait l'objet d'une
délibération du conseil du 25/05/1911. Une concession perpétuelle lui
était accordée.
Et pour les animaux
L'équarrissage n'existait pas à cette époque et il fallait bien se
débarrasser des carcasses d' animaux morts.
Sans doute une bonne partie avait la Meuse comme dernière demeure.
Mais un lieu fut dévolu pour la récupération de ces cadavres et autres
abats.
C'est
une délibération du conseil du 10 août 1908, qui nous l'apprend :
"M. le président donne lecture à l'assemblée d'une lettre de M. le
préfet de la Meuse, signalant l'utilité qu'il y aurait à créer dans la
commune un clos d'enfouissement fermé de toute part, où seraient
enterrés tous les cadavres d'animaux morts ou abattus pour une cause
quelconque". Le conseil décide donc qu'il sera créé un clos
d'enfouissement d'une superficie de 8 ares environ dans un terrain
communal lieu dit
"Clarette" à
800 m environ du village.
Il se trouvait quand on monte au Châtillon à mi chemin du plateau sur
la gauche, Cet endroit devenu impénétrable
par les épines qui y avaient poussé, était un terrain de jeu (petits
camps) des enfants dans les années cinquante/soixante. On trouvait
alentour des
bandes de mitrailleuses dont on récupérait la poudre et qui allumée
gravait en lettres de feu nos initiales sur des troncs d'arbre.
Désormais nettoyé il sert de "verger expérimental".
Ce lieu dit aurait également servi de carrière puisque le conseil
municipal du 07/12/1907 dit que le rempierrrage des chemins ruraux se
fera avec des pierres provenant de Clarette.
Un autre aurait existé au dessus des sapins de la maison Noël. Mais je
n'ai rien trouvé aux archives.
A signaler aussi qu'une réglementation concernant l'abattage des
animaux fait l'objet d'une réunion du conseil municipal du 27/01/1924
article 15. Il faut dire que jusqu'à très peu de temps on ne
s'inquiétait guère de la souffrance animale...