le pape   La religion


L'opium du peuple... disait Marx.


La religion omniprésente.


En 1709 voilà ce que disait Jean Taté de Château-Porcien dans les Ardennes.
Certes ce n'est pas un écrivain local mais il relate la mentalité de ce temps.
En 1709 donc un hiver provoqua une disette terrible et il note :

"... Mais nos iniquités auraient tellement attiré sur nous la colère de Dieu, qu'il envoya pour ainsi dire l'ange dont il est parlé dans l'apocalypse, avec sa faux aiguë et tranchante pour moissonner cette belle campagne, vendanger ces vignes et jardins, car le sixième janvier de l'année 1709 etc. "

Donc cette année de détresse fut en fait le juste châtiment d'un dieu miséricordieux...
On accepte toutes les calamités car c'est la faute de l'homme trop peu croyant ou pêcheur, qui les provoque.
On retrouve là toute la pensée augustinienne.

Nos ancêtres avaient en fait la "foi du charbonnier". Une foi entre religion et superstition, entre curé et sorciers, entre résignation et peur.
Cette religion au fil du temps s'est immiscée dans les croyances ancestrales. Ce syncrétisme explique les dates comme la nativité le 25 décembre, ou la saint Jean et les solstices. Il explique aussi l'origine des sources et fontaines miraculeuses, connues bien avant l'arrivée du christianisme.
Opportuniste, la religion institue le carême,  tombant fort à propos dans une période où les greniers sont vides.
Elle institue aussi la trêve de Dieu, pour contrôler la violence féodale, mais aussi pour des raisons économiques. Pendant les conflits, l'argent ne rentre pas...
Elle est aussi une religion de peur. Les hommes naissent pêcheurs et doivent racheter la faute originelle. Argument qui permet au clergé de diriger le peuple à sa guise.
Et pour s'exonérer de toute faute, elle n'hésitera pas à déclarer en 1870 l'infaillibilité du pape !

La religion est donc partout, de la naissance à la mort.

Et même dans les procès les plus extravagants, comme celui qui condamna un cochon qui avait dévoré un enfant à Nepvant en 1526
Le désespoir des parents, la crainte d'une communauté devant la disparition de ses récoltes, pouvaient se comprendre.
Car on condamnait aussi les chenilles et autres sauterelles leur intimant l'ordre sous peine des feux du ciel, excommunication etc. d'aller exercer leurs talents ailleurs !
Mais l'église y trouvait son compte !
L'auteur rappelle que d'après les curés de Beaune (21)  "Le meilleur moyen de se délivrer de ce fléau de Dieu, c'est de payer exactement les dîmes et les redevances ecclésiastiques", qu'à Saint Jean de Maurienne, ils "recommandent surtout le payement exact des dîmes" et à Villenauxe (10) "de payer sans fraude les dîmes accoutumées"
On voit par ces trois exemples que le clergé ne croyait pas vraiment en ces procès d'animaux, mais y voyait l'occasion de rappeler que l'argent les intéressait...
Bien sûr quelques canonistes du temps censurèrent énergiquement ces excommunications fulminées contre les animaux, mais il fallut attendre la fin du XVIIe siècle pour voir disparaître ces procès.
il n'y a aucune raison pour que de semblables faits n'aient pas eu lieu en Lorraine.
On pourra lire "Curiosités judiciaires et historiques du moyen-âge. Procès contre les animaux" par Émile Agnel 1858.

Citons aussi le procès de deux "sorcières" à Mouzay en  1595
En fait de sorcières, on avait souvent affaire à de pauvres bougresses,simples d'esprit ou épileptiques. Il fallut beaucoup de temps pour s'apercevoir que leur sort dépendait plus de la psychiatrie que de la justice.
Les diseuses de bonne aventure, étaient tout autant inquiétées. En effet, comment connaître l'avenir sans le secours du démon ? On les consultait pourtant même dans les hautes sphères de la société...
Les bergers étaient souvent taxés de sorcellerie. Ils connaissaient les remèdes pour soigner les animaux dont ils avaient la garde. Qu'une épizootie arrive dans une ferme ou un village, et ils étaient accusés d'avoir jeté un mauvais sort, d'avoir empoisonné un puits,  etc.
Les rebouteux étaient souvent ce qu'on appellerait maintenant des naturopathes. Ils pratiquaient les plantes, un peu de chimie, avaient un minimum de jugeote et le sens de l'observation.
S'ajoutent à cela, une certaine connaissance du corps humain ou animal, quelques formules en latin de cuisine pour épater le patient et sans doute une dose de roublardise.
Pour condamner ces gens, on les faisait avouer sous la torture. Ces aveux entraînaient souvent d'autres arrestations tout aussi injustifiées...
Et finalement, c'était le bûcher pour tout le monde...
Jacques Roehrig a écrit "A mort la sorcière. Sorcellerie et répression en Lorraine XVIe-XVIIe siècles". Il y recense pas moins de 2300 cas de "sorcellerie"


Plus prés de nous, ce procès inique en 1745, concernant le chevalier de La Barre qui fut torturé et décapité à 19 ans, pour "ne pas avoir salué une procession".

Pierre Goubert écrivait :  "Il semble que la plupart des paysans devaient éprouver une sorte de foi élémentaire, réduite aux rudiments, et que dans cette foi coulaient autant de vieux résidus des vieux paganismes, des cultes de la nature, de l'astrologie et de la démonolâtrie que d'éléments authentiquement chrétiens. évaluer la part des uns et des autres est à peu prés impossible, et entraîne à des discussions interminables où la mauvaise foi brille plus que le foi." ("La vie quotidienne des paysans français au XVIIIe" p 218 1993 isbn 2-01-017852-1)
Cette foi élémentaire faisait accepter tout. Ainsi le curé d'Avioth écrit dans le "Bref recueil de l'état de l'église de Notre Dame d'Avioth"  à propos d'une femme "fort tourmentée, et exposée à de tels dangers que l'on pensait souvent qu'elle risquait d'étouffer tellement était grande sa douleur.... alors qu'elle se trouvait dans l'église, assistant à la grand-messe... elle avait tout à coup rejeté par la bouche une araignée vivante. Immédiatement après l'expulsion de cette bête venimeuse qui la tourmentait, la pauvre femme se trouva mieux.".
Comment un curé instruit pouvait-il asséner à ses ouailles pareils boniments sans l'arrière pensée de les épater par un miracle et les tenir prisonnier de la religion ?

Il suffit d'observer la dévotion à des sources "miraculeuses", les rogations, les bénédictions de tracteurs etc. pour se convaincre de la survivance de cette foi mitigée.

On est soumis à Dieu, à ses représentants sur terre, curés, évêques, papes maniant l'interdit et l'excommunication comme moyen d'asservissement. L'excommunication était la pire sanction individuelle. En effet on ne pouvait plus recevoir les sacrements et particulièrement au moment de la mort.
L'interdit, sanction collective, quant à lui touchait tout une communauté. Les églises étaient fermées, les défunts sans sacrement, les nouveaux nés sans baptême. Donc un châtiment terrible.
On doit aussi être soumis au représentant de Dieu, le roi : Cujus regio, ejus religio, tel prince, telle religion.
Louis XIV sera l'archétype de ces princes, révoquant l'édit de Nantes en 1685, organisant les conversions forcées par les dragonnades, et provoquant l'exil des protestants et ipso facto l'appauvrissement de la France.

Voilà rapidement l'état des lieux pour la période ancien régime.

Puis la révolution passa.
Au début il n'était pas question de toucher à la religion. Elle était trop fermement ancrée, même si le paysan pestait contre son décimateur.
Lors des états généraux, nombre de curés se rangèrent aux côtés du tiers, se mettant à dos leur hiérarchie. Ces curés pour beaucoup étaient aussi pauvres que leurs ouailles et partageaient le même labeur pour survivre.
Puis les curés furent proscrits si ils ne prêtaient pas serment et les assermentés ne firent pas l'unanimité. Surtout si d'aventure comme la loi leur permettait, ils contractaient mariage.
On connait à Pouilly un cas de résistance religieuse : Brice Gobert qui était "passeur" de curé.

Et quand la pratique religieuse fut de nouveau autorisée, les églises réouvrirent en grand. Le catholicisme encouragé par la restauration et la contre-révolution reprit du poil de la bête.
L'éducation lui fut dévolue. La censure, corollaire de ce retour en grâce refleurit.
Mais l'anticléricalisme également comme on peut le voir sur l'image ci-dessous !
Il fallut attendre la fin du XIXe pour que les Français s'extirpent de cet enlisement qui les avait conditionné pendant des siècles.


caricature les corbeauxLa loi de 1905 sur la séparation de l'église et de l'état fut la conclusion de ce divorce.
Même si une partie du clergé en Lorraine et Alsace continue à être payée sur les deniers publics, en contradiction avec la laïcité de l'état. Sous le prétexte (maintenant fallacieux) du concordat de 1801 entre Napoléon et Pie VII, aucun gouvernement n'a eu le courage de rectifier cette incongruité. Sauf le délit de blasphème qui n'a été abrogé qu'en janvier 2017 ! Le lobbying religieux a encore de beaux jours devant lui...


La mise en application de cette loi de 1905 fut d'ailleurs à l'origine de maints problèmes, concernant entre autres les biens des fabriques, qui revenaient alors à l'état. On trouve une quantité de procès, courriers, arrangements etc. de la part d'ayants droit souhaitant récupérer ce qui avait été versé en messes, fondations etc. (AD55 58 V 41 et 29 VP 56)


Cette loi de 1905 est remise en cause aujourd'hui par une certaine frange de la faune politique. On propose d'intégrer la religion catholique comme source de la civilisation européenne.
La France est dite "la fille ainée de l'église", soit, mais intégrer ce concept dans le fonctionnement de la république, c'est aller trop loin.




Mon  jugement est sans doute réducteur et ferait oublier que la religion fut aussi vecteur d'une certaine sagesse :

- Le "tu ne tueras pas, voleras etc. ", si il n'est pas l'apanage des religions, fut quand même le moyen de juguler une violence que la loi juive du talion ou l'Islam proposait.
- La trêve de Dieu, suspension de guerre durant certaines périodes religieuses, a sans doute épargné quelques uns de nos ancêtres.
- Le développement de l'activité agricole par l'installation d'abbayes. (Mais le défrichement et travaux étaient confiés à des serfs)
- Les actions de Vincent de Paul ont soulagé la misère de bien des pauvres.
- L'éducation, fut aussi le fait des religieux même si elle ne touchait qu'une certaine élite et très peu de femmes.
- La culture, les cathédrales, les copistes  etc.

La liste n'est pas exhaustive.



Mais les contrexemples sont tout aussi légion.
Et on ne peut faire l'impasse sur :

- L'obscurantisme et la soumission dans lesquels furent maintenus nos ancêtres.
- La servitude au sens propre du terme des paysans (serfs)  appartenant à une instance religieuse, abbaye ou autre.
- Les procès honteux, la chasse à l'hérétique, l'inquisition, (voir les années 1595, 1603 ) les conversions forcées, les dragonnades, les missions colonialistes etc.
- L'oubli des vœux prononcés, encore d'actualité. Le commerce des indulgences etc.
- Le clergé de l'aristocratie. Les Richelieu, Mazarin, Rohan, Le Tellier etc. se pavanant, pendant que le bas-clergé, bien plus proche du peuple, était soumis à la portion congrue.
- Le clergé régulier qui oubliait justement la règle et vivait souvent dans l'opulence.
- La complicité de l'église avec la politique, la justice, l'armée  et le capital. (Le journal "La Croix" fit preuve d'un antisémitisme violent lors de l'affaire Dreyfuss.)
- Aujourd'hui le clergé soufre d'une mauvaise réputation due aux crimes de pédophilie de certains et du silence de leur hiérarchie. Même si ce n'est bien sûr qu'une petite partie du clergé. En 2021 le rapport Sauvé fait état de près de 300 000 enfants abusés par des religieux...

Et là aussi, la liste n'est pas exhaustive.

Faire la balance des bienfaits ou nuisances de la religion n'entre pas dans le cadre de cette étude mais chacun en déduira ce qu'il veut.





Les évènements qui rythmaient la vie de nos ancêtres.
 
La naissance et le baptême ou l'ondoiement.

Voir cette page naissance
La naissance était immédiatement suivie du baptême le jour même et si d'aventure il était différé, le curé ne manquait pas de le signaler sur l'acte.
On remarque quelques rares exceptions comme cette Marie Louise Stevenot, baptisée le 10/11/1714 et dont le curé dit "...laquelle est née du jour d'avant hier.". L'explication d'un tel retard viendrait peut être de l'indisponibilité des parrains et marraines. En effet il s'agit de messire Christophe de Pouilly et de dame Marie de Pouilly. (AD55 Pouilly 1673-1722 212/276)

Cette rapidité venait du fait qu'on mourait facilement et rapidement et qu'un enfant non baptisé terminait dans les limbes, espèce de no man's land entre l'enfer, le paradis et le purgatoire. C'était une créature qui n'intercéderait donc pas pour ses parents.
Cette rapidité était aussi la cause de bien des décès, car sortir le nouveau né par grand froid lui était souvent fatal.
Les sages-femmes étaient habilitées à donner non pas le baptême, mais l'ondoiement, qui libérait l'enfant en danger de la "faute- originelle". Le curé confirmait l'ondoiement par un "supplément de baptême". ( voir par exemple AD55 1760-1791 69/345 )
L'enfant dans les familles aisées était parfois baptisé à la maison par le chapelain ou un curé de la famille. L'acte n'était pas toujours écrit sur les registres paroissiaux. L'enfant était alors, quelques fois plusieurs années après, "baptisé sous condition". Voir par exemple cette Louise Scholastique de Fabry, née le 10/08/1680 à Stenay et officiellement baptisée sous condition le 13/02/1688 à Verdun, soit à l'âge de 8 ans. Cela permettait surtout d'attendre l'opportunité de parrains et marraines un peu plus huppés. (AD55 Verdun 1668-1773 110/380)

Le parrain et la marraine étaient souvent des gens proches. Les grand-parents, quand ils vivaient encore, oncles, tantes, frères et sœurs.
J'ai trouvé toutefois une "...marraine Françoise Lambert native de la ville de Bône (Beaune) en Bourgogne..." au baptême de Marie Françoise Lambert le 25/03/1756 à Pouilly.  (AD551723-1759 234/267)
L'enfant héritait en général du prénom de ses parents spirituels. On trouve cependant beaucoup d'exceptions à cette règle.
Ainsi cette Elisabeth, fille de Gérard Lescuyer, dont la marraine est Bonne Thomassin. (AD55 1673-1722 53/276) ou Marie-Anne Billardin, dont la marraine est Méline Doucet. (AD55 1673-1722 122/276)
J'emploie le terme de parents spirituels, car parrains et marraines de par cette "proximité" ne pouvaient se marier sauf à obtenir dispenses sonnantes et trébuchantes. On les appelait aussi compère et commère.
Parfois si parrain et marraine étaient déjà fiancés, on passait outre cet interdit comme ce fut le cas de Pierre Melchior Mazelot promis à Elisabeth Guichard, sa future épouse, le 05/01/1769, au baptême de Pierre Melchior Balthazar Bertrand. (AD55 1760-1791 101/345). Ils se marient en effet 12 jours après.
Ou cet Anthoine Rousseaux qui se marie à Marie-Jeanne Arnould le 15/01/1725. Ils étaient pourtant parrain et marraine d'Anthoine Magotteaux le 19/08/1724. (AD55 1723-1759 14/267)

Moralement ces parents spirituels devaient se substituer aux parents biologiques à leur décès. C'est ce qu'on peut constater au décès de Marie-Jeanne Arnould, âgée de deux mois le 17/06/1725 . Elle a alors pour tuteur Jacques Michelet, marié à Marie Jeanne Arnould.


Parfois la famille De Pouilly consentait à tenir sur les fonds baptismaux des enfants du village.
 
On trouve par exemple Charles Tribut, fils de Pierre Tribut et de Jeanne Stevenot, baptisé le 12/10/1676. Son parrain est Charles de Pouilly, mais on ne sait lequel. La marraine est Hélène Thérèse de Pouilly (1659-1744). (AD55 1673-1722 14/276). Cette de Pouilly était la femme de Jean Baptiste Verdat-Delbos, chevalier de saint-Louis, lieutenant colonel du régiment de Penthièvre. (AD55 C3596 Fol 69)

Le 02/10/1686 Louis Stevenot, fils de Louis Stevenot, bourgeois de Pouilly et de Catherine Tribut, a pour parrain et marraine, Louis de Pouilly et son épouse Marie de Pouilly. Etant absents, ils sont représentés par Pierre Tribut et sa femme Jeanne Stevenot, ses oncles et tantes. (AD55 1673-1722 79/276)

Le 18/07/1776 est baptisé Philippe Lambert, fils de Pierre Lambert et de Marie Gillette Gobert. Il a pour parrain Amant Louis Philippe de Custine, neveu de Mme de Pouilly et fils d'Adam Philippe de Custine qui finira sous la guillotine en 1793. Le parrain est représenté par Pierre Lambert, lui même assisté vu son jeune âge, par Jean-Baptiste Lefebvre, intendant au château de Pouilly.
La marraine est Adélaïde Louise Philippine de Pouilly, la propre fille d'Albert Louis, baron de Pouilly, assistée par sa gouvernante Marguerite Rigault.

On peut se demander les raisons du choix des parrains et marraines.
Pour l'enfant c'était l'assurance d'une bonne éducation souvent militaire ou religieuse (le sabre ou le goupillon). Dans le cas de Charles Tribut, on ne sait ce qu'il devint.
Par contre Louis Stevenot  fut maître cordonnier de 1713 à 1728,  pêcheur de poisson de 1732 à 1753, puis vigneron de 1755 à 1757 année de sa mort. Une vie banale...
Philippe Lambert après un séjour à l'armée en 1799, s'est marié en 1803 à Jeanne Carré. Il était vigneron. Il est décédé le 30/12/1849 à Pouilly. Une vie là encore sans relief.
Une étude approfondie du choix des parrains et marraines expliqueraient sans doute les liens entre les familles, leur crédit vicinal et leur visibilité sociale. Mais c'est un vaste projet...

Parrains et marraines devaient être bons catholiques sans que ce fut une obligation. J'ai retrouvé le cas d'un parrain protestant. C'est Isaac Lambert, parrain de Catherine Lambotin, fille de Nicolas Lambotin et de Marguerite Launay, le 06/11/1684 (AD55 1673-1722 60/276).  Cet Isaac s'était marié le 20/01/1669 à Anne Renaud à Sedan. (Mariages, 1631-1682 Ms 664/2 299/385). Mais peut être avait-il entre temps abjuré ?

Parrains et marraines à la sortie de l'église lançaient aux enfants des dragées et le la menue monnaie.
Cette coutume perdura jusqu'à la fin du XX ème mais je ne suis pas sûr qu'elle ait existé sous l'ancien régime, où les bonbons étaient inconnus du menu peuple, et la monnaie quasi inexistante.

A Pouilly je n'ai pas rencontré de baptême républicain. Cette cérémonie aujourd'hui prisée, et remplaçant la baptême religieux, engageait théoriquement les parrain et marraines aux même obligations, vis à vis de leur filleul(e)



La messe

La messe du dimanche était le point d'orgue de la semaine.
C'était une obligation et tout endimanché, l'ensemble de la paroisse y assistait.
Les femmes d'un côté, les hommes de l'autre, les notables à leurs places attitrées. La place se monnayait auprès de la fabrique.
Les De Pouilly avait le "droit de porte". Une porte de coté leur était réservée.
Jusque dans les années soixante, le curé vérifiait si ses jeunes paroissiens, s'étant absentés, avaient assisté à l'office. Il fallait en effet faire signer un bon de présence par le curé du lieu où l'on était.

Mais le curé, si il était consciencieux, disait aussi la messe en semaine, la messe basse, très tôt le matin et avant l'école pour les enfants de chœur.
Il desservait aussi ses autres paroisses, Autreville et Moulins (il binait), quand il ne déléguait pas ce rôle à un vicaire.
Ajoutés aux messes, on pouvait assister aux vêpres, complies, salut, chapelet et autres dévotions.
Le dimanche, jour de repos, tant pour les hommes que pour les bêtes, devait être occupé au mieux, pour éviter la tentation de la taverne, les commérages entre femmes ou le marivaudage champêtre... L'église veillait au grain !

Au prône, le curé tentait de convaincre ses ouailles de vivre suivant la religion, mais son rôle politique n'était pas négligeable.
Il était chargé d'annoncer les nouvelles mesures décrétées en haut lieu, les naissances princières, les heurs et malheurs du roi ( la fistule de Louis XIV par exemple), les évènements concernant la communauté comme la date des vendanges etc.
La mission du curé était confortée par une littérature religieuse, car il était de bon ton d'être abonné à "La Croix", "Le pèlerin" ou "La vie catholique". Ces revues étaient distribuées par les enfants de chœur, qui en fin de mois récoltaient l'argent de l'abonnement.
Dans le nord de la Meuse, le chanoine Vigneron de Stenay, éditait "Le Carillon", petit opuscule de couleur bleue,  semant la bonne parole et donnant les nouvelles du canton.

Jusque dans les années soixante le latin était d'usage. Les fidèles généralement n'y comprenaient rien, mais chantaient par cœur. L'orgue ou l'harmonium accompagnait ces chorales improvisées. Asperges me, pater noster, kyrié, credo rythmait la cérémonie.
L'approche de la quête faisait cliqueter la petite monnaie.
A l'issue de la messe (ite missa est) il était d'usage que le curé bénisse du pain amené par les paroissiens et qui était distribué aux fidèles.
L'eau bénite faisait aussi partie de ces sacramentaux. On en ramenait chaque année dans une bouteille. Elle servait surtout pour les enterrements.

A Pouilly la messe finissant à midi, les hommes se retrouvaient aux cafés pour l'apéro.


Le catéchisme

Il n'était pas question d'accéder aux sacrements sans formation religieuse. Aussi les curés aidé souvent par des "dames cathé" diffusaient-ils la bonne parole. L'instruction religieuse, le chapelet, la messe basse n'opposaient pas  instituteurs et curés, en tout cas à Pouilly et pour ce que j'en ai connu.
Le caté avait lieu le jeudi, jour de repos pour les écoliers. Il n'était pas question d'y échapper !



La confession

Elle devait être régulière, mais était-ce vraiment le cas ? Dans beaucoup de paroisses le curé surveillait de près la fréquence de ces confessions, et ce jusqu'au XXe siècle.
Le curé était normalement tenu par le secret. Mais ne profitait-il pas de ce qu'il savait pour "guider" ses ouailles ?
Un arrangement pour un mariage, une vente de terrain comme pénitence, un don ante-mortem pour s'assurer une paix éternelle ?
L'ordonnance de 1944 accordant enfin le vote aux femmes, fut l'objet d'une inquiétude de quelques membres de l'assemblée consultative. "Ce vote des femmes qui sont entre les mains de leurs confesseurs" (cité par Henri Amouroux). C'est dire si la religion avaient encore une influence réelle !





La confirmation

Pour l'église c'est un sacrement, donné par l'évêque, aux enfants ayant l'âge de raison (vers 7 ans) et confirmant leur engagement.
Parfois quand un évêque se déplaçait, toute la paroisse était confirmée. On en voit l'exemple à Pouilly le 27/06/1740
La liste des confirmés était dans les papiers de la fabrique, mais a disparu.

A Pouilly l'évêque de Verdun, Mgr Petit, la donna en 1951 et 1953.



La communion solennelle.

A l'âge de 12 ans, après quelques années de catéchisme, l'enfant par cette communion passait dans le monde des adultes, religieusement parlant.
C'était l'occasion de revêtir une robe ou un premier costume, dit de communiant. L'occasion aussi d'agapes, réunissant la famille, où l' on adoubait le jeune en lui offrant sa première cigarette ou son premier verre de vin.
La montre, le missel, l'appareil photo faisait partie des cadeaux les plus offerts.
Le curé Gary instaura à Pouilly le port d'une aube pour les communiants des deux sexes. Sage initiative qui mettait fin à la course au costume le plus riche. ( C'est lui également qui habilla les enfants de chœur d'une aube simple, abandonnant le surplis et la "soutane rouge".)

Cette communion ne mettait pas fin aux activités religieuses de l'enfant. Tout au moins jusque dans les années soixante où la pratique religieuse commença sérieusement à fléchir.
Avant la communion solennelle, l'enfant vers l'âge de 7 ans pouvait communier pour la première fois. c'est ce qu'on appelait la communion privée ou petite communion ou encore première communion.

La communion était obligatoire au moins une fois l'an, c'est ce qu'on appelait les Pâques. L'église demandait à ceux qui s'apprêtaient à communier d'être à jeun depuis la veille, afin que l'hostie (et donc le corps du Christ par transsubstantiation) ne soit pas souillé. Mais que devenait cette hostie par la suite ?



Le mariage

Ce n'est qu'au concile de Latran en 1215 qu'il est vraiment  considéré comme un sacrement.
Grégoire IX le confirme en 1234 et le concile de Trente abolit cette notion de mariage consensuel qui ne réclamait que le consentement des époux sans obliger la présence d'un curé.
Depuis le clergé n'a eu de cesse de surveiller de prés ses ouailles et fustiger leurs égarements.
Le mariage, oui,  mais pour procréer et non y trouver une jouissance physique.
Concernant Pouilly on pourra lire cette page Mariage



L'extrême onction

Comme son nom l'indique, c'est celle reçue juste avant de "passer". L'église la considère comme un sacrement
On peut lire cette page la vieillesse et la mort



Les fêtes, processions, pèlerinages, œuvres diverses et autres dévotions.

Les fêtes religieuses rythmaient la vie de nos ancêtres.
Parmi les fêtes fixes, on peut citer l'épiphanie, la chandeleur, l'annonciation, saint Jean-Baptiste, l'assomption, la toussaint et noël.
Et pour les fêtes mobiles, dont le calcul de la date est désigné sous le nom de comput, on peut citer le mercredi des cendres, les rameaux, pâques, l'ascension, la pentecôte, la fête-dieu.

Aujourd'hui abandonnées, les processions étaient courantes jusque dans les années soixante.
De la fête Dieu, aux rogations, le village se mettait en peine pour établir quelques reposoirs. Le curé parcourait le village en grand apparat, dans les rues qui pour la circonstances, avaient été plus ou moins nettoyées des flattes de vaches et autres immondices.
A chaque reposoir avait lieu une petite cérémonie.

Les rogations étaient plus intéressées. En effet, il s'agissait de bénir les futures récoltes, et le curé allait  asperger les champs.
Je ne sais si les paysans lui en voulaient en cas de mauvaise saisons ?
Elles avaient lieu les lundi, mardi et mercredi précédant l'ascension.
Les rogations à Pouilly ont perduré jusque dans la fin des années cinquante. Vieille survivance, on voit maintenant des curés bénir les tracteurs

Les pèlerinages aux sources miraculeuses du coin, voire plus lointains, permettaient l'absolution de certains pêchés ou de gagner quelques indulgences pour l'au delà.
Mais à Pouilly, hélas aucune source qui ne guérisse de quoi que ce soit.

A défaut on implorait un saint, on versait son obole et on espérait.
Si d'aventure le paralytique remarchait, le scrofuleux retrouvait la santé etc. on laissait dans l'église un "Ex Voto" en remerciement.
Les plus riches fournissaient un vitrail pour l'église, ou une donation.
Parmi les pèlerins, on peut citer ceux qui partirent en croisade. Nous ne connaissons que les seigneurs par quelques traces écrites. Les pauvres bougres qui les accompagnaient de gré ou de force restent anonymes.
On partait par conviction, par repentance, mais aussi pour l'aventure, la richesse.
L'ennui d'une certaine chevalerie, l'avenir d'un cadet dans une famille, l'utopie (voir la croisade des enfants) ouvraient les routes de Jérusalem.
Certains y firent fortune, beaucoup y laissèrent la vie. Ceux qui en revinrent, imprimèrent sans doute un nouvel art de vivre et de pensée.

D'autres occasions de prière étaient proposées par les confréries et autres associations pieuses.
On en connait par une étude lancée en 1902 sur les paroisses du diocèse et dont le rédacteur était le curé François Alfred Gilles.
Il cite la confrérie du rosaire, l'archiconfrérie du saint cœur de Marie, l'apostolat de la prière. A propos de l'œuvre Propagation de la foi, il note :  "Œuvre expirant comme tout ce que l'on cherche à établir dans la paroisse".

Il nous apprend également qu'il y eut des missions.
Ces missions catholiques s'organisent partout en France afin de ranimer la foi des habitants. Le prêtre accompagné de missionnaires visitait chaque foyer, prêchait, confessait, faisait des processions et pour clore la mission, on dressait une croix à l'occasion d'une grande fête.
On en connait trois à Pouilly, en 1875 par le père Antoine, en 1887 par le père Gonnet, tous deux jésuites et une autre en 1901. Il constate amèrement que ce ne fut qu'un feu de paille.
A propos de la dernière mission le curé Gilles précise : "Pas d'autres souvenirs que celui de la résistance des hommes et d'un certain nombre de femmes."
"Comment avoir le courage de demeurer 46 ans ici ? " l'interroge le Père Antoine responsable de cette dernière mission.

Dans cette même enquête on apprend que la population est indifférente à la religion, mais que les relations sont bonnes avec le prêtre.
La moyenne des paroissiens paschalisants (faisant leur Pâques), sur les années 1899 à 1902 est de 12 pour les hommes et 112 pour les femmes.
Les offices, sacrements, cérémonies sont peu suivis.
Sans rapport, il note qu'il y a deux ou trois grosses familles et peu d'enfants.



Les exorcismes.

C'est un rituel religieux destiné à expulser une "entité spirituelle maléfique" d'une personne. Je n'en ai pas rencontré à Pouilly.
Par contre à Renwez (08) on trouve un acte curieux : "Le 20 apvril 1643 Nicolas fils de Nicolas Garot (?) et de Marie Doulcet a esté exorcisé après qu'il a esté baptisé dans la ville de Laon. Jean Doulcet Jeanne Nonnon pari marine".  Que pouvait on reprocher à ce nouveau né ? (AD08 Renwez 1606-1669 221/393)

En Lorraine, la chasse aux sorcières fit de nombreuses victimes, particulièrement à la renaissance entre les années 1550 et 1630. Ce phénomène fut le fruit des doutes, de la perte du sentiment religieux et des repères qui marquèrent cette époque. La peur du diable fit rechercher des boucs émissaires.
Les dénonciations, les jalousies, l'hystérie collective, la lutte contre l'hérésie, une épizootie, une perte de récolte envoyaient de pauvres bougres devant un tribunal qui leur faisait dans un procès inique, avouer tout ce qu'on voulait. La sentence était le bûcher dans la plupart des cas.
En 1486, est édité un livre le "Malleus Maleficarum" ou  le "Marteau des sorcières" qui donne l'image la plus néfaste possible de la femme et qui connait une grande diffusion.
Les victimes furent en effet majoritairement des femmes.
Officiellement la chasse aux sorcières prit fin le 25/04/1672 par arrêt royal.
On pourra lire l'ouvrage de Jacques Roehrig : "A mort la sorcière ! Sorcellerie et répression en Lorraine XVIe-XVIIe". Il y dénombre 2228 victimes !

Il est curieux de constater qu'au XXI ème siècle, il existe encore des prêtres exorcistes dans chaque diocèse, et que Jean Paul II dans un discours du 24/05/1987 disait :
"Cette lutte contre le Démon, est bien actuelle aujourd’hui encore, puisque le Démon est toujours vivant et agissant dans le monde.
En effet, le mal qui est présent sur terre, le désordre..., l’incohérence ... ne sont pas seulement les conséquences du péché originel, mais aussi l’effet de l’action dévastatrice et obscure de Satan.". A quand un Vatican III ?
Heureusement l'église reconnait maintenant, qu'être "possédé du démon" relève souvent d'une malade mentale.



Quelques conversions :

A Pouilly, on en trouve peu.
Si la région fut par Sedan et Jametz, terre d'asile des fidèles de la RPR (Religion Prétendue Réformée dite aussi nouvelle prétendue opinion, ce qui effaçait l'existence même de religion), Pouilly ne fut jamais un Havre pour eux.
L'attachement de Pouilly à l'Empire, via le duché de Lorraine et de Bar l'en empêchait. Les escarmouches entre les deux familles de Pouilly- Cornay et Pouilly-Pouilly en sont la preuve.
La ligue était lorraine et les Guise défenseurs fanatiques de la religion catholique.
Pour ces raisons, on imagine mal un Beschefer venir enterrer son orfèvrerie à Pouilly, comme l'étude sur le trésor de Pouilly le laisse supposer.

On relève tout au plus :
Paul Dubois. Le 26/06/1764, le curé Billet note : "...ay reçu l'abjuration de Paul Dubois natif de la ville de Sedan résidant à Bazeilles, de l'hérésie de Calvain (sic)...". (AD 55 1760-1791 51/345)
Il avait un frère Jean-François qui est témoin de l'événement. Mais on ne sait rien de plus sur eux.
La RPR était donc peu représentée.

A Cesse on trouve l'abjuration d'Élisabeth de Pouilly, dame d'Inor, de Pouilly, de Luzy en partie le 28/02/1686. Elle est la veuve de messire François de Longchamp  le Noble.
En 1683, son mari se trouve "es prisons de Chaalons", mais on ne sait pas pourquoi. Il décède entre 1683 et 1686.
La révocation de l'édit de Nantes, le 18/10/1685 par Louis XIV, n'est sans doute pas étrangère à cette conversion.
Elisabeth est décédée avant 1715, comme on le constate sur une quittance du 12/02/1715. (CHAN Paris 01/01/1715 - 28/02/1715 | AN ET-CXVIII-296 431/541).
L'appartenance de cette dame à la "religion prétendue réformée", ne doit pas pour autant légitimer le vieux principe : "Cujus regio, ejus religio".
Si il était de bon ton de se conformer à la religion de son seigneur, au XVII ème en nos régions,  cette notion était désuète.



Un état des lieux en 1951

L'abbé Neu parle dans une lettre à Mgr Petit, lors de la confirmation de 1951 de l'assiduité de ses paroissiens.
"Sur une population d'environ 220 habitants, nous avons une assistance régulière de 100 à 110 personnes à la messe du dimanche, si nous comptons les enfants avant leur profession de foi. A peu prés tous les assistants de la messe dominicale et quelques uns qui sont peut être moins réguliers font leur pâques.
Pour rentrer dans plus de détails, disons que nous avons comme pratiquants 20 hommes sur 45, dont 9 cultivateurs sur 14, 5 ouvriers sur 17 et 6 sur 14 des commerçants, artisans et retraités.
Sur 57 femmes, 38 assistent régulièrement aux offices. Quant aux jeunes filles, qui ne sont plus qu'au nombre de 12, à part l'une ou l'autre qui est moins régulière, elles sont bien assidues et dévouées. Les jeunes gens laissent quelque peu à désirer. Sur 21, 14 ont une pratique religieuse normale. Naturellement tous les enfants sont baptisés, font leur première communion dés qu'ils sont suffisamment préparés et assistent à tous les offices de la paroisse.
A Pouilly il y a actuellement 42 enfants, parmi lesquels les tout petits sont les plus nombreux.
Les jeunes filles font en principe partie de la chorale paroissiale, quelques unes même d'entre elles sont militantes d' "Action Catholique".
Il n'y a guère que nos nombreux jeunes gens qui se laissent vivre d'une vie chrétienne bien calme, L' "Action Catholique" ne les tente guère...
En conclusion, nous pouvons dire à votre excellence que dans la paroisse, malgré les exceptions qu'il y a, à la règle, l'entente, l'accord, l'entraide et la charité règnent".

On mesure par cet écrit la surveillance exercée par le curé sur ses ouailles.



Et maintenant au XXIe siècle, la pratique religieuse a très fortement diminué. On ne va plus guère à l'église que pour des enterrements ou des mariages. Les mentalités ont changé, les curés se font rares ou se trouvent regroupés hors des paroisses.

Voir aussi la page curés et visites paroissiales.